Des victoires à bien des échelons, et des défis
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial 33e congrès de la FTQ
À quelques jours de la fin de son mandat de président de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ), Daniel Boyer porte un regard positif sur les trois dernières années. « Nous avons avancé dans certains domaines et nous avons connu la plus grande mobilisation de notre histoire », résume-t-il. Les victoires obtenues et les défis à venir reposent sur un engagement à tous les niveaux, notamment en région.
Une belle avancée pour les retraités
« Nous avons fait un grand pas en avant », peut se satisfaire Daniel Boyer. La FTQ réclamait depuis des années une protection des régimes de retraite des travailleurs en cas de faillite d’entreprise, en les plaçant parmi les créanciers prioritaires. « Il y a eu plusieurs dépôts de projets de loi dans le passé, qui n’ont jamais abouti », rappelle Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. Mais le 23 novembre dernier, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité le projet de loi C-228, qui vise à protéger les travailleurs retraités fragilisés par la faillite de leur entreprise.
« Nous avons vu trop de gens dans le passé perdre 20 %, 30 % ou 40 % de la valeur de leurs rentes dans une telle situation », déplore le secrétaire général, qui salue notamment le travail du Syndicat des Métallos sur ce dossier et savoure enfin « une belle victoire et un beau résultat ».
Un salaire minimal en progression
Pour Daniel Boyer, la FTQ a été précurseur en lançant une grande campagne dès 2013 pour demander une augmentation du salaire minimum à 15 $ l’heure. « Nous avons fait avancer beaucoup de gouvernements. Avant nos campagnes, qui ont mobilisé les organisations syndicales et nos alliés de la société civile, les augmentations du salaire minimum étaient minimes », se félicite Denis Bolduc tout en restant conscient que beaucoup de travail reste à faire.
La FTQ met la pression sur le gouvernement chaque semaine pour souligner l’importance d’augmenter le salaire minimum, actuellement à 14,25 $ de l’heure, à 18 $ dans un contexte où le taux d’intérêt et les prix ne cessent de grimper. « Les 15 $ demandés lors de notre précédente campagne seraient insuffisants aujourd’hui, précise le secrétaire général », qui estime que ces 18 $ pourraient être atteints assez rapidement en appliquant des hausses régulières. Cette augmentation réclamée par la centrale dans sa nouvelle campagne doit s’accompagner d’autres mesures structurantes, comme une réelle augmentation de l’aide sociale et du crédit d’impôt pour solidarité, pour permettre aux plus démunis de « sortir la tête de l’eau de manière récurrente », souligne Daniel Boyer. Car un chèque une fois de temps en temps ne suffit pas.
Une mobilisation record
La modernisation de la Loi sur la santé et la sécurité du travail n’est pas encore satisfaisante pour la FTQ, mais son président n’avait jamais vu une telle mobilisation. « C’est la plus grande de toute l’histoire de la centrale, ce qui montre l’importance de cet enjeu. Ce n’est pas encore une victoire du mouvement syndical, mais cela en est une pour la mobilisation, et c’est important ! » estime-t-il.
La FTQ continue à mettre toute la pression nécessaire sur le gouvernement pour améliorer cette loi, afin de mieux prévenir les risques et de protéger les travailleurs en cas de blessure ou de maladie, assure son président.
Des médicaments pour tous
« La mise en place d’un régime d’assurance médicaments universelle au Québec serait une autre belle victoire, espère Denis Bolduc. Nous avons un régime hybride et nous pensons que cela ne fonctionne pas ». Selon les estimations de la FTQ, environ 1 personne sur 10 au Québec renoncerait à sa médication d’ordonnance, faute de moyens. « [Des personnes] coupent leurs pilules en deux ou elles se privent d’acheter des médicaments parce qu’elles n’en ont pas les moyens », déplore le secrétaire général.
Pour la centrale, il est donc nécessaire de mettre en place un régime public et universel, qui ne dépende pas des régimes d’assurance collective dans les entreprises. « Nous faisons la même représentation au niveau fédéral. Si un tel régime était mis en place au Canada, le Québec devrait probablement modifier son régime aussi », estime Denis Bolduc. De son côté, Daniel Boyer avance qu’un tel système offrirait une économie de 1 à 3 milliards de dollars au Québec selon les économistes, et une meilleure répartition des risques au sein de la population dans un contexte où le système public explose. « Lorsqu’on n’a pas accès aux médicaments dont on a besoin, on risque de devoir être emmené aux urgences pour recevoir des soins et des services. Nous devons aller de l’avant pour nous donner une société plus juste et équitable », préconise le président.
Moderniser les lois anti-casseurs de grève
Ottawa a lancé des consultations en octobre dernier, dans le but d’adopter une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement durant une grève ou un lockout (souvent appelée « loi anti-briseurs de grève » ou « anti-scabs »). « Tout reste à faire », indique Denis Bolduc pour qui la victoire est proche, « mais il est vraiment temps, et le gouvernement doit accélérer ». « Nous sommes à la porte d’avoir enfin une loi au fédéral », espère-t-il.
Au Québec, une telle législation existe depuis les années 1970, mais la FTQ réclame sa modernisation pour inclure dans le Code du travail l’interdiction pour les entreprises d’avoir recours à des travailleurs de remplacement à distance en cas de grève. « Une décision du tribunal administratif a reconnu que la loi anti-scabs s’applique au télétravail. C’est une avancée », salue M. Bolduc tout en souhaitant que la province inscrive cette modernisation dans la loi québécoise pour s’adapter à la réalité d’aujourd’hui.
Un ancrage régional
Pour porter ses actions, la FTQ peut s’appuyer sur la mobilisation de ses membres dans toute la province, où elle a mis en place des conseils régionaux. « Ils sont impliqués dans le développement économique régional et ils ont joué un rôle central dans certaines batailles régionales, par exemple à Joliette en appuyant les grévistes de la cimenterie Ash Grove pendant plus d’un an, souligne Daniel Boyer. Ces conseils sont très importants et j’invite l’ensemble de nos syndicats à s’y affilier et à participer à la mobilisation en région. »
La FTQ organise des réunions régulières avec ces conseillers qui représentent toutes les régions au Québec. « Nous avons trois conseils généraux par an et nous prévoyons chaque fois une journée de rencontre avec nos conseillers régionaux », précise Denis Bolduc. Ces réunions permettent d’échanger sur les problèmes et les défis rencontrés dans chacune des régions, de partager les bons coups, mais aussi les déceptions. « Plus les sections locales s’affilient à leurs conseils régionaux, plus ces derniers sont forts », encourage le secrétaire général.
D’autres défis sont dans la ligne de mire de la FTQ, qui se mobilise notamment pour la réforme de l’assurance-emploi. Denis Bolduc perçoit « une intention de bouger de la part du gouvernement fédéral », mais déplore qu’il semble vouloir y aller « morceau par morceau ». La francisation des immigrants dans les entreprises est également une préoccupation importante, ainsi que la lutte contre l’évasion fiscale, qui permet à des entreprises payant leurs employés au salaire minimum de dégager des profits de centaines de millions de dollars et de ne presque pas payer d’impôt. « C’est un travail de longue haleine, les pays sont en compétition économiquement et hésitent à bouger si leurs voisins ne le font pas. Mais à force de mettre le sujet sur la table, ils en sont devenus de plus en plus conscients et ce dossier a avancé avec l’adoption de l’impôt minimum sur les sociétés de 15 % par 137 pays et juridictions de l’OCDE », indique Denis Bolduc, rompu à la patience.
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