Grande marche pour la biodiversité à Montréal, en marge de la COP15

En marge de la COP15, plusieurs centaines de manifestants ont bravé le froid samedi après-midi à Montréal afin de réclamer des actions concrètes pour protéger l’environnement.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir En marge de la COP15, plusieurs centaines de manifestants ont bravé le froid samedi après-midi à Montréal afin de réclamer des actions concrètes pour protéger l’environnement.

Des communautés autochtones des quatre coins du pays et du monde ont bravé le froid mordant aux côtés de plusieurs centaines de manifestants samedi après-midi à Montréal afin de réclamer des actions concrètes pour protéger l’environnement, en marge de la 15e conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15).

Les manifestants se sont d’abord réunis dans une ambiance festive au pied du mont Royal vers 13h. Dans la foule de tous âges, quelques manifestants étaient déguisés en oiseaux colorés, tandis que de nombreux autres brandissaient des affiches rappelant que de nombreuses espèces animales sont en danger, ou encore dénonçant la construction d’oléoducs et la destruction d’espaces verts au pays.

Plusieurs élus étaient présents, incluant la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, tandis que plusieurs organisations environnementales et syndicales brandissaient leur logo dans les airs en prévision de cette « Grande marche pour le vivant », organisée par le Collectif de la société civile québécoise pour la COP15.

Vers 13h30, des délégations autochtones de différentes régions canadiennes et d’ailleurs dans le monde sont arrivées sous les applaudissements de la foule, avant de mener la marche en direction du centre-ville de la métropole. « Nos terres ne sont pas des biens immobiliers », pouvait-on lire sur une affiche brandie dans les premiers rangs de la manifestation. « Aucune fierté dans le génocide », martelait une autre.

Certains manifestants autochtones ont d’ailleurs traversé le pays d’ouest en est en partance de la Colombie-Britannique pour prendre part à cette marche colorée. C’est notamment le cas de Willo Prince, de la nation Nak’azdii Whut’en, qui transportait avec un ami un grand poisson en bois rappelant que les populations de saumon sont en déclin au pays lorsque Le Devoir l’a croisé dans la foule enthousiaste.

« On voit comment ils discutent de nos vies de cette manière vraiment détachée, aliénante, dans des endroits comme la COP15. On est là pour perturber cet agenda colonialiste », a lancé au Devoir le jeune homme, qui déplore que les Autochtones ne soient pas davantage consultés concernant les décisions politiques entourant la protection de la biodiversité. « On veut dire la vérité sur ce qui se passe et attirer l’attention internationale parce qu’on l’a vu de nombreuses fois qu’ils ne se préoccupent pas de nous », a-t-il ajouté, en référence aux dirigeants politiques, au moment où des milliers de délégués réunis au Palais des congrès dans le cadre de la COP15 poursuivent leurs discussions, samedi.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Dans une foule de tous âges, des manifestants étaient déguisés en oiseaux colorés, tandis que d’autres brandissaient des affiches rappelant que de nombreuses espèces animales sont en danger ou dénonçant la construction d’oléoducs et la destruction d’espaces verts au pays.

« Ce sont nos vies, mais aussi les vies de nos enfants et de leurs enfants ensuite. On se bat pour eux », a ajouté Willo Prince, le regard franc et la voix douce. « Le territoire se fait dépouiller de tout bord et ce qu’on veut, c’est une conservation du territoire », opine également le directeur du département des ressources naturelles du Conseil de la Nation Anishnabe du Lac Simon, Ronald Brazeau, qui croit lui aussi que les Autochtones doivent davantage prendre part aux discussions concernant la protection de la faune et de la flore, notamment au Québec.

« L’économie passe toujours avant la protection de l’environnement et de la biodiversité. C’est ce qui est vraiment frustrant pour les communautés autochtones », enchaîne M. Brazeau, qui déplore notamment le manque de milieux naturels protégés dans le sud de la province, contrairement au nord de celle-ci. Un enjeu auquel la Communauté métropolitaine de Montréal, qui représente 82 municipalités, a d’ailleurs promis de s’attaquer samedi en s’engageant à protéger 30 % de son territoire d’ici 2030.

« Il n’est pas question que vous échouiez »

Un peu plus loin dans la foule, Le Devoir croise Denise Bosak, qui s’est déplacée du Wisconsin, aux États-Unis, pour prendre part à cette manifestation, une pancarte à la main contre la canalisation 5 de la société calgarienne Enbridge, un pipeline transfrontalier qui préoccupe de nombreuses communautés autochtones en raison des risques de déversements de pétrole dans les Grands Lacs.

« J’espère qu’avec toute cette représentation [des communautés autochtones dans cette marche], nous allons nous intéresser davantage aux mesures qu’on peut prendre pour protéger notre planète au lieu de se concentrer sur le développement économique », a dit souhaiter Mme Bosak en entrevue.

Pour Anne-Céline Guyon, qui est chargée de projet pour Nature Québec et membre du collectif COP15, cette marche vise d’ailleurs à envoyer un message clair aux délégations réunies au Palais des congrès pour négocier le prochain Cadre mondial pour la biodiversité, un accord international qui devrait comprendre des objectifs ambitieux pour freiner le déclin de celle-ci. « Il n’est pas question que vous échouiez », a lancé Mme Guyon samedi à leur intention.

Car, autrement, ce sont les prochaines générations qui en écoperont, appréhende Marie-Hélène Felt, qui est membre de Mères au front. « Ce qu’on veut, c’est de conserver une terre en santé avec plein de biodiversité pour nos enfants. C’est immoral de tout détruire pour le profit. Qu’est-ce qu’on laisse pour nos enfants ? » questionne celle qui s’est déplacée de Québec pour prendre part à cette marche. « On ne va pas laisser la maison brûler sans rien faire. »

La marche a pris fin peu avant 15h avec une série de discours tenus au parterre du Quartier des spectacles.

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