Hommage à Fritznel Richard, migrant mort de froid à la frontière

« Il était très sage, très gentil. C’était un bon vivant. »
Sourire triste au visage, Richardson Charles Alida se remémore ses quelques souvenirs de Fritznel Richard. Tout comme une quarantaine d’autres personnes, il s’est rendu devant le complexe Guy-Favreau, dimanche après-midi à Montréal, pour lui rendre hommage. Les deux hommes s’étaient rencontrés à quelques reprises dans le quartier St-Michel, où ils résidaient tous les deux.
Le 4 janvier dernier, Fritznel Richard, demandeur d’asile d’origine haïtienne âgé de 44 ans, est décédé d’hypothermie à proximité du chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle. Il tentait d’atteindre les États-Unis.
Les personnes présentes à la mobilisation, dont beaucoup d’origine haïtienne, ont honoré dans une ambiance solennelle la mémoire de ce père de famille, bougie à la main, en écoutant quelques orateurs se succéder. Pour plusieurs des groupes présents à la mobilisation, le décès de M. Richard soulève des enjeux plus larges de sécurité et de gestion des frontières.

« Nous voulons dire au gouvernement canadien [qu’il] a tué quelqu’un à cause de ses politiques migratoires », dénonce Frantz André, porte-parole et coordonnateur du Comité d’Action des Personnes sans Statuts.
En vertu de l’entente sur « les tiers pays sûrs », signée en 2004, une personne qui arrive au Canada ou aux États-Unis doit obligatoirement faire sa demande de statut de réfugié dans le premier pays où elle est arrivée. Les personnes en provenance des États-Unis qui souhaitent malgré tout faire une demande de réfugié au Canada doivent donc passer par des chemins non officiels, dont le chemin Roxham.
Frantz André affirme qu’il est en contact avec la famille du défunt. Sa veuve et l’un de ses enfants, âgé d’à peine 19 mois, se trouvent présentement en Floride. C’est en tentant de les rejoindre que M. Richard a trouvé la mort. Son autre enfant, âgé de 11 ans, serait demeuré en Haïti afin de s’y faire opérer. Selon M. André, l’enfant « n’est toujours pas au courant » du décès de son père.
« Accepter tout le monde »
« On est contre le fait de stopper le flux migratoire des gens », assène Aboubacar Kane, co-porte-parole de Solidarité sans Frontières et co-organisateur du rassemblement. « On pense qu’on devrait accepter tout le monde, et surtout prendre soin de ceux qui sont ici pour leur permettre d’avoir un statut et une vie digne et acceptable », ajoute-t-il.
Au moment de son départ vers les États-Unis, M. Richard n’avait toujours pas réussi à obtenir de permis de travail du gouvernement canadien. Sa femme non plus, ce qui avait grandement motivé son départ vers les États-Unis un peu plus tôt.
Présente devant le complexe Guy-Favreau malgré le froid mordant, Jenny-Laure Sully est venue témoigner son soutien à sa communauté. « Je ne connaissais pas Fritznel Richard, mais il était d’origine haïtienne comme moi », raconte la jeune femme. Sa voix se casse soudain, submergée par les sanglots. « Cette tragédie, ça m’affecte beaucoup. »
Questionnée à savoir ce qu’elle pense de la proposition de fermer le chemin Roxham, elle se montre nuancée. « Il ne faut pas se concentrer sur le chemin Roxham : ce qu’il faut, c’est accueillir les gens de façon humaine », soutient-elle avec émotion. « Si les gens peuvent rentrer à un point régulier et quand même faire une demande d’asile, c’est ça, la solution. »
Des funérailles auront lieu dimanche prochain en après-midi, au complexe funéraire Magnus Poirier sur le boulevard Pie-IX, à Montréal. La cérémonie est ouverte à tous et à toutes.