La culture du safran dans l’oeil de Valérian Mazataud
Durant l’automne, Le Devoir a suivi Micheline Sylvestre, une productrice de safran de Lanaudière, invitée par la Ville de Montréal et le Quartier des spectacles à participer à la transformation du toit de l’esplanade Tranquille en jardin urbain avec potager, fleurs, et culture de safran.

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Mi-septembre 2022, Micheline Sylvestre est au travail sur le toit de l’esplanade Tranquille. Avec deux autres producteurs maraîchers, elle a été invitée par le Quartier des spectacles à transformer les lieux en jardin urbain. Son expertise ? Le safran, une épice cultivée depuis plus de 3500 ans et souvent surnommée « or rouge ».
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Micheline Sylvestre a planté 450 bulbes de Crocus sativus sur le toit de l’esplanade Tranquille. « C’est un peu tard dans la saison », explique la productrice basée à Saint-Damien, dans Lanaudière. Néanmoins, la plante évolue à rebours des autres. Plantées à la fin de l’été, ces fleurs éclosent en octobre ou novembre.
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Une fois bien protégés du gel à 20 cm sous terre, les bulbes vont se multiplier tous les printemps, profitant de l’irrigation provoquée par la fonte des neiges. « La rentabilité du safran peut être élevée », reconnaît Micheline Sylvestre, « mais au Québec, c’est assez méconnu, alors le marché est encore en plein développement ». On compte environ 25 safraneraies dans la province qui ne produisent en tout que quelques kilogrammes chaque année.
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Micheline Sylvestre s’est lancée dans la production de safran en 2014 après une carrière en cinéma comme régisseuse d’extérieur. « Plus jeune, j’ai vécu avec un conjoint iranien à Londres, et c’est lui qui m’a fait découvrir le safran, notamment avec sa recette de poulet au safran ! » Des années plus tard, elle découvre que sa terre, avec ses bonnes capacités de drainage, est idéale pour cette culture et elle crée son entreprise, Emporium safran Québec.
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Début novembre 2022, les premières fleurs viennent d’éclore et le toit de l’esplanade Tranquille est tapissé de mauve. Micheline Sylvestre cueille d’abord délicatement une centaine de fleurs, puis une centaine d’autres émergent dans les jours suivants. Sur son terrain de Saint-Damien, c’est parfois jusqu’à 3000 fleurs qui éclosent en un matin.
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Micheline Sylvestre tient une centaine de fleurs de safran entre ses mains. Une fois récoltées, elles doivent être immédiatement transformées pour éviter qu’elles deviennent trop humides. Dans l’Antiquité, les fleurs étaient plus connues pour les vertus médicales qu’on leur attribuait ou pour leur odeur que pour la saveur de leurs stigmates.
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Tout comme la cueillette, l’étape suivante, l’émondage, ne peut être réalisée qu’à la main. « Le geste est délicat et précis, il n’y aura jamais de machines », affirme Micheline Sylvestre. C’est notamment à ces fastidieuses étapes manuelles que le safran doit son surnom d’or rouge, dû à son un prix de 60 000 $CA/kg au Québec, qui en fait l’épice la plus chère au monde.
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Chaque fleur produit trois stigmates rouges (extrémités du pistil, l’organe reproducteur femelle) qui doivent être coupés et qui contiennent la molécule de safranal. Pour augmenter le poids, certains producteurs moins scrupuleux ajoutent également les étamines (organes mâles), de couleur jaune.
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Sa laborieuse transformation et son prix élevé font du safran l’une des épices les plus frelatées.
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Réduit en poudre, le safran est ainsi régulièrement mélangé à des barbes de maïs, à des cheveux, à de la poudre de brique, voire à d’autres épices tels le curcuma ou le paprika, ou est remplacé par ces produits. La fleur de carthame séchée, une plante proche du chardon et parfois surnommée « safran bâtard », est également vendue sous l’appellation de safran, à un prix défiant toute concurrence. Valérian Mazataud Le Devoir