Guide d’autodéfense pour survivre aux repas des Fêtes

Illustration: Audrey Malo

La polarisation est partout. Comment discuter de sujets clivants sans casser le party ? Les conseils d’experts.

Les Fêtes sonnent le joyeux retour des agapes en famille. Mais qui dit famille dit parfois joutes verbales où les mots, plus que le ragoût de boulettes, vous tombent sur l’estomac. Si l’idée de croiser un partisan du Convoi de la liberté ou de jaser cuisine avec votre cousine antispéciste vous donne des boutons, ou que vos oreilles saignent à chaque vanne dégainée contre votre voisin immigrant, voici un petit guide d’autodéfense pour traverser plus sereinement de potentielles discussions explosives.

On le sait, l’époque est à la polarisation. Et les rencontres en famille n’y échappent pas. Pour preuve, au lendemain de l’élection de Donald Trump en 2016, les repas de l’Action de grâce ont été écourtés de 30 à 50 minutes, polarisation oblige.

Notre dossier en version audio:

Identité de genre, wokisme, mot en n, les pelures de banane sur lesquelles déraper sont légion lors d’une tablée élargie. Grand-papa craint un complot mondial ? Beau-frère antivax ? Cousine climatosceptique ? Il faut parfois jouer les funambules pour traverser une réunion familiale sans dommages collatéraux. Le Devoir vous propose ici 24 sujets au potentiel épineux… et comment y faire face.

Une question d’attitude

Car le désaccord, ça se gère.

« Le consensus n’est pas un prérequis pour partager ou connecter avec quelqu’un, insiste Sarah-Jane Turcot, psychosociologue des relations de travail. Mais la considération et la reconnaissance de l’autre, elles, sont essentielles. »

Peu importe le sujet, croit-elle, les interlocuteurs doivent aiguiser leur sens de l’écoute, même à l’égard d’opinions auxquelles ils sont diamétralement opposés. « Laissez les gens s’expliquer, posez des questions plutôt que de vous entêter à marteler un point de vue », dit-elle.

D’emblée, oubliez les expressions du type, « Je ne suis pas d’accord », « Tu as tort », au profit de « J’ai un point de vue différent ». Trop souvent, c’est la forme du débat qui enflamme les esprits, plus que le fond, juge cette experte en médiation. « Interrompre, soupirer sont des signes de non-écoute. On ne peut réguler les émotions des autres, mais on peut se réguler soi-même. »

Règle première : choisir ses batailles, et leur moment. Le réveillon n’est peut-être pas le moment de jaser véganisme à grand-mère et de noter que sa tourtière carnée contribue au réchauffement planétaire. « Demandez-vous toujours qui tire profit d’une telle discussion. Si vous êtes le seul concerné, pensez-y bien. Les pertes [émotives] sont parfois plus grandes que les gains », insiste Sarah-Jane Turcot.

« Les discours culpabilisants ou accusateurs ne mènent à rien », renchérit Colleen Thorpe, directrice d’Équiterre, un organisme environnemental appelé à ajuster constamment la portée de ses messages auprès du public. L’autodérision, dit-elle, est une bonne piste pour aborder des sujets délicats. Souvent, les conflits de générations surgissent quand un message est porté de façon radicale. « Trouvez des alliés, des parents par exemple, qui tiendront un discours plus modéré pour ouvrir le chemin. »

Ronger son frein

Faut-il pour autant ronger son frein et jouer les gentils à tout prix ?

Non, mais l’attaque personnelle fait toujours chou blanc, insiste Sarah-Jane Turcot. « Tout être humain attaqué personnellement se ferme à tout argumentaire logique. » « Libarté ! », ça vous dit quelque chose ?

« On appelle ça la réactance. C’est la réaction psychologique de gens qui se sentent avant tout victimes et ça empêche toute forme d’écoute, ou tout changement », explique-t-elle.

À lire aussi

Ce texte est publié via notre section Perspectives.

Retenir que les discussions épineuses sont un sport extrême, donc on ne s’y met pas du jour au lendemain. « Si on n’échange jamais en famille, c’est périlleux de s’y mettre en une veillée. On doit renforcer la communication avec nos proches avant même de plonger dans des sujets délicats. » Se muscler, quoi, avant de passer à l’épaulé-jeté intellectuel un beau soir de Noël.

Ne jamais oublier que les conflits font partie de la vie, insiste Sarah-Jane Turcot. Une légère escarmouche verbale n’a jamais tué personne, et vaut mieux quelques étincelles, dont on rira bien un jour, qu’un réveillon soporifique. « Les discussions sont des moteurs d’innovation dans une société. Les éviter à tout prix serait une erreur. Personne n’y gagne. Ce n’est pas nécessairement la bonne solution. »

Sur ce, Joyeuses Fêtes !



À voir en vidéo