Chaire Michal et Renata Hornstein - Les robots du coeur

Les pathologies cardiovasculaires fauchent toujours de nombreuses vies, à un point tel que celles-ci demeurent la première cause de mortalité au Canada. L'Institut de cardiologie de Montréal (ICM), qui est affilié à l'Université de Montréal (UdeM), lançait récemment la Chaire Michal et Renata Hornstein en chirurgie cardiaque destinée à renverser cette tendance par le recours à des techniques d'avant-garde dans cette discipline médicale.

Le docteur Michel Pellerin est chef du département de chirurgie à l'Institut de cardiologie de Montréal et il est devenu le titulaire de la Chaire Michal et Renata Hornstein en chirurgie cardiaque: «C'est la mise en place d'un programme de chirurgie "minimalement" invasive qui consiste à effectuer des interventions par assistance endoscopique au moyen de petites incisions.» Il en dégage un avantage primordial en chirurgie vasculaire: «On peut obtenir la même vision avec des caméras qui sont insérées à travers de petites incisions au niveau du thorax; celles-ci nous servent à visualiser très bien les structures valvulaires et particulièrement la valve mitrale, qui est celle la plus ciblée par une telle approche.»

Des études se sont déroulées à travers le monde entier pour déterminer la fiabilité de ce système. L'ICM s'est montrée prudente et a attendu que les preuves existent avant d'adopter cette méthode pour éviter notamment de se livrer à de mauvais investissements: «On est à l'affût de tout ce qui est intéressant et on se promène partout pour voir ce qu»il existe de mieux.»

Un de ses diplômés suit actuellement une formation dans un des meilleurs centres internationaux situé en Belgique. Il sera en mesure de ramener une précieuse expertise à Montréal et de la transmettre à ses collègues: «À titre de chef de département, mon intérêt en chirurgie valvulaire date de plusieurs années; c'est pourquoi on a envoyé cette personne en formation, et mon rôle, c'est de préparer son retour en assurant la mise sur pied graduelle de la structure qui permettra de réaliser ce type d'interventions.»

L'ICM recourt à des techniques d'utilisation de la chirurgie par approche «minimalement» invasive au moyen de l'instrumentation dont il dispose déjà: «On pratique des incisions sternales de petites dimensions, qui sont de l'ordre de sept à huit centimètres et qui nous offrent actuellement la possibilité d'obtenir d'excellents résultats.»

Au coeur de la vie...

Le docteur Christian Barnard réalisait en 1967 la première greffe de coeur chez l'homme; depuis, le nombre de celles-ci dépasse les 50 000 à l'échelle mondiale. À partir de ce qui fut salué comme un exploit scientifique, le coeur semble placé à l'avant-plan au chapitre des progrès ou des prouesses de la chirurgie. Pourquoi cet organe plutôt qu'un autre? Le chirurgien pose d'abord cette observation: «Celui-ci impressionne beaucoup dans le domaine scientifique et sur le plan de la vie en général; le coeur, c'est la source de cette dernière! Toute avancée technique en la matière est très vite médiatisée.»

Le programme des greffes du coeur a été plus ou moins abandonné jusque dans les années 1980 en raison de l'inexistence de soutien ou d'immunosuppresseur. La recherche a fait un bond en avant avec la découverte de la ciclosporine, un médicament utilisé lors des transplantations pour réduire significativement les phénomènes de rejet: «Cette médication contrôle les réactions de l'hôte par rapport à un organe étranger. Cette forme de traitement a pris un envol majeur et maintenant, c'est ce qui est à la base de l'immunosuppression dans une très grande proportion des greffes d'organe.»

Avenir et partage des ressources

Michel Pellerin considère que la technologie chirurgicale explose à l'heure actuelle. La robotique fait son apparition mais c'est l'aspect «minimalement» invasif qui prend le plus d'espace: «Il y a beaucoup de travaux et d'études en cours sur l'efficacité de la robotique parce que le résultat même de cette dernière consiste à effectuer des interventions intrathoraciques par de très petites incisions. La chirurgie d'ordre "minimalement" invasif est en quelque sorte le précurseur de cette robotique, en ce sens que les incisions sont pratiquement analogues et que les bénéfices sont à toutes fins utiles du même niveau.»

