Vague de violence dans les transports en commun de Toronto

Les autorités torontoises tentent de mettre fin à une vague de violence qui sévit dans les transports en commun de la ville depuis avril dernier et sème la peur chez certains usagers. Désormais, 80 policiers patrouilleront chaque jour dans les métros, autobus et tramways. Un recours qui divise la population et qui, selon des experts, est loin de régler les problèmes à l’origine de la violence.
Les dossiers de violence dans les transports en commun de la Ville Reine se multiplient depuis quelques mois. En avril, une femme a été poussée sur les rails du métro. Au mois de juillet, une femme est décédée après que ses vêtements furent enflammés. En décembre, une femme de 31 ans a été tuée dans le métro. Lundi, un employé a été agressé, et mardi, une femme dans la vingtaine a été poignardée plusieurs fois dans un tramway. Les infractions commises à l’endroit des employés de la Commission de transport de Toronto (CTT) ont augmenté de 22 % entre le quatrième trimestre de 2021 et le premier de 2022.
« Je sais que les usagers sont anxieux lorsqu’ils prennent les transports en commun », a assuré le maire de Toronto, John Tory, jeudi après-midi. Le Syndicat uni du transport (SUT Canada) — dont le siège social est dans la Ville Reine — a demandé la création d’un groupe de travail pour mettre fin à la violence, a rappelé le maire. « Les attaques à Toronto et à travers le pays ont atteint un niveau de crise », a déclaré le président du SUT Canada, John Di Nino, en entrevue avec le réseau CP24.
Peu de réseaux de transport ont répondu à l’appel du syndicat jusqu’à maintenant, bien que la Ville de Winnipeg dise vouloir former son propre groupe de travail. Dans un courriel, une porte-parole de la Société de transport de Montréal (STM) n’a pas indiqué si la société appuyait la formation d’un groupe de travail national. « Il est important de se rappeler que chaque ville et chaque réseau de transport ont une réalité et des phénomènes sociaux qui lui sont propres », a écrit la STM. « Notre réseau de transport est sécuritaire », a-t-elle poursuivi.
Comment y répondre ?
La Ville de Toronto, le service de police et la CTT n’ont pas offert d’explication claire à la montée de la violence. Les autorités ont toutefois laissé entendre que des problèmes de santé mentale ou d’itinérance pouvaient être en cause, un lien qui préoccupe certains intervenants de ces milieux. « Nous devons faire attention lorsque nous comparons la santé mentale à la violence », prévient le Dr Sandy Simpson, chef du service de psychiatrie médico-légale du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto (CAMH).
« C’est une ville immense. Difficile de savoir ce que ça va changer d’avoir 80 policiers », affirme David Reycraft, le directeur du logement au refuge Dixon Hall. L’intervenant indique que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale — qu’elles soient en situation d’itinérance ou non — pourraient être elles-mêmes victimes de violence si elles sont désignées comme responsables des actes de violence par les autorités. Faute de lits dans les refuges de la ville, de plus en plus de personnes en situation d’itinérance se tournent vers les transports en commun pour rester au chaud, observe-t-il.
« Si on évoque que la violence est due à des problèmes de santé mentale, envoyer 80 policiers dans les transports en commun signifie qu’on traite les dossiers de santé mentale comme des dossiers criminels », a déclaré sur les réseaux sociaux l’intervenante Diana Chan McNally, du centre communautaire All Saints. « On a besoin de plus de ressources pour les personnes en situation d’itinérance et les agences qui les aident. Cela fait trois ans que nos équipes naviguent la pandémie : on est complètement épuisés », explique en français David Reycraft.
À court terme, le Dr Simpson estime que la réponse des services policiers est appropriée, mais comme M. Reycraft, le médecin suggère que les solutions dépassent les frontières du réseau. « Si on n’aborde pas la précarité financière de beaucoup de gens, on ne réglera pas le problème », dit le psychiatre du CAMH. « Nous pourrions lancer le revenu de base universel », propose-t-il au bout du fil. Il ne revient pas seulement à la CTT et à la Ville de Toronto de mettre fin à la vague de violence, poursuit-il.
La vague de violence survient au moment où la CTT s’apprête à adopter son budget pour 2023. Celui-ci prévoit une réduction des services, comme c’est le cas pour la STM. Cela ne fera que rendre la CTT moins sécuritaire pour les usagers, selon Shelagh Pizey-Allen, directrice du groupe de pression TTC Riders. « Les longs temps d’attente pour les femmes le soir est un enjeu de sécurité, dit-elle. Ces coupes causeraient davantage de stress pour les usagers. »
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.