Les métavers, prochains paradis des criminels?

Le métavers peut être décrit comme un monde virtuel en 3D connecté à Internet, qui offre une expérience interactive avec d’autres utilisateurs et divers environnements, en utilisant plusieurs technologies existantes, comme la réalité augmentée.
Meta Connect via Agence France-Presse Le métavers peut être décrit comme un monde virtuel en 3D connecté à Internet, qui offre une expérience interactive avec d’autres utilisateurs et divers environnements, en utilisant plusieurs technologies existantes, comme la réalité augmentée.

Les métavers seront-ils le prochain paradis des criminels ? Selon des experts, la fraude et la contrefaçon sont possibles partout : les métavers n’y échapperaient donc pas, mais ils ne sont pas non plus le far west ni un lieu de « non-droit ». Une meilleure coopération policière internationale est toutefois réclamée pour réprimer les crimes qui y sont commis, car ils ne connaissent pas de frontières.

Le métavers peut être décrit comme un monde virtuel en 3D connecté à Internet, qui offre une expérience interactive avec d’autres utilisateurs et divers environnements, en utilisant plusieurs technologies existantes, comme la réalité augmentée.

Il est un espace « persistant », c’est-à-dire qu’il existe sans nous et continue de se développer quand nous n’y sommes pas connectés. Certains y accèdent pour y jouer à des jeux vidéo, d’autres pour des réunions en télétravail, afin d’explorer d’autres mondes ou encore pour y faire du lèche-vitrine et y acheter une foule d’objets réels ou virtuels. Des exemples de métavers bien connus sont Decentraland, The Sandbox,Roblox et Horizon Worlds, de Meta. Certains existent depuis des années.

Ces mondes deviendront-ils des lieux propices aux crimes ? C’était la question posée lors d’un panel couru de la première édition du Forum international de la cybersécurité Amérique du Nord (FIC), qui s’est tenu mardi et mercredi au Palais des congrès de Montréal.

Les nouvelles technologies suscitent un engouement, mais aussi des craintes justement, car « elles sont nouvelles » et méconnues, a fait valoir Drew Dorweiler, directeur général de IJW & Co, une banque d’investissement basée à Montréal.

Comme le téléphone l’a été à une certaine époque, a donné en exemple Toufic Adlouni, un avocat montréalais spécialisé en nouvelles technologies, en chaînes de blocs (blockchain) et en cryptomonnaies au sein du « cabinet juridique numérique » Renno & Co. Il a rappelé que dans les années 1960, les États-Unis ont adopté le Wire Act quand les autorités se sont rendu compte que les criminels se servaient du téléphone pour placer des paris illégaux.

Bref, dit-il, « toute nouvelle technologie peut devenir un outil pour les criminels ».

Et de toute façon, les mondes virtuels ne sont pas si différents du monde réel, résume M. Dorweiler : puisqu’« il y a des crimes partout », il y en aura là aussi.

Dans le monde virtuel, on peut louer un local sans savoir vraiment qui en est le propriétaire, mais cela arrive aussi dans le monde réel, compare-t-il. Comme autres exemples de crimes, il parle de NFT contrefaits (non-fungible tokens ou, en français, jetons non fongibles), de vol d’identité ou de propriété intellectuelle.

Réglementation

 

Mais « le métavers n’est pas une zone de non-droit », tranche Camille Domange, du cabinet CDO Avocat de Paris, spécialisé notamment dans le secteur du numérique.

Il y a des règlements pour l’utilisation des plateformes et l’Union européenne (UE) a adopté des lois, comme le Digital Markets Act, pour régir l’économie numérique. Les plateformes de métavers sont responsables du traitement des données, elles ont des obligations légales et sont encadrées, précise MDomange. « Ce n’est pas le far west. »

Les utilisateurs, malgré leur avatar, vont engager leur responsabilité personnellement, comme dans le vrai monde, dit-il. Car le droit des contrats s’y applique, tout comme les lois qui protègent les consommateurs et le droit criminel qui interdit, par exemple, le harcèlement et la fraude.

Il faut connaître nos droits, qui varient d’une plateforme à l’autre, explique Me Domange, qui suggère de bien lire les conditions d’utilisation.

Dans les métavers, il est possible d’éviter la fraude en adoptant des pratiques sécuritaires, insiste de son côté Me Adlouni, qui conseille ses clients en ce sens. Mais poursuivre les contrevenants a son lot de difficultés, a-t-il ajouté.

Il y a de nombreux problèmes de champs de compétence. Il rapporte cette situation : après avoir déposé une plainte pour un client après une vente de cryptomonnaie qui a mal tourné, la police a dit ne pouvoir agir, car la victime n’était pas « physiquement » dans son territoire. Lorsque la plainte fut ensuite déposée dans son lieu de résidence, la police locale a rétorqué que le crime ne s’est pas produit chez elle.

« Les forces policières se renvoient la balle », a expliqué Me Adlouni en entrevue avec Le Devoir. Pourtant, dit-il, « le métavers est planétaire et ne connaît pas de frontières ».

Il souhaite que les forces policières travaillent ensemble et il voit la nécessité d’une politique de coopération internationale claire qui définirait « qui est responsable d’aider qui ». Il faut faciliter l’accès à la justice pour les citoyens au Québec, dit-il. Les laisser se présenter au poste de police de quartier ne fonctionne pas : cela prend une ligne d’accès direct aux équipes de cybercriminalité, insiste l’avocat. Le Service de police de la Ville de Montréal a une telle unité d’enquête, tout comme la Sûreté du Québec.

Les avocats et les gouvernements sont ainsi mis au défi par ce monde qui se construit devant nous, conclut Me Domange.

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