Infractions et crime organisé, le restaurant Alexandre sur la sellette encore une fois

Le restaurant et bar français Alexandre, dans le centre-ville de Montréal
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le restaurant et bar français Alexandre, dans le centre-ville de Montréal

Le restaurant et bar français Alexandre, établi au centre-ville de Montréal, se trouve de nouveau sur la sellette. Ses permis d’alcool seront suspendus pendant 30 jours, en raison de multiples infractions, dont la présence d’individus liés au crime organisé dans l’établissement et le non-respect de mesures sanitaires. L’établissement devra fermer ses portes durant cette période.

Le Tribunal de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a rendu son jugement mercredi dernier. Il ordonne la suspension des permis de restaurant et de bar d’Alexandre pour une durée de 30 jours, soit la sanction proposée conjointement par la RACJ et l’établissement français. Aucun client ne pourra alors être admis dans l’établissement ni sur sa terrasse.

De nombreuses infractions, survenues entre mai 2018 et février 2022, sont reprochées au restaurant Alexandre. « À six reprises sur une période d’environ deux ans, les policiers du SPVM [Service de police de la Ville de Montréal] observent la présence dans l’établissement de plusieurs individus d’intérêt liés au crime organisé », écrit le Tribunal de la RACJ.

En outre, lors de trois événements, des agents d’infiltration du SPVM font « l’acquisition de sachets de cocaïne auprès de l’un des employés de l’établissement ». « Le 24 janvier 2020, au moment de l’exécution d’un mandat de perquisition dans l’établissement, les policiers procèdent à l’arrestation de deux employés et découvrent sur l’un d’eux deux sachets de cocaïne », poursuit la juge administrative.

Le restaurant Alexandre a également contrevenu à des mesures sanitaires imposées par la Santé publique durant la pandémie de COVID-19. Le 1er octobre 2021, rapporte le Tribunal, les policiers constatent que des employés ainsi que le propriétaire, Alain Creton, ne portent pas de couvre-visage dans l’établissement et « qu’aucune vérification adéquate de l’identité des clients présentant leur passeport vaccinal n’y est faite ». Selon le SPVM, 14 clients non masqués se trouvent à l’intérieur du restaurant « en dehors des heures permises » le 23 février 2022 à 0 h 15.

Les policiers ont aussi été appelés à intervenir dans l’établissement « à une occasion en raison de la présence d’un client agressif s’étant battu avec certains employés ».

Est-ce que les policiers sont là pour nous aider ou nous piéger ? [...] Quand les gens s’installent, je ne les connais pas. Comment veux-tu les connaître ?

 

Dans son jugement, le Tribunal souligne que le propriétaire d’Alexandre, Alain Creton, a admis « des manquements et reconnaît qu’une sanction doit lui être imposée ». M. Creton a d’ailleurs fait état, lors de l’audience, des mesures mises en place pour éviter les problèmes notamment causés par « la présence de clients violents ou indésirables ».

Le propriétaire a toutefois précisé que sa « clientèle habituelle […] n’est pas composée de membres du crime organisé, mais plutôt de gens d’affaires et d’avocats ». « Il fera tout pour empêcher que les individus liés au crime organisé fréquentent son établissement à l’avenir », écrit la juge.

Le Tribunal n’a pas déterminé quand Alexandre devra fermer ses portes. C’est au SPVM de décider la date de suspension des permis d’alcool et de procéder à la mise sous scellés des boissons alcooliques.

Alexandre fragilisé financièrement

Joint par Le Devoir, Alain Creton qualifie ce jugement de « costaud ». « Est-ce que les policiers sont là pour nous aider ou nous piéger ? » dit-il. Le restaurant « n’est pas une discothèque » avec un portier pour filtrer la clientèle, se défend le propriétaire : « Quand les gens s’installent, je ne les connais pas. Comment veux-tu les connaître ? »

Il répète que quiconque fréquente l’institution sait qu’une clientèle liée au crime organisé n’est « pas dans le style de la maison ». Alain Creton espère rencontrer sous peu le nouveau chef de police, Fady Dagher, à la tête du SPVM depuis une dizaine de jours. « Comment reconnaître ces gens-là ? Est-ce que la police a une liste ou des photos [à fournir aux restaurateurs pour les aider] ? » demande-t-il.

La fermeture éventuelle pourrait fragiliser financièrement l’entreprise, selon lui. « C’est comme si on appliquait une amende de 100 000 $. » D’autant plus que la suspension temporaire des permis nécessaires à ses opérations arrive alors que l’entreprise sort à peine la tête de l’eau.

En effet, le restaurant n’a pas fait les manchettes que pour des raisons gastronomiques dans les dernières années. En juin 2021, l’entreprise d’Alain Creton s’était placée sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Dix créanciers — dont Édifice Hermès, propriétaire de l’espace loué rue Peel — lui réclamaient alors près d’un million de dollars. Le restaurant Alexandre s’est finalement entendu avec ses créanciers, en mars 2022, ce qui a mis un terme au bras de fer qui les opposait.

L’entente avec les créanciers a aussi permis de mettre un point final à un litige entre le restaurant et son ancien chef Christian Peillon, qui s’étire depuis plusieurs années. Ce dernier réclamait près de 185 000 $ à la suite de son congédiement. Dans un jugement rendu en 2021, le Tribunal administratif du travail lui avait donné raison en concluant que les changements du contrat qui liait le chef cuisinier au restaurant étaient en fait « un congédiement déguisé ».

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