Au Québec, des truies en gestation sont encore élevées en cage

Les animaux de ferme se comptent par millions au Québec. Ils nous entourent et nous nourrissent, et, pourtant, on en connaît fort peu sur leurs conditions de vie. Après avoir recueilli les témoignages de producteurs, de défenseurs des droits des animaux et d’experts, Le Devoir vous propose de découvrir le cycle de vie des principaux animaux de ferme du Québec, de leur naissance jusqu’à l’abattoir, ainsi que les préoccupations qui en découlent en ce qui a trait au bien-être animal. À noter que toutes les pratiques mentionnées sont autorisées par les codes de pratique qui encadrent l’élevage des animaux au Canada. Aujourd’hui : les porcs.
Chaque année, environ 6,8 millions de porcs provenant de quelque 1500 fermes sont abattus au Québec. Les deux tiers de cette production partent à l’étranger, ce qui fait du porc le produit bioalimentaire québécois le plus exporté. Une des pratiques les plus contestées de l’industrie, consistant à placer les truies en gestation dans des cages individuelles qui les empêchent de bouger, est encore présente chez environ 45 % des producteurs québécois. Mais cette pratique laisse progressivement place aux élevages en groupe. Coup de projecteur sur le cycle de vie des porcs au Québec.
Les millions de porcelets qui naissent chaque année au Québec passent leurs premières semaines de vie avec leur mère pour être allaités et ainsi développer leurs anticorps, indique Yvan Fréchette, premier vice-président aux Éleveurs de porcs du Québec et propriétaire de 600 truies dans le Centre-du-Québec.
Lorsqu’ils ont entre trois et sept jours de vie, les porcelets sont castrés. Une procédure nécessaire pour garantir la qualité et le bon goût de la viande, fait valoir le producteur. Mais une pratique qui crée l’ire des organismes de défense des animaux puisque la castration est effectuée sans anesthésie.
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Pour castrer les porcelets, les producteurs ou leurs employés administrent un analgésique à l’animal pendant qu’ils effectuent une incision sur chacun de ses testicules, pour ensuite les sortir et les enlever. « C’est sûr que ce n’est pas l’opération la plus charmante à exécuter », convient Yvan Fréchette. Mais faire une anesthésie à tous les porcelets coûterait beaucoup plus cher et nécessiterait la présence d’un vétérinaire, indique-t-il. « Si un jour il y a [une méthode qui permet] de diminuer plus la douleur à un coût raisonnable, les éleveurs du Québec vont être à l’écoute, c’est sûr et certain », assure-t-il.
Caudectomie
Également dès les premiers jours de vie, les queues des porcelets sont coupées avec une lame chauffante. Une procédure appelée caudectomie — visant à empêcher les porcs de se mordiller la queue entre eux —, effectuée là encore sans anesthésie, mais avec l’administration d’un analgésique. Certains producteurs coupent également une partie des dents des porcelets pour éviter qu’ils blessent les mamelles de leur mère.
Jamie Dallaire, professeur spécialisé en comportement et bien-être animal au Département des sciences animales de l’Université Laval, fait toutefois remarquer que des éleveurs, notamment en Europe, parviennent à élever des porcs sans leur couper la queue. Le mordillage entre congénères est un comportement d’exploration redirigé, explique-t-il.
« Le porc, idéalement, voudrait aller fouiller dans la paille — un comportement exploratoire —, il voudrait mordiller des choses au sol pour trouver de la nourriture », dit-il. Mais en l’absence de ces stimulations, l’animal redirige son attention ailleurs, en l’occurrence vers les queues des autres porcs. Et puisque les porcs aiment le goût du sang, plus la queue est blessée, plus ils persévèrent. En diminuant les sources de stress et en permettant aux porcs d’exprimer leurs comportements exploratoires naturels, on pourrait donc éviter la caudectomie, estime Jamie Dallaire.
Truies gestantes
À l’exception des porcs bios qui vont à l’extérieur, la quasi-totalité des porcs québécois sont élevés à l’intérieur dans des bâtiments qui leur offrent un environnement de vie contrôlé sur le plan de l’alimentation, de la ventilation, de la chaleur, etc.
Bien que la transition vers des élevages de groupe soit entamée, un peu moins de la moitié des fermes québécoises élèvent encore leurs truies en gestation dans des stalles individuelles. « Ces cages sont de la taille de leurs corps », s’indigne Me Camille Labchuk, directrice exécutive d’Animal Justice, un organisme composé d’avocats qui donnent une voix légale aux animaux au Canada. « Les truies peuvent se tenir debout, se coucher, mais pas très confortablement, mais elles ne peuvent pas se tourner, marcher ou courir », détaille-t-elle.
Déjà interdites dans plusieurs pays européens, ces cages individuelles seront bannies du Canada en 2029 pour les truies étant à plus de 28 jours de gestation. Mais l’élevage de groupe pose aussi des défis en matière de bien-être animal, fait remarquer Yvan Fréchette. « Les animaux ont plus de liberté, mais ils peuvent se chamailler, créer des avortements, des blessures », souligne-t-il. Une nouvelle régie d’élevage doit donc être assimilée par les producteurs qui effectuent la transition.
Engraissement
Lorsqu’ils ont entre trois et cinq semaines de vie, les porcelets sont sevrés et quittent leur mère pour aller en pouponnière. Six à sept semaines plus tard, ils sont envoyés à l’engraissement, où ils atteignent en 3 à 4 mois le poids du marché fixé à environ 130-135 kilos.
Au fil des ans, l’amélioration génétique (réalisée par le croisement entre des animaux disposant de qualités choisies) a permis d’accroître la conversion alimentaire, c’est-à-dire la quantité d’aliments nécessaire pour produire une unité de poids. Cette sélection s’est aussi soldée par une hausse du nombre de porcelets par portée et par la naissance d’animaux plus robustes. « Avant, une truie pouvait donner entre 3 et 8 porcelets par portée, maintenant elle peut en donner entre 14 et 18 », indique Yvan Fréchette, qui souligne que ces améliorations génétiques permettent « d’avoir un panier d’épicerie le moins cher possible ».
Lorsqu’ils atteignent environ cinq mois, les porcs sont envoyés à l’abattage. Comme pour les autres animaux d’élevage, le transport est une étape particulièrement stressante dans leur vie. Chez Olymel, le plus grand abattoir de porcs au Québec, les animaux sont endormis et insensibilisés au CO2 avant d’être saignés, ce qui entraîne leur mort. Richard Vigneault, responsable des communications chez Olymel, explique que cette méthode a fait son apparition en 2011 dans les abattoirs de l’entreprise pour accroître le bien-être animal, améliorer l’environnement de travail des employés et favoriser la qualité de la viande en diminuant le stress et les blessures chez les animaux.
Il n’a pas été possible pour Le Devoir de visiter une porcherie en raison des restrictions imposées par la grippe porcine.
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