Neuf chefs d’accusation contre le suspect de l’attaque d’une garderie à Laval
Deux enfants sont morts et six autres ont été blessés après qu’un chauffeur d’autobus de la Société de transport de Laval (STL) a foncé dans une garderie du quartier Sainte-Rose, mercredi matin. L’homme de 51 ans a été arrêté sur place et a comparu en fin d’après-midi. Neuf chefs d’accusation, dont deux de meurtre au premier degré, ont été déposés contre lui.
En point de presse, le directeur des services professionnels du CHU Sainte-Justine, le Dr Marc Girard, a expliqué que son hôpital a accueilli deux garçons et deux filles d’âge préscolaire (4 et 5 ans) à la suite du drame. L’un d’entre eux était aux soins intensifs, mercredi en milieu de journée, tandis que les trois autres étaient en évaluation.
« La santé [des enfants] est évidemment atteinte, mais leur vie n’est pas en danger », a noté le Dr Girard, tout en rappelant que leurs traumatismes ont été subis il y a moins de 24 heures et que « l’évolution est difficile à prévoir ».
Mise à jour
Le chef du service de médecine d’urgence du CISSS de Laval, le Dr Patrick Tardif, a de son côté confirmé que trois enfants avaient été admis à l’urgence de l’hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. L’un de ces enfants est décédé, malgré les mesures de réanimation. Les deux autres sont en observation ; on ne craint pas pour leur vie.
Les deux enfants décédés étaient âgés de quatre ans. L’un d’eux allait fêter son anniversaire dans dix jours.
Le fils de Yan Nadeau, âgé de 4 ans, fait partie des blessés. L’autobus a embouti le local où il se trouvait avec ses camarades. « Mon gars a été projeté », a raconté le père de famille, que Le Devoir a rencontré en matinée. « Il est à l’hôpital Sainte-Justine. Ils lui ont fait des scans et il semble être correct. Ma femme est partie à Sainte-Justine. » Sa fille de 2 ans et demi, qui fréquente aussi la garderie, est indemne ; son local se trouvait à l’arrière de l’installation.
Le drame est survenu vers 8 h 30 sur la terrasse Dufferin, où se dresse la garderie éducative Ste-Rose. L’autobus a frappé un local accueillant des enfants de quatre à cinq ans.
Ginette Lamoureux, qui habite à proximité, s’est précipitée dehors avec son conjoint après avoir entendu la collision. « Quand mon conjoint est arrivé [sur les lieux], des messieurs avaient maîtrisé le chauffeur par terre, et j’ai vu que les policiers le traînaient jusqu’à la voiture », raconte-t-elle. Des enfants étaient regroupés à l’arrière de la garderie. « Ça pleurait, ça criait, c’était la folie en dedans. Tout le monde était hystérique. »
Une vingtaine d’enfants de la garderie ont été transportés en autobus jusqu’à l’école primaire du Parc, située tout près. L’endroit est devenu un point de rassemblement pour les policiers et les parents. « On se prépare à expliquer [l’accident] à nos enfants dans des mots qu’ils vont comprendre… » a expliqué Balkis Joseph, une mère venue chercher ses enfants.
Neuf chefs d’accusation
Le chauffeur, Pierre Ny St-Amand, a été arrêté sur place. Neuf chefs d’accusation ont été déposés contre lui en début de soirée (deux de meurtre au premier degré, un de tentative de meurtre, deux de voies de fait graves et quatre de voies de fait). Le syndicat des chauffeurs de la STL a confirmé qu’il travaillait pour la société de transport depuis une dizaine d’années.
M. St-Amand a comparu par visioconférence au palais de justice de Laval vers 17 h. Allongé dans un lit d’hôpital, il est demeuré muet pendant la quasi-totalité de l’exercice. Selon le policier qui l’accompagnait, il avait pourtant répondu aux questions des autorités pendant environ deux heures plus tôt en après-midi.
Au retour d’une courte pause dans l’audience, le policier présent dans la chambre d’hôpital de M. St-Amand a affirmé que celui-ci venait de le frapper par pur mécontentement. Le suspect a ensuite présenté des signes d’agressivité lorsque l’agent a refusé de lui donner son téléphone portable.
Selon les avocats des deux parties, un médecin de l’hôpital a demandé que l’accusé soit transféré dans une aile psychiatrique en raison de sa « dangerosité ». Cette demande a été rejetée : l’homme sera transféré en milieu carcéral une fois qu’il aura obtenu son congé de l’hôpital, a confirmé la procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales chargée du dossier, Karine Dalphond.
« Maîtrisé » par les témoins
Plusieurs témoins ont raconté que l’accusé s’est montré très agressif après avoir commis l’acte. « Les policiers l’ont traîné jusqu’à [leur] voiture. Il avait de la rage dans ses yeux, il n’était plus là », raconte Mme Lamoureux, qui a assisté à son arrestation. « Tout est allé tellement vite », affirme son conjoint, Mario Sirois, qui a aidé à « maîtriser » le chauffeur avant l’arrivée des policiers. « Quand je suis arrivé dans la garderie, il était nu, par terre, recroquevillé. »
Hamdi Benchaabane, un voisin de la garderie, estime que le geste du chauffeur d’autobus était intentionnel. Il a aussi déclaré l’avoir maîtrisé avec l’aide de trois personnes, dont M. Sirois.
« Il a ouvert la porte et il a enlevé ses vêtements. […] On n’a pas compris pourquoi il a fait ça. On a plongé sur lui. […] Il n’arrêtait pas de crier. On l’a frappé pour le maîtriser, et on l’a mis par terre. On a attendu les policiers qui sont venus lui mettre les menottes. »

Un autre témoin a indiqué au Devoir que, selon lui, puisque la garderie se trouve à l’écart — au bout d’un cul-de-sac —, l’autobus n’a pas pu s’y enfoncer par méprise ou par hasard. Le chauffeur aurait délibérément emprunté la voie menant directement à la garderie.
L’enquête des policiers de Laval devrait permettre de mieux comprendre les motifs de l’accusé.
Choc et consternation
C’était la consternation à Laval mercredi. Quand Le Devoir l’a rencontrée, Diane Pilon venait de sortir de l’école primaire voisine, où les enfants, les parents et les éducatrices s’étaient rassemblés après l’évacuation de la garderie. La grand-mère était soulagée : ses deux petits-enfants sont sains et saufs. « Tout se passe bien à l’intérieur, même si les gens sont bouleversés », a-t-elle dit.
La STL est dévastée par la tragédie survenue ce matin à Laval. Nous sommes de tout coeur avec les familles et les employés touchés par ce drame. Le Service de police de la Ville de Laval mène actuellement une enquête à laquelle nous collaborons activement.
— STL (@stlsynchro) February 8, 2023
Le syndicat des chauffeurs de la STL a mis en place une cellule de crise pour venir en aide aux collègues de l’accusé, qui étaient eux aussi abasourdis par les événements. « On collabore avec le Service de police de Laval et la société de transport. Je vous avouerais qu’on est dans la gestion des chauffeurs, qui sont aussi sous le choc et ébranlés », a indiqué son secrétaire général, Anthony Latour.
Estelle Lacroix, porte-parole de la société de transport lavalloise, a d’ailleurs signalé par courriel qu’il « est possible que certains voyages doivent être annulés en raison d’un plus grand nombre d’absences » dans l’immédiat. « Pour le moment, peu de trajets sont affectés, mais nous surveillons la situation de près. »