Un homme retrouvé mort près du chemin Roxham
Une importante opération policière s’est poursuivie jeudi près de la frontière américaine, non loin du point de passage du chemin Roxham, là où le corps d’un homme avait été repéré la veille par un hélicoptère américain dans un secteur boisé, blanchi par le verglas de janvier.
L’identité de l’homme était encore inconnue jeudi après-midi.
Cet endroit de la frontière, qui sépare le chemin Roxham québécois du Roxham Road américain, est utilisé depuis quelques années par un grand nombre de migrants pour entrer au Canada.
Ce sont des agents de la patrouille frontalière américaine qui ont repéré le corps du haut des airs, puis ils ont avisé leurs homologues du côté canadien, a indiqué jeudi le porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ) Louis-Philippe Ruel. Les agents de la force policière provinciale ont ensuite localisé le cadavre mercredi vers 14 h 45 à proximité du très fréquenté poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle.
Puisque l’endroit était inaccessible aux véhicules, le corps de l’homme a dû être transporté en hélicoptère jusqu’à un centre hospitalier, où son décès a été officiellement constaté en soirée.
Peu d’informations
La police est pour le moment incapable de dire si l’homme a franchi la frontière en provenance des États-Unis ou s’il tentait plutôt de se diriger vers le territoire américain. Il se peut aussi qu’il s’agisse d’une personne qui séjournait déjà dans le secteur. La SQ signale qu’il n’y avait personne près de lui lorsqu’il a été aperçu et elle n’a pas voulu révéler son origine ethnique.
Il est ainsi difficile de tirer des conclusions sur la raison pour laquelle il se trouvait dans ce secteur isolé, bordé de routes peu fréquentées et parsemé de résidences et de fermes.
L’enquête se poursuivait donc jeudi. « On va tenter d’établir quelles ont été les dernières heures de ce monsieur-là », a déclaré M. Ruel.

En début d’après-midi, plusieurs policiers de la SQ ont été déployés dans le secteur, avec une chenillette, deux véhicules tout-terrain et un chien pisteur. Un petit autobus blanc et des véhicules de la police se trouvaient aussi en bordure d’un champ embrumé sur la montée Glass, une route parallèle à la frontière.
Cinq policiers ont quitté l’endroit en chenillette en direction sud, vers les États-Unis, avec des sarcloirs et un détecteur de métal. Deux autres ont suivi dans des véhicules tout-terrain, soulevant la boue dans les champs. Des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) étaient de la partie, bien qu’en soutien à l’enquête pilotée par la SQ.
Ils n’ont pas voulu révéler l’objectif de l’opération. On peut penser que la force policière veut s’assurer qu’il n’y a pas d’autres personnes égarées ou en détresse dans le secteur ou encore trouver des indices et des objets qui permettraient d’établir l’identité de l’homme.
Ce drame survient près d’un an après que les cadavres de quatre migrants d’origine indienne eurent été trouvés près d’Emerson, au Manitoba, à proximité de la frontière séparant le Canada et les États-Unis, ce qui a mis en lumière les dangers de franchir la frontière en plein hiver. En 2017, une femme était morte en tentant d’atteindre la frontière près d’Emerson.
Le passage de la discorde
Entre janvier et novembre 2022, la GRC a intercepté au Québec près de 35 000 demandeurs d’asile qui ont franchi la frontière canado-américaine par un point d’entrée terrestre non officiel, dont le principal demeure celui du chemin Roxham. Jeudi après-midi, sous la pluie verglaçante, le passage, marqué en plein milieu d’une borne blanche indiquant les limites du pays, était désert.
Les migrants y arrivent le plus souvent en taxi ou en voiture et franchissent à pied les quelques mètres qui séparent le Canada des États-Unis.
Sur la montée Glass, un petit autobus transportant des passagers de diverses nationalités a été vu jeudi après-midi.
À Ottawa, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’est dit attristé d’apprendre le décès d’une personne à la frontière canado-américaine et a offert ses condoléances à ses proches. Il a ajouté suivre la situation de près « à mesure que les détails deviennent disponibles ».

Il avait indiqué l’an dernier être en discussion avec les États-Unis pour modifier l’Entente sur les tiers pays sûrs. Cette dernière fait en sorte qu’un réfugié potentiel qui se présente à un poste frontalier officiel canadien après avoir foulé le sol américain est refoulé puisqu’il est tenu de déposer sa demande d’asile dans le premier « lieu sûr » où il est arrivé.
C’est pour contourner cette entente que les personnes souhaitant demander l’asile au Canada traversent la frontière par des passages improvisés, comme le chemin Roxham. Une fois qu’elles l’ont franchie, elles sont interceptées, et leur demande d’asile peut être traitée au Canada.
Le chemin Roxham est un sujet de discorde entre Québec et Ottawa : le gouvernement de François Legault a demandé à plus d’une reprise au gouvernement fédéral de fermer le passage, jugeant le flux de migrants beaucoup trop important pour ses capacités.
Des groupes de défense des réfugiés s’opposent depuis longtemps à cette entente parce qu’ils jugent que les États-Unis ne sont pas toujours un « lieu sûr » pour les gens qui fuient la persécution. Elle a été contestée devant les tribunaux, et la Cour suprême du Canada doit bientôt déterminer si elle viole la Charte canadienne des droits et libertés.
Avec les informations de Marie Vastel