L’insomnie augmente les risques d’avoir la maladie d’Alzheimer

L’insomnie chronique chez les adultes augmente les risques de pertes de mémoire et prédispose à des maladies neurodégénératives, indique une étude montréalaise. Un constat qui laisse espérer une nouvelle manière de soigner la maladie d’Alzheimer, encore pauvre en traitements.
« Le fait de développer de l’insomnie lorsqu’on est encore en relative santé est associé à plus de risques d’avoir un diagnostic de perte de mémoire. On est alors, ultérieurement, plus à risque d’avoir des maladies neurodégénératives », résume le neurologue et consultant en trouble du sommeil, Thien Thanh Dang-Vu, qui a coécrit l’étude.
L’analyse s’appuie sur les données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, qui interroge tous les trois ans près de 30 000 Canadiens âgés de 45 ans ou plus sur leur état de santé.
« On sait que la maladie d’Alzheimer se développe généralement plus tard que dans la cinquantaine, […] mais il n’y a pas vraiment d’âge pour commencer à prendre soin de son sommeil », dit le Dr Dang-Vu. Environ un adulte sur dix souffre d’insomnie chronique.
Un nouveau traitement ?
Le résultat de la recherche est important, puisqu’il permet de cibler un « facteur de risque sur lequel on pourrait potentiellement agir » pour freiner la maladie d’Alzheimer, se réjouit le professeur de l’Université Concordia.
« La prochaine étape, c’est de voir si, en traitant l’insomnie chez ces personnes âgées, on va diminuer ou stabiliser ce risque cognitif et neurodégénératif au cours du temps », explique-t-il. Une étude est d’ailleurs en cours, et les personnes insomniaques ayant entre 25 et 65 ans qui souhaitent y participer peuvent écrire à insomnia.concordia@gmail.com.
Si les autorités sanitaires américaines ont autorisé le 6 janvier un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer, les traitements demeurent rares. Il existe, par contre, plusieurs traitements contre l’insomnie chronique. « On a des solutions, même sans médicament », souligne le Dr Dang-Vu.
L’approche « de première ligne » consiste en des interventions psychologiques pour « mieux adapter ses comportements et réévaluer ses croyances par rapport au sommeil ». Le traitement est efficace pour « plus de la moitié des patients », mais est coûteux, particulièrement en raison du manque de psychologues disponibles et formés à la pratique.
Des solutions médicamenteuses existent aussi. Le Dr Dang-Vu met toutefois en garde, car « certains médicaments utilisés contre l’insomnie, qui ont tendance à donner un sommeil moins profond, […] peuvent être délétères pour la mémoire ».
Des changements normaux avec l’âge
Il n’existe pas, pour l’instant, de lien direct entre l’insomnie et la maladie d’Alzheimer, précise Thien Thanh Dang-Vu. Tous les adultes qui ont du mal à dormir ne sont donc pas à risque de faire de l’insomnie, et encore moins d’avoir la maladie d’Alzheimer, explique-t-il.
« Avec le vieillissement, il y a des changements normaux qui apparaissent en ce qui a trait au sommeil. Par exemple, le fait d’avoir un sommeil moins profond, plus fragmenté, pendant lequel on se réveille plus souvent, un sommeil qui est aussi moins régulier, moins adapté au cycle jour-nuit », explique le membre du Groupe de recherche en neurobiologie comportementale de l’Université Concordia.
Pour qu’il s’agisse d’insomnie chronique, la personne doit souffrir de ce trouble du sommeil au moins trois nuits par semaine, depuis au moins trois mois. Et cela doit avoir un « impact sur le fonctionnement de [sa] journée. La personne sent qu’elle est fatiguée, qu’elle a moins d’attention ou que ça nuit à sa productivité ».
De nombreux scientifiques s’intéressent depuis longtemps aux facteurs de risque des maladies dégénératives. Mais « la plupart des études qui existent actuellement […] ne caractérisent pas le sommeil de manière aussi précise », indique celui qui est aussi vice-président Recherche de la Société canadienne du sommeil.
« Les études [précédentes] ont montré que les gens qui dorment trop peu ont des risques plus importants d’avoir des problèmes de mémoire. […] Mais on peut estimer dormir moins de six heures pour différentes raisons. »
Dans l’étude coécrite avec des chercheurs de l’Université de Montréal, de l’Université Concordia et de l’Université McGill, le Dr Dang-Vu s’est concentré spécifiquement sur l’insomnie « en tenant compte de tous les autres facteurs connus qui contribuent possiblement à cette déficience cognitive, tels que les médicaments, les durées de sommeil, les autres troubles du sommeil, ou encore les facteurs sociodémographiques », souligne-t-il.
Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.