Le nouveau chef du SPVM, Fady Dagher, assermenté

Le désormais 42e chef du SPVM a insisté sur l’importance de miser à la fois sur la prévention et sur la répression. « Plus vous faites l’un, plus vous pouvez faire l’autre », a-t-il dit.
Marie-France Coallier Le Devoir Le désormais 42e chef du SPVM a insisté sur l’importance de miser à la fois sur la prévention et sur la répression. « Plus vous faites l’un, plus vous pouvez faire l’autre », a-t-il dit.

Fady Dagher est entré officiellement dans ses nouvelles fonctions de directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) jeudi, à l’occasion de sa cérémonie d’assermentation, tenue au Marché Bonsecours. D’emblée, le nouveau chef de police a déclaré qu’il s’attaquerait en priorité à trois défis : le recrutement difficile des policiers, le rapprochement entre les agents et la population ainsi que la lutte contre la violence armée.

Se disant lucide face aux défis qui l’attendent, Fady Dagher sait que son mandat pourrait être semé d’embûches. Aussitôt assermenté, il a annoncé vouloir s’attaquer à ce qu’il considère comme un dossier urgent à régler, celui de la pénurie de main-d’oeuvre au SPVM. Il a lancé un appel aux futurs policiers pour les inviter à se joindre au SPVM. « Oui, la vie est plus chère à Montréal. Oui, le travail est plus intense et plus complexe, plus médiatisé qu’ailleurs. […] Mais rappelez-vous pourquoi vous vous êtes inscrits en techniques policières. Nous avons besoin de vous ici, maintenant », a-t-il dit.

Pour lui, il s’agit d’un retour aux sources, puisqu’il a travaillé pendant 25 ans au SPVM avant de prendre la tête du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), en 2017.

Freiner l’hémorragie

Au cours des dernières semaines, il est allé sur le terrain, et ce qu’il a vu l’a ébranlé. « Le nombre de patrouilleurs qui faisaient des heures supplémentaires de manière répétitive, sans arrêt, c’est quand même inquiétant. Il faut absolument trouver une manière de recruter des policiers et de les retenir à Montréal pour que l’hémorragie arrête ou que, du moins, elle ralentisse », explique-t-il en entrevue au Devoir.

Le nouveau chef a aussi insisté sur l’importance de miser à la fois sur la prévention et sur la répression. « Plus vous faites l’un, plus vous pouvez faire l’autre », a-t-il expliqué. Au sujet des armes à feu, qui sont « trop nombreuses » à Montréal, il a évoqué la nécessité de consacrer plus de ressources à cette lutte.

Fady Dagher souhaite également retisser les liens de confiance avec la population, s’attaquer au profilage racial et faire en sorte que le service de police reflète mieux la diversité culturelle montréalaise. Il a invité les membres de la diversité culturelle et des communautés autochtones à envisager une carrière au SPVM, ce qui permettrait au corps de police, croit-il, de mieux répondre aux nouvelles réalités du terrain.

Je n’ai pas le réflexe de remplacer les gens. Au contraire, je préfère m’entourer de personnes différentes de moi, qui me complètent et qui sont souvent beaucoup plus intelligentes que moi.

 

Fady Dagher est d’ailleurs le premier chef du SPVM issu de la diversité culturelle. Né en Côte d’Ivoire de parents d’origine libanaise, il est arrivé à Montréal en 1985 avec sa famille. Reconnu pour ses qualités de communicateur, il a implanté une approche axée sur la prévention au SPAL en mettant notamment sur pied le projet RESO (Réseau d’entraide sociale et organisationnelle) afin de rapprocher les policiers de la réalité vécue par certaines clientèles vulnérables.

Il ignore cependant s’il implantera ce genre de programmes à Montréal. « C’est complexe, à Montréal. Chaque quartier a ses particularités. Plusieurs communautés sont présentes. Il y a les jeunes de la rue, l’itinérance, la santé mentale. On ne peut pas faire de copier-coller. Par contre, on peut s’inspirer de l’esprit. »

Mais avant d’y songer, il faudra s’attaquer au problème de recrutement de policiers et au taux d’absentéisme élevé, souligne-t-il. « C’est le nerf de la guerre. Quand les gens vont avoir le temps de souffler un peu, on va être capables de commencer doucement à intégrer une certaine approche, pas avant. »

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Le nouveau directeur de police Fady Dagher durant son assermentation, au Marché Bonsecours. Il prend le relais de Sophie Roy (à gauche), en présence de la mairesse de Montréal,Valérie Plante.

Il n’envisage pas de bouleversement au sein de l’état-major en place, avec qui il compte élaborer un plan stratégique qui devrait être dévoilé au printemps. « Je n’ai pas le réflexe de remplacer les gens. Au contraire, je préfère m’entourer de personnes différentes de moi, qui me complètent et qui sont souvent beaucoup plus intelligentes que moi. »

Peu après sa nomination, il a rencontré le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, avec qui il devra négocier une nouvelle convention collective. « Je connais M. Francoeur depuis des années. Il a un rôle important et, comme chef, je le reconnais. »

Conscient de l’attention médiatique dont il fera l’objet au cours de son mandat, Fady Dagher déplore toutefois le traitement accordé à sa fille, dont les photos d’Halloween la montrant cagoule sur le visage et fusil jouet en main ont fait surface récemment. Dans la foulée de cet événement, elle a subi du harcèlement et de l’intimidation, relate-t-il. « Elle paie un prix élevé du fait que son papa est directeur de police. Ça laisse un goût amer, qu’on s’attaque aux enfants des personnes publiques. Si ma fille était mêlée au crime organisé, ça serait autre chose. […] Comme papa, j’ai trouvé ça très difficile. »


Précision: Un ajout a été effectué après la publication de cet article pour indiquer que le fusil tenu par la fille de Fady Dagher sur les photos controversées était une arme jouet.

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