Les Québécois sont davantage pro-choix que les autres Canadiens, selon un sondage

L’Institut Angus Reid a publié, jeudi, les résultats d’un sondage effectué auprès de 1805 Canadiens en août dernier, dans la foulée de l’intensification des débats sur l’avortement aux États-Unis à la suite de l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade. Ce nouveau coup de sonde confirme notamment que les Québécois sont beaucoup plus favorables à l’avortement que les résidents des autres provinces canadiennes.
« Les Québécois sont les plus susceptibles de s’identifier comme “complètement pro-choix”, avec une forte majorité (59 %) pour cette opinion », révèle l’article de l’Institut Angus Reid qui présente les résultats du sondage. Ainsi, 5 % des Québécois se disent « complètement pro-vie », et 37 %, « quelque part entre les deux ».
Dans l’ensemble du Canada, 52 % de la population se dit « complètement pro-choix », c’est-à-dire, selon les critères d’Angus Reid, qu’elle croit que l’avortement devrait être légal à n’importe quelle étape de la grossesse. Huit pour cent des Canadiens sont « complètement pro-vie », et 37 %, « quelque part entre les deux ».
L’Alberta est la province la moins « complètement pro-choix », avec 42 % de répondants qui se reconnaissent dans cet énoncé. Neuf pour cent des Albertains se disent « complètement pro-vie », et 48 % « quelque part entre les deux », le plus haut taux parmi les provinces canadiennes. Ce sont toutefois la Saskatchewan et le Manitoba qui comptent le plus de pro-vie, à 13 %.
« Il y a une longue histoire de bons services publics au Québec, soutient Kelly Bowden, directrice des politiques et des relations gouvernementales à l’organisme Action Canada pour la santé et les droits sexuels. Les Québécois ont plus de chances d’avoir eu des expériences positives liées à l’avortement, et la socialisation est très importante dans la formation des opinions. »
Shachi Kurl, présidente de l’Institut Angus Reid et analyste politique, souligne quant à elle l’influence de Henry Morgentaler pour expliquer les résultats du Québec. Ce médecin, qui est à l’origine de la décision de la Cour suprême de 1988 qui a engendré la décriminalisation de l’avortement au pays, a longtemps pratiqué — des avortements illégaux, entre autres — à Montréal. « Il a dû avoir une influence importante, parce que c’était tellement une décision majeure », indique Mme Kurl.
« En contrepartie, dit-elle, les valeurs conservatrices demeurent très importantes en Alberta et en Saskatchewan. Les gens sont attachés à des valeurs qu’ils considèrent comme traditionnelles, notamment sur la vie et les droits du foetus. »
L’influence des États-Unis
Mme Kurl précise que l’Institut Angus Reid a mené son sondage en août dernier, précisément parce que « davantage de débats émergeaient au Canada, dans la foulée de l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade » de la Cour suprême des États-Unis.
Selon Mme Bowden, « ce qui s’est passé aux États-Unis a certainement accéléré certaines conversations ailleurs, notamment au Canada ». Mais il ne faudrait pas croire, selon elle, que puisque plusieurs États américains restreignent le droit à l’avortement présentement, le Canada pourrait aussi connaître « un recul » dans ce dossier. Au contraire, « on constate plus de progrès et d’ouverture lorsqu’on évalue la situation dans le monde entier », affirme-t-elle.
Mme Kurl explique qu’avec la récente intensification des débats au Canada et aux États-Unis, elle avait l’impression que plusieurs sondages et articles récents « manquaient de nuances ». C’est pourquoi elle a voulu mettre l’accent, dans ce dernier sondage, sur les différentes perceptions « qui pouvaient se trouver entre les options strictement binaires que sont “pro-vie” et “pro-choix” ».
Le sondage a notamment révélé que parmi les 41 % de Canadiens qui se considèrent « quelque part entre les deux », 36 % estiment que l’avortement devrait être légal jusqu’à ce qu’on puisse entendre les premiers battements de coeur du foetus, donc jusqu’à environ 15 semaines. Huit pour cent iraient jusqu’à la viabilité foetale, c’est-à-dire jusqu’à ce que le foetus puisse survivre à l’extérieur de l’utérus, donc environ 24 semaines. Vingt-trois pour cent se situent entre ces deux options, et 33 % demeurent incertains.
Une intervention médicale « comme les autres »
Plus tôt cette semaine, l’Institut Angus Reid a dévoilé d’autres données à l’issue du même sondage, à savoir que « deux tiers des personnes qui déclarent avoir subi un avortement chirurgical ou procédural disent qu’en fin de compte, c’était le bon choix pour elles et qu’elles ne le regrettent pas ».
Ainsi, 6 % des répondantes qui ont eu un avortement ont des regrets et auraient préféré choisir une autre option, alors que 65 % affirment avoir pris la bonne décision et ne rien regretter. Chez les femmes qui ont mené à terme une grossesse non désirée, 10 % le regrettent, et 54 % affirment avoir pris la bonne décision.
« Il y a encore beaucoup de tabous entourant l’avortement, ainsi qu’une augmentation de la désinformation en ligne en ce qui a trait aux soins de santé en général, explique Mme Bowden. Lorsque les femmes se font avorter, certaines arrivent avec des préjugés et finissent par comprendre qu’il s’agit d’une intervention médicale comme les autres. »
Cette dernière se réjouit d’ailleurs des résultats du sondage, puisque, selon elle, ils démontrent que « les Canadiennes ont l’impression qu’elles peuvent prendre des décisions pour elles-mêmes, peu importe leur opinion ».