Tunisie: une démocratie à soutenir

Pierre Vallée
Collaboration spéciale
Souad Abdelkerim, actuellement mairesse de Tunis, et Mohamed Haddad, journaliste et dirigeant de Barr al Aman