Les témoins de la tuerie de Vaughan se remettent difficilement

Des gens ont rendu hommage aux victimes de la tuerie de Vaughan, le 21 décembre 2022.
Photo: Arlyn McAdorey La Presse canadienne Des gens ont rendu hommage aux victimes de la tuerie de Vaughan, le 21 décembre 2022.

Un mois après la tuerie de masse dans une tour d’appartements en copropriété de Vaughan, en Ontario, certains témoins se remettent difficilement et espèrent obtenir davantage de soutien.

Le 18 décembre au soir, un homme de 73 ans a assassiné cinq résidents de la tour dans laquelle il habitait en banlieue de Toronto avant d’être abattu par les policiers. Depuis, les résidents du 9235, rue Jane, marchent tous les jours dans les couloirs que Francesco Villi a parcourus pour aller tuer Rita Camilleri, Vittorio Panza, Russell Manock, Helen Manock et Naveed Dada. Certaines des victimes étaient membres du conseil d’administration, que le septuagénaire accusait d’avoir camouflé des irrégularités de construction dans la tour.

« On ne va pas encore tous mieux », confie Jack Rozdilsky, un résident de l’immeuble, au sujet de ses voisins. « Si la tuerie avait eu lieu dans un autre endroit, peut-être que je n’aurais pas besoin d’y retourner tous les jours, mais vous ne pouvez pas ne pas retourner à la maison », raconte le résident. « C’est pour cette raison que cela va prendre du temps pour surmonter le traumatisme que nous avons vécu », poursuit celui qui est aussi professeur à l’Université York.

Une rencontre organisée par la Ville de Vaughan et la police régionale de Peel aura lieu le 16 février, ce qui est bien accueilli par les résidents, mais Jack Rozdilsky affirme que le niveau de soutien nécessaire pour la communauté dépasse les services qui lui sont offerts.

Le maire de Vaughan, Steven Del Duca, est conscient des besoins des résidents. « Certains membres de la communauté sentent qu’ils ont obtenu des réponses à leurs questions et l’appui nécessaire, mais d’autres pensent que plus doit être fait », résume celui qui était auparavant chef du Parti libéral de l’Ontario. « De l’aide supplémentaire sera fournie », assure-t-il.

Un expert mieux informé

Jack Rozdilsky est doublement bien placé pour comprendre comment les autorités répondent aux tueries : il s’agit de l’un de ses domaines de recherche à l’Université York. Mais le professeur n’avait jamais lui-même été impliqué dans l’un de ces attentats. Cette expérience lui a permis de mieux saisir là où les interventions peuvent être améliorées. « Au Canada, on peut faire mieux que ce que nous avons fait ici », dit-il, tout en prenant soin de mentionner qu’il ne blâme personne en particulier. Aux États-Unis, remarque-t-il, des centres de soutien aux victimes sont parfois ouverts moins de douze heures après une telle catastrophe.

Physiquement, je ne suis pas blessé, mais psychologi­quement, j’ai des blessures que je dois traiter en raison de mon exposition à la scène du crime. [...] Le processus de deuil sera durable pour ceux qui avaient un lien de parenté avec une victime. Pour ceux qui ont été exposés, ce sera long avant de surmonter le traumatisme.

Or l’aide portée aux victimes du 18 décembre n’a pas été immédiate, note Jack Rozdilsky. Les Services aux victimes de la région de York — qui comprend plusieurs municipalités, dont Vaughan — ont organisé jusqu’à maintenant trois rencontres avec les copropriétaires. La première a eu lieu le 29 décembre, onze jours après la tuerie ; deux autres ont eu lieu lors de la semaine du 9 janvier. « Ce que les Services aux victimes ont fait était vraiment nécessaire, et ils nous ont beaucoup aidés », estime toutefois le professeur.

Pour sa part, Steven Del Duca ne pense pas que la réponse des autorités a fait défaut, mais explique qu’elle a été complexe. « À Vaughan, et probablement dans la plupart des municipalités ontariennes, les plans de gestion des situations d’urgence mettent l’accent sur les catastrophes naturelles. Ça ne veut pas dire qu’on ne se prépare pas à des attentats meurtriers, mais c’est une question de proportion », indique le maire. « Notre service de police et les services aux victimes sont régionaux, au lieu d’être locaux », poursuit-il.

Un deuil qui commence

« Physiquement, je ne suis pas blessé, mais psychologiquement, j’ai des blessures que je dois traiter en raison de mon exposition à la scène du crime », confie Jack Rozdilsky. La majorité des résidents ont été exposés d’une façon ou d’une autre à la tuerie. Certains ont été témoins directement de l’acte du septuagénaire ; d’autres, comme le professeur, ont vu la scène du crime. « Le processus de deuil sera durable pour ceux qui avaient un lien de parenté avec une victime. Pour ceux qui ont été exposés, ce sera long avant de surmonter le traumatisme », dit-il.

Le 22 janvier, Jack Rozdilsky a ouvert la télévision pour y découvrir que 11 personnes avaient été abattues par un septuagénaire en Californie. « Je ne pouvais m’empêcher de revivre ce qui m’était arrivé », dit-il. Malgré tout, le professeur ne pense pas quitter son immeuble. « La tuerie de masse est survenue dans le bâtiment où j’habite. Qu’est-ce qui me dit que ça ne peut pas arriver dans un autre immeuble ? » se demande-t-il. « Je pense que j’habite encore dans un endroit sécuritaire », dit-il.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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