Il fournit cette précision sur la robotique du futur: «Les robots utilisés présentement ne seront probablement pas les mêmes qui serviront au cours des prochaines décennies. C'est un peu comme un "pacemaker". Auparavant, c'était gros comme l'écran d'un ordinateur et maintenant, c'est de la taille d'une pièce d'un dollar, ce qui a changé toute la perspective.» L'Institut reporte à plus tard les investissements dans la robotique: «La chaire fonctionne dans le long terme et on veut être certain que le robot qu'on achètera sera le bon, parce qu'il s'agit aussi de montants très importants.»

Ce sur quoi il fait observer que l'ICM et l'hôpital du Sacré-Coeur travaillent en étroite collaboration. Or ce centre hospitalier, spécialisé dans la traumatologie, possède un robot qui pourra servir au développement dans les deux établissements: «Nous formons un groupe unique en chirurgie cardiaque parce qu'il y a des collègues qui partagent leur temps entre les deux institutions. Je pense que la façon de rentabiliser les investissements en santé, c'est de regarder où est située la technologie et de l'utiliser en commun. Depuis dix ans, on forme une association de chirurgiens qui fonctionnent de manière intégrée. Dans une perspective universitaire, on met tous nos revenus ensemble et on les divise de façon égale entre les deux hôpitaux.» Les équipes de chirurgie cardiaque font partie de la même structure administrative et collaborent toutes deux aux travaux de la chaire Hornstein, qui loge dans les locaux de l'Institut.

Un «coeur de Berlin» pour un jeune patient de sept ans

En novembre dernier, un tandem, formé du Dr Pellerin et de sa collègue, la chirurgienne Nancy Poirier, réussissait l'installation d'une assistance ventriculaire mécanique, connue sous le nom de «coeur de Berlin», chez un jeune patient âgé de sept ans. Environ un mois et demi plus tard, ce garçon recevait avec succès un nouveau coeur lors d'une intervention supervisée par le Dr Poirier, qui est directrice du programme de greffe cardiaque au CHU Sainte-Justine.

Le spécialiste laisse voir encore une forme de complémentarité nécessaire dans un tel cas: «Je fais de la chirurgie cardiaque adulte et de l'assistance ventriculaire, et le Dr Poirier, qui fait partie de mon équipe, a des activités de chirurgie cardiaque à Sainte-Justine tout en coopérant avec nous du côté des adultes. Il faut penser que ces enfants-là grandissent et qu'ils ont besoin, dans une bonne proportion des cas, d'interventions de reconstruction nécessitant des corrections à l'âge adulte.» Il relève ce fait: «Les cardiopathies congénitales de l'enfant, qui sont transférées à la période adulte, sont en croissance exponentielle parce que ces gens-là nécessitent une correction de leur pathologie à long terme.»

Quant à ce que l'avenir réserve à un enfant qui a subi une transplantation, le cardiologue apporte ces observations: «Il faut penser que c'est une chirurgie relativement rare chez les enfants et qu'ils sont suivis de façon extrêmement serrée par les équipes médicales. Au sujet de tout leur devenir, de nombreuses études ont été réalisées. Il est certain que ce n'est pas une existence normale et qu'une transplantation change un mode de vie au complet.» Il n'en demeure pas moins que l'espérance de vie s'avère intéressante.

Encore plus loin...

Invité à dépasser les stades du «minimalement» invasif et de la robotique pour déterminer les prochaines étapes à franchir dans l'évolution de la chirurgie, Michel Pellerin se prononce: «C'est probablement de s'intéresser au génie tissulaire. C'est la discipline scientifique qui va se diriger vers la création de tissus artificiels, c'est-à-dire de muscles à partir des tissus d'un patient.»

Il plonge dans le futur à l'aide de cet exemple: «Si on est capable de créer, à partir des cellules propres d'un individu, une nouvelle valve qui sera totalement analogue à ses propres tissus, il faut penser qu'il n'y aura pas de rejet à ce moment-là et que celle-ci sera totalement intégrée à son corps; il ne sera plus nécessaire de recourir à l'immunosuppression pour maintenir son niveau de système immunitaire dans un état adéquat.» D'importants travaux sont conduits dans cette direction: «En cas d'infarctus du myocarde, il y a une partie du coeur qui meurt à cause de l'arrêt de vascularisation d'une zone cardiaque. Une cicatrice s'installe et, nous, on veut assurer que cette portion du coeur soit régénérée. Il y a beaucoup de travaux en thérapie ou en génie cellulaire, à savoir dans la discipline qui s'intéresse à transposer des cellules vivantes avec un potentiel de vie dans ces zones de cicatrice pour apporter du nouveau muscle. C'est un champ d'avenir très important qui est à nos portes.»

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