Québec solidaire craint un appauvrissement des aînés

Québec solidaire craint un « appauvrissement » des personnes âgées si le gouvernement Legault adopte un projet de règlement qui prévoit de réviser les critères de fixation du loyer dans les résidences privées pour aînés (RPA). La formation réclame plutôt un meilleur financement public des soins à domicile.
Un projet de règlement apparaissant dans La Gazette officielle du 25 janvier, piloté par la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, prévoit d’ajouter dans le calcul nécessaire à la fixation du loyer dans les RPA « un pourcentage applicable aux frais de services qui se rattachent à la personne même du locataire ». Celui-ci serait déterminé en fonction de l’indice des prix à la consommation relatif aux soins de santé établi par Statistique Canada, indique le projet de règlement.
Si ce document est adopté tel quel, les propriétaires de RPA qui offrent des soins de santé pourront alors hausser davantage les loyers de leurs locataires tout en respectant les critères du Tribunal administratif du logement, puisque ceux-ci tiendraient alors compte de l’inflation annuelle dans le coût des soins de santé offerts aux résidents. Une proposition, effectuée dans un contexte de fermetures successives de RPA dans les dernières années, qui préoccupe les élus solidaires Andrés Fontecilla et Christine Labrie.
« Ce sont des hausses des loyers substantielles pour les aînés, qui n’auront sans doute pas les moyens de rester là où ils sont, ou ce sont leurs familles qui devront pallier pour qu’ils restent là », en les soutenant financièrement, relève Mme Labrie. Cette dernière craint d’autre part que des personnes âgées qui souhaitaient emménager dans une RPA prochainement soient forcées de changer d’avis, faute d’avoir les moyens d’y loger.
« Il y a énormément d’aînés qui mettent tous leurs revenus dans les RPA », rappelle M. Fontecilla, qui presse le gouvernement Legault d’abandonner ce projet de règlement. « La marge de manoeuvre, pour beaucoup d’aînés, elle n’existe pas, surtout pour les aînés qui reçoivent le Supplément de revenu garanti », renchérit le porte-parole de Québec solidaire en matière d’habitation. Actuellement, un aîné vivant seul doit avoir un revenu annuel de moins de 20 832 $ pour avoir accès au Supplément de revenu garanti, une aide financière accordée par Ottawa aux personnes âgées à faible revenu.
« Donc, en augmentant les tarifs, ça induit un appauvrissement des personnes résidentes en RPA », ajoute l’élu, en référence au projet de règlement de la ministre de l’Habitation. Or, « en faisant ça, le gouvernement abandonne les aînés », estime Christine Labrie, qui est porte-parole pour les aînés au sein de Québec solidaire.
Soins à domicile
Tout en se montrant ouvert à miser plutôt sur une aide financière gouvernementale temporaire aux RPA en difficulté, Andrés Fontecilla, estime d’autre part qu’une réflexion s’impose dans la manière dont le gouvernement du Québec finance les soins de santé à domicile. Une position que partage Christine Labrie, qui réclame la création d’un registre universel et gratuit d’accès aux soins de santé à domicile pour les aînés.
« Les RPA, effectivement, elles répondent à un besoin, mais de mon point de vue, la responsabilité d’offrir des soins de santé à domicile, elle devrait incomber à l’État. En ce moment, l’État se déresponsabilise de ça en laissant les RPA faire de l’argent sur le dos des aînés avec ça », lance Mme Labrie, qui estime que le projet de règlement du gouvernement Legault témoigne de l’intention de ce dernier de « privilégier la privatisation des soins et des services à domicile » pour les personnes âgées.
« Selon nous, ça devrait être la responsabilité du gouvernement de prendre ça en charge pour éviter que les aînés s’appauvrissent », ajoute l’élue. Or, « c’est exactement ce qui va arriver si le règlement est adopté tel qu’il a été présenté » par Québec. « L’impact, il est directement dans le portefeuille des aînés. »
Joint par Le Devoir, le cabinet de la ministre France-Élaine Duranceau a rappelé que ce projet de règlement a comme objectif « d’assurer la pérennité des RPA à plus long terme ». La révision du mécanisme de fixation du loyer dans ces résidences vise donc à s’assurer que celui-ci « soit plus adapté à la réalité des RPA quant aux frais d’exploitation, et ce, à leur demande ».
La ministre note d’ailleurs que cette mesure s’accompagne d’autres actions visant cette fois à « mieux protéger les aînés ». Elle note à cet égard « la mise en place d’un nouveau formulaire de bail spécifique aux RPA » ainsi que l’obligation de ces résidences « d’afficher l’augmentation des prix des services et l’accompagnement dans le contexte de litiges avec le locateur ».
« Par ailleurs, le crédit d’impôt remboursable pour maintien à domicile des aînés a été bonifié progressivement à partir du 1er janvier 2022 afin d’atténuer l’impact des hausses de loyer anticipées sur les aînés au courant des prochaines années », ajoute Mme Duranceau, dans une déclaration écrite.