Quoi surveiller au Canada en 2023

Les prévisions économiques pour 2023 balancent généralement entre une période de croissance anémique et une récession modeste et de courte durée.
Illustration: Romain Lasser Les prévisions économiques pour 2023 balancent généralement entre une période de croissance anémique et une récession modeste et de courte durée.

Un rapport pour juger du Convoi de la liberté

D’ici au 20 février prochain, le commissaire Paul Rouleau devra répondre à une question politiquement chargée : le gouvernement fédéral était-il justifié d’invoquer, pour une première fois, la Loi sur les mesures d’urgence ? Cette loi d’exception s’est appliquée durant neuf jours de février 2022 pour mater un mouvement d’opposition aux mesures sanitaires qui a perturbé le centre-ville d’Ottawa ainsi que certains points frontaliers avec les États-Unis. En plus de résidents, manifestants et policiers, l’enquête publique a entendu des fonctionnaires, de nombreux politiciens (excepté ceux de Queen’s Park) et même le premier ministre Justin Trudeau. Son gouvernement serait embarrassé que le juge Rouleau ne décèle aucune menace à la sécurité nationale. En cas contraire, des organismes publics, en premier lieu la police d’Ottawa, risquent une humiliation supplémentaire.

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Ce texte est publié via notre section Perspectives.

Le début de la fin entre le PLC et le NPD ?

L’entente conclue entre le gouvernement de Justin Trudeau et le NPD n’a que neuf mois et, déjà, Jagmeet Singh a menacé deux fois de la résilier. Il est peu probable qu’il le fasse réellement cette année, la collaboration allant bon train entre les partis en coulisses. En vertu de l’accord, les libéraux doivent en 2023 élargir leur assurance dentaire aux adolescents, aux personnes âgées et celles vivant avec un handicap ; inscrire dans une loi les bases d’une assurance-médicaments ; et déposer une loi relative aux briseurs de grève. Même si l’entente formelle de soutien prenait fin, le gouvernement minoritaire pourrait rester en selle en sollicitant au cas par cas l’appui du NPD ou du Bloc québécois (celui des conservateurs est plus compliqué). M. Trudeau a assuré, en entrevue à TVA, qu’il n’a pas l’intention de déclencher lui-même des élections cette année.

Purger le contenu interdit du Web

Le gouvernement Trudeau entend déposer en 2023 son dernier et plus controversé volet de la réglementation de l’Internet. Les libéraux affichent depuis des années leur intention de forcer les réseaux sociaux à faire la chasse au contenu illégal, comme la pédopornographie ou les discours haineux. Un premier projet de loi est mort au déclenchement d’élections fédérales, et le gouvernement n’a pas rempli sa promesse de s’attaquer à la « haine en ligne » dans les 100 jours du nouveau mandat. Le plan, renommé « sécurité en ligne », a divisé le groupe d’experts nommés par Ottawa. De plus, les deux autres lois libérales sur l’Internet — radiodiffusion (C-11) et revenus des médias (C-18) — n’ont toujours pas franchi l’étape du Sénat. La liberté d’expression est déjà sur les lèvres des détracteurs de l’ensemble de l’oeuvre.

Retour au (presque) calme en Alberta

Danielle Smith a enchaîné les bourdes et défié sans relâche Ottawa, depuis son élection à la tête du Parti conservateur et du gouvernement de l’Alberta. Mais son règne pourrait être de courte durée. Le NPD de Rachel Notley profite d’une légère avance dans les sondages, à cinq mois de l’élection provinciale prévue à la fin mai. La Loi sur la souveraineté de Mme Smith — qui vise à soustraire la province de toute loi fédérale ne lui convenant pas — ainsi que ses propos qualifiant les non-vaccinés des « plus discriminés » ou comparant le sort réservé à l’Alberta par Ottawa à celui subi par les Premières Nations sont aussi mal passés auprès de l’électorat. Justin Trudeau pourrait retrouver une légère accalmie quant à une Rachel Notley un peu moins combative. Pierre Poilievre risque de surveiller l’accueil réservé au populisme de Danielle Smith.

L’Université Laurentienne va-t-elle renaître ?

Le président du Conseil des gouverneurs de l’Université Laurentienne, Jeff Bangs, promet la renaissance de l’établissement nord-ontarien. « Le retour est toujours plus fort que le recul », a-t-il lancé en novembre. L’établissement a atteint les bas-fonds en 2021. Sa restructuration sous supervision judiciaire et le licenciement de 116 professeurs lui ont valu cette année-là la pire réputation au pays parmi les universités canadiennes d’après le magazine Maclean’s. Les élèves du secondaire ont répondu au scandale en boudant l’établissement. Des rectrices et vice-rectrices fraîchement arrivées en poste seront chargées de développer un nouveau plan stratégique et de répondre aux recommandations de la vérificatrice générale de l’Ontario. La confiance des Ontariens envers l’établissement, et ainsi son regain de popularité, pourrait dépendre de la mise en oeuvre du plan et du respect des recommandations.

Attention au ralentissement économique

Personne n’a évidemment de boule de cristal. Pas même les experts. Mais pour le moment, leurs prévisions économiques pour 2023 balancent généralement entre une période de croissance anémique et une récession modeste et de courte durée. Ce sera la faute de la guerre contre l’inflation menée par les banques centrales à coups de hausse des taux d’intérêt, de la crise énergétique en Europe et de la pandémie de COVID-19 en Chine. Mais ce sera surtout à cause de l’effet de la hausse des taux d’intérêt au Canada sur ses consommateurs et son secteur immobilier. Le choc devrait être réduit parce que l’économie est relativement forte et que la pénurie de main-d’oeuvre fera hésiter les employeurs lorsqu’ils penseront à faire des mises à pied. Ces facteurs atténuants devraient être plus présents encore au Québec.

Des baisses de taux d’intérêt en fin d’année ?

Après s’être laissé surprendre par un emballement de l’inflation, la Banque du Canada a répondu, l’an dernier, par une hausse de 4 points de pourcentage de ses taux d’intérêt, du jamais vu en si peu de temps. Bien que ce coup de massue aux consommateurs et aux entreprises semble lentement en voie de ramener la hausse des prix à un rythme moins endiablé, il se peut qu’une dernière petite augmentation de taux vienne bientôt, avant qu’on laisse ce resserrement monétaire produire l’effet désiré, prévoient les experts. Comme cela plombera l’activité économique (voir « Attention au ralentissement »), la banque centrale pourrait commencer à faire marche arrière dès la fin de l’année, en route vers un taux directeur à un niveau plus neutre de 2 % à 3 %, contre 4,25 % aujourd’hui. Mais cela attendra 2024, croient de plus en plus de prévisionnistes.

Un jugement autour des DPJ autochtones

Un autre conflit constitutionnel entre Québec et Ottawa s’est dessiné ces dernières années au sujet d’une loi fédérale visant à faciliter la création, par les Autochtones, de leur propre version de la DPJ. Au coeur de ce bras de fer se trouve la réconciliation avec les Premiers Peuples et leur droit à l’autonomie gouvernementale. Cette loi impose des « normes nationales » aux provinces pour les services offerts aux Autochtones, mais Québec n’a pas envie de se faire dicter quoi faire par Papa Ottawa. Le fédéral estime que la Constitution lui permet de légiférer pour les Autochtones. Mais pas sur les services sociaux, qui sont de compétence provinciale, rétorque Québec, qui a contesté — pour cette raison et d’autres — la loi jusque devant la Cour suprême du Canada. Son jugement est attendu en 2023.



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