Les nouveaux défis de la docteure Lucie Opatrny

Les Québécois connaissent la Dre Lucie Opatrny pour ses participations occasionnelles aux points de presse offerts par le gouvernement au sujet de la COVID-19. Elle était alors sous-ministre adjointe au ministère de la Santé.
Paul Chiasson La Presse canadienne Les Québécois connaissent la Dre Lucie Opatrny pour ses participations occasionnelles aux points de presse offerts par le gouvernement au sujet de la COVID-19. Elle était alors sous-ministre adjointe au ministère de la Santé.

Maintes fois sous les feux de la rampe lors de la pandémie de COVID-19, l’ancienne sous-ministre adjointe au ministère de la Santé, la Dre Lucie Opatrny, entame son mandat de présidente-directrice générale du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), à Montréal. Responsable de cinq installations différentes, situées sur différents sites, elle fera face à de nombreux défis. Le Devoir s’est entretenu avec elle.

Les urgences du CUSM sont en crise, comme ailleurs dans le Grand Montréal. À l’hôpital Royal-Victoria, le taux d’occupation sur civière frôle les 200 % ces jours-ci. Qu’allez-vous faire pour régler le problème ?

La situation dans les urgences était une de mes priorités quand j’étais au ministère. C’est sûr que ça va en demeurer une, maintenant que je suis au CUSM. J’en suis au 3e jour de mon mandat et j’ai déjà rencontré plusieurs personnes en lien avec ça. Il faut travailler sur plusieurs éléments en même temps.

Au CUSM, beaucoup de personnes sont traitées en oncologie. Des patients atteints de cancer se retrouvent à l’urgence pour des complications liées à leur traitement ou à leur santé fragile. Est-ce que cette clientèle ne pourrait pas être mieux servie si on avait un hôpital de jour qui leur était destiné ? On a un projet en ce sens et je vais voir comment l’accélérer. On a déjà du financement et maintenant, il faut voir comment le mettre en place.

Il faut aussi, entre autres, examiner les durées moyennes de séjour aux étages et déterminer s’il y a moyen de les diminuer. Cela permettrait de monter plus rapidement aux étages les patients qui sont aux urgences et qui sont en attente d’un lit d’hospitalisation.

 

Les opérations chirurgicales hors délai sont en hausse au CUSM depuis un an. Comment rattraper ce retard dans un contexte où les lits d’hospitalisation demeurent limités ?

Il existe plusieurs façons d’y arriver. On peut faire davantage de chirurgies d’un jour qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. On peut aussi voir comment on peut accélérer le parcours chirurgical des patients tout en diminuant le taux de complication. Cela permet de faire plus d’interventions avec les mêmes ressources.

Cette approche, l’Enhanced Recovery After Surgery [récupération rapide des patients après une intervention chirurgicale], est utilisée depuis quelques années au CUSM. Mais est-ce qu’on pourrait l’appliquer à un plus fort pourcentage d’opérations ? Est-ce qu’on pourrait optimiser d’autres parcours chirurgicaux ? La réponse pour moi, c’est oui.

 

La pénurie de main-d’oeuvre est-elle criante au CUSM ?

C’est un enjeu partout dans le réseau. Le CUSM ne fait pas exception. Il y a des centaines de postes qui ne sont pas pourvus. Par exemple, on manque d’inhalothérapeutes. C’est une des raisons qui explique pourquoi on ne peut pas ouvrir quelques salles d’opération.

Cela dit, on est très chanceux d’avoir moins de main-d’oeuvre indépendante que dans d’autres établissements. Cela a beaucoup à voir avec l’implantation, il y a des années, de l’autogestion des horaires et des quarts de travail de 12 heures.

Le Journal de Montréal rapportait en novembre dernier que des citoyens francophones étaient incapables d’être servis en français au CUSM. Quelle est l’ampleur du problème ?

Bien honnêtement, je n’ai pas une vision assez complète pour être capable, au 3e jour de mon arrivée en poste, de me prononcer là-dessus. J’ai lu, comme vous, les articles sur le sujet. C’est sûr qu’il faut absolument creuser la question. Ce dossier est une de mes priorités les plus importantes. Il faut s’assurer que les personnes qui viennent au CUSM puissent être servies en français. Point à la ligne.

Mon français est assez solide, merci, et je me rappelle que lorsque ma fille était malade, je n’étais pas capable de prononcer une phrase en français. Il est important d’obtenir des soins dans la langue avec laquelle on est la plus à l’aise.

 

L’hôpital de Lachine vit des ruptures de services depuis plusieurs mois déjà. Quels sont vos plans pour cette installation ?

Depuis le mois de novembre, il n’y a pas d’ambulance la nuit à l’hôpital de Lachine. Les soins intensifs sont fermés depuis plusieurs mois. En ce moment, la situation est assez fragile. Il va falloir que je regarde ça.

C’est un hôpital très important pour desservir la communauté. Sa clientèle aurait pas mal de maladies chroniques. Il faudrait bâtir des cliniques pour s’occuper des gens qui ont, par exemple, le diabète, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et une insuffisance cardiaque.

 

En quoi votre passage au ministère de la Santé à titre de sous-ministre adjointe va-t-il teinter votre vision et votre leadership au CUSM ?

J’ai une vision de réseau, et le CUSM fait partie de ce réseau. Au ministère, j’ai travaillé sur le guichet d’accès la première ligne (GAP), qui visait à régler des problèmes de première ligne. Maintenant, c’est l’autre extrême : c’est de dire que les Québécois ont aussi le droit d’avoir accès aux traitements novateurs dernier cri (des greffes, des opérations très poussées et très inventives, la thérapie génétique, etc.). Mais tout ça doit se faire dans un ensemble. Le CUSM n’est pas seul. Le CUSM fait partie d’un réseau.

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