278 lieux de culte fermés ou démolis au Québec

Depuis la pandémie, de plus en plus d’églises s’ajoutent à la liste des lieux de culte « en mutation », soit des bâtiments du patrimoine religieux qui sont démolis, fermés ou transformés au Québec. Les données de l’inventaire du Conseil du patrimoine religieux analysées par Le Devoir révèlent que 16 églises ont fermé leurs portes en 2022, alors que 4 sont tombées sous le pic des démolisseurs. Le bilan s’élève maintenant à près de 280 lieux de culte fermés ou démolis depuis 2003 dans la province.
Plusieurs centaines d’autres lieux religieux ont aussi été forcés à se réinventer depuis les 20 dernières années. On compte aujourd’hui 385 bâtiments religieux qui ont été transformés en centres communautaires, en bibliothèques, en salles de spectacle ou même en immeubles résidentiels. C’est donc le quart des lieux de culte (663 des 2751 bâtiments répertoriés en 2003) qui ont depuis été démolis, fermés ou recyclés pour de nouvelles fonctions.
Ce sont en moyenne une trentaine de nouveaux lieux qui sont en mutation par année depuis 2016, alors qu’on en comptait en moyenne une quarantaine par année entre 2006 et 2015. Or, les tendances sont revenues à la hausse depuis la pandémie de COVID-19, particulièrement pour les lieux de culte qui doivent fermer leurs portes, selon Isabelle Lortie, conseillère en patrimoine du Conseil du patrimoine religieux du Québec.
La fermeture d’un lieu de culte n’implique pas nécessairement l’arrêt définitif de ses activités, nuance-t-elle d’emblée. Une église peut fermer temporairement afin que des travaux de transformation s’y réalisent, par exemple. Dans le cas de 39 % des lieux de culte fermés en 2021, un projet de transformation concret était proposé pour réutiliser l’espace. Mais à l’inverse, aucun projet n’était connu pour 36 % des bâtiments fermés cette même année.
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Reconvertir nos églises, un chemin de croixLes fermetures sont certes de plus en plus nombreuses depuis la pandémie : 30 lieux de culte ont fermé en 2020, alors qu’on en recensait la moitié l’année d’avant. L’absence de revenu pendant les périodes de confinement, la baisse du nombre de pratiquants et les coûts d’entretien et de chauffage des bâtiments expliqueraient notamment pourquoi les fermetures de lieux de culte s’accélèrent depuis la crise sanitaire. La tendance devrait d’ailleurs se poursuivre, selon la conseillère.
« Les diocèses avaient une vision sur dix ans pour diminuer leurs effectifs, mais on se rend compte que depuis l’année dernière, ce “dix ans”, c’est maintenant. Certains diocèses doivent commencer à demander aux paroisses d’indiquer les bâtiments qui devront être mis à vendre et ceux qui pourront être conservés dans les prochaines années », explique-t-elle.
« Ça va faire en sorte que les lieux de culte fermés ou transformés augmentent plus rapidement dans les prochaines années à venir », ajoute-t-elle.
Un dernier recours
Depuis les cinq dernières années, 27 lieux de culte ont été démolis dans l’ensemble de la province, dont plus du tiers au cours des deux dernières années : 7 en 2021 et 4 en date du 23 décembre cette année. Les lieux démolis en 2022 comprennent l’église Saint-Joachim à Saguenay, l’église Sainte-Marguerite-de-Cortone à Trois-Rivières, l’église Saint-Simon à Trécesson et la chapelle Saint-Eugène à Blue Sea, en Outaouais.
Les démolitions sont toutefois de plus en plus exceptionnelles, note Isabelle Lortie. « C’est de plus en plus de derniers recours, parce qu’il y a de plus en plus de gens qui s’intéressent au patrimoine et qui sont sensibles à la conservation, que ce soit pour la valeur patrimoniale du bâtiment ou pour le développement durable. Ils voient le bâtiment comme une possibilité de développement, plutôt que de le raser et construire du neuf », note-t-elle.
Les lieux de culte démolis cette année, par exemple, étaient vacants de longue date. « Les propriétaires les avaient abandonnés depuis longtemps. L’état de la structure était devenu dangereux, ou alors ils étaient très coûteux à transformer », explique la conseillère.
Dans la majorité des cas, les lieux de culte qui se sont vidés d’adeptes ou qui n’ont plus les moyens de poursuivre leurs activités religieuses sont plutôt transformés pour de nouvelles vocations. Par exemple : le Collégial international Sainte-Anne, à Lachine, qui a transformé la chapelle de l’ancien couvent en bibliothèque technologique, l’église Christ Roi — la première église vendue de Saint-Hyacinthe — devenue la Salle Théâtre La Scène, ou encore l’église Saint-Raymond-de-Pennafort transformée en centre d’escalade à Gatineau.
Parmi les 119 lieux de culte démolis depuis la tenue de l’inventaire, 29 étaient situés en Montérégie (24 %). On en comptait 16 dans la région de la Capitale-Nationale et 12 à Montréal. L’Estrie est la région où on retrouve le plus de fermetures de bâtiments, avec 25 lieux de culte fermés. À elle seule, la région rassemble donc 16 % des 159 établissements religieux de la province ayant fermé leurs portes depuis les 20 dernières années