La Croatie intègre la zone euro

Zagreb, vendredi.
Le 1er janvier, la Croatie deviendra le 20e pays membre de la zone euro. Son accueil dans l’union monétaire est une confirmation des progrès économiques importants de cet État d’ex-Yougoslavie depuis son entrée dans l’Union européenne, il y a neuf ans.
« L’introduction de l’euro rendra notre économie plus résiliente et augmentera le niveau de vie de nos citoyens à long terme. L’adhésion à la zone euro apporte à la Croatie une plus grande sécurité dans la crise », a commenté en croate sur Twitter le premier ministre Andrej Plenković, le 12 juillet dernier, au moment où venaient de s’achever les dernières étapes du processus permettant à son pays d’adopter l’euro comme monnaie officielle.
La Croatie rejoindra en même temps l’espace Schengen, qui permet la libre circulation de ses citoyens dans 26 autres pays d’Europe.
« Pour ce pays de l’Est, c’est considéré comme un aboutissement, puisque ça confirme la stabilité de son système financier et sa capacité à contrôler ses frontières », indique Frédéric Mérand, directeur du Département de science politique de l’Université de Montréal et spécialiste de l’économie politique européenne.
Pour arriver à ce résultat, la Croatie a dû satisfaire des critères de convergence économique : une stabilité des prix à la consommation, un déficit et une dette publique qui ne dépassent pas certaines limites et la stabilité du taux de change de sa devise, le kuna. Ses marchés financiers devaient aussi être bien réglementés. Par ailleurs, son PIB a augmenté de façon presque continue, si on exclut la période pandémique de 2020, pour atteindre un niveau par habitant qui se rapproche de celui de la Grèce.
« Si tu regardes les indicateurs économiques de la Croatie, pour un pays qui était en guerre il y a 27 ans, c’est assez remarquable », estime M. Mérand. Selon le professeur, ce rattrapage s’explique entre autres par le soutien de l’Union européenne au développement du pays et son ouverture aux consommateurs et aux investisseurs européens.
Les avantages sont bien réels pour le nouvel arrivant, dont la capacité d’emprunt devrait être renforcée. « Un créancier va plus facilement prêter à un pays qui a l’euro. La raison est qu’un pays qui a l’euro sera forcément sauvé par la Banque centrale européenne s’il y avait un problème financier », explique M. Mérand.
Cette situation peut donc se retourner contre les autres pays de la zone euro si un des membres effectue des « folies budgétaires ». La crise de la dette publique grecque, il y a une quinzaine d’années, en est un exemple. « C’est la raison pour laquelle les mesures de contrôle, de surveillance et donc d’intrusion dans la souveraineté nationale se sont beaucoup renforcées au cours des années », souligne l’expert.
Accueil chaleureux
La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a d’ailleurs lancé un message aux Croates sur Twitter cet été. « Nous sommes fiers de vous accueillir dans le club euro. C’est un bouclier, il a ses règles et nous respectons tous ces règles », a-t-elle déclaré dans une vidéo.
La précédente adhésion à la zone euro fut celle de la Lituanie, en 2015. Le prochain ajout, lui, ne semble pas être pour bientôt, même si tous les membres de l’UE ont l’obligation d’adopter en définitive l’euro. Aucun des sept membres qui utilisent toujours leur propre devise n’est en voie de satisfaire incessamment aux critères. Pour certains, comme la Bulgarie et la Roumanie, c’est parce que leur situation économique n’est pas encore suffisamment stable au goût de l’Union européenne. Le Danemark, lui, bénéficie d’une clause d’exemption. D’autres, comme la Suède et la Pologne, ne semblent pas pressés d’avancer, que ce soit parce qu’ils n’en voient pas l’intérêt économique ou parce qu’ils sont frileux à l’idée d’abandonner une partie de leur souveraineté, explique M. Mérand.
Par ailleurs, le contexte de la guerre en Ukraine donne une saveur particulière à l’arrivée de la Croatie dans la zone euro, estime le professeur de l’Université de Montréal. Il dit observer un « déplacement du centre de gravité de l’UE vers l’est », qui était autrefois sous l’influence de l’Union soviétique. « On voit que les pays d’Europe de l’Est ont une plus grande influence. Ils ont des arguments à faire valoir par rapport à la menace de l’ours russe », dit M. Mérand, tout en précisant que le processus d’intégration de la Croatie n’a pas été accéléré pour cette raison.
Rappelons que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, d’anciennes républiques socialistes soviétiques, ont formellement déposé leur candidature auprès de l’Union européenne en février et mars 2022.