Faire de la violence conjugale un enjeu syndical

Adèle Surprenant
Collaboration spéciale
La FTQ encourage ses membres à lutter contre la violence conjugale et à se positionner « contre toutes les formes de discrimination ».
Photo: Caroline Mallette FTQ La FTQ encourage ses membres à lutter contre la violence conjugale et à se positionner « contre toutes les formes de discrimination ».

Ce texte fait partie du cahier spécial 33e congrès de la FTQ

Pour les militantes féministes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la violence conjugale fait partie des priorités syndicales. Elles ont choisi de la prendre à bras-le-corps.

On a eu longtemps l’impression que la violence conjugale c’était quelque chose de privé », affirme Jessica Olivier-Nault, directrice du service d’actions féministes et de l’équité salariale de la FTQ. « Mais maintenant, on comprend bien que la barrière entre la vie personnelle et la vie professionnelle, c’est une barrière artificielle », dit-elle.

Un employé sur trois est victime de violence conjugale, d’après une étude menée par le Congrès du travail du Canada (CTC) et l’Université de Western Ontario, parue en 2014. Plus de la moitié (53,5 %) ont déclaré que ces violences se poursuivaient sur leur lieu de travail.

Des conséquences de toutes parts

Se faire suivre, se faire harceler par téléphone ou par message texte, l’agresseur qui communique avec des collègues ou avec l’employeur… Autant d’actes qui peuvent avoir un impact négatif sur la vie professionnelle des victimes. Qu’elle soit physique, verbale, sexuelle, psychologique ou économique, la violence conjugale nuit au rendement de 81,9 % des victimes, et entraîne 8,5 % d’entre elles à la perte de leur emploi, révèle l’étude du CTC.

Outre les impacts déjà considérables sur la personne subissant des violences, « c’est le milieu de travail en entier qui est affecté », explique Mme Olivier-Nault : en se présentant sur le lieu de travail de la victime, l’agresseur peut mettre tous ses collègues en danger.

Les employeurs ne sont pas non plus épargnés. En 2012, une étude réalisée pour le compte du ministère fédéral de la Justice estimait à 79 millions de dollars les coûts liés à la violence conjugale, des frais administratifs à la perte de productivité.

Si les chiffres datent, le problème, lui, est toujours d’actualité : 14 féminicides ont été recensés au Québec, pour l’année 2022.

De la reconnaissance à l’action

Depuis 2021, la violence conjugale dans les milieux de travail est aussi reconnue légalement. En vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST), les employeurs doivent désormais assurer la protection de leurs travailleurs exposés à une situation de violence sur leur lieu de travail, y compris la violence conjugale.

Afin d’assurer la mise en pratique de cette loi, le service d’actions féministes et de l’équité salariale forme des délégués syndicaux à « déceler des signes et appuyer [la personne victime de violence] auprès de l’employeur », précise Nathaly Guillemette, vice-présidente représentant les femmes au comité de direction de la FTQ. Les formations permettent à certains de « dépasser leurs préjugés » et de « comprendre ce qu’est le cycle de la violence », explique-t-elle, un premier pas vers la prévention.

Un programme a également été mis sur pied en partenariat avec la Caisse Desjardins des travailleuses et des travailleurs unis : en collaboration avec des maisons d’hébergement, des conseillères financières ont été formées pour accompagner les survivantes dans une démarche leur permettant de « reprendre le contrôle sur leur autonomie financière ». Les conventions collectives de certains syndicats affiliés à la centrale syndicale prévoient également des congés payés pour les personnes qui vivent de la violence conjugale.

« Avec la crise du logement, le panier d’épicerie de plus en plus cher, les prix qui augmentent partout […], on ne voulait pas que les personnes restent dans un milieu toxique à cause de l’argent », précise Jessica Olivier-Nault.

Une brique à l’édifice

Il importe de lutter contre la violence conjugale en faisant la promotion de l’indépendance économique, certes, mais aussi en se positionnant « contre toutes les formes de discrimination », ajoute Mme Guillemette.

Une démarche qui s’inscrit dans la nouvelle orientation du service d’actions féministes et de l’équité salariale, anciennement le service de la condition féminine et de l’équité salariale, sur les dossiers relatifs aux conditions de vie et de travail des femmes, qui représentent 40 % de ses membres.

Par-delà le changement de nom, un engagement : celui « d’accroître le rayonnement et la portée de nos actions [et] de créer des liens et des solidarités au sein du mouvement féministe québécois », souligne Mme Olivier-Nault, mais aussi « d’affirmer haut et fort que le féminisme est bien vivant à la centrale [syndicale], et que notre féminisme est un féminisme intersectionnel, inclusif, militant ».

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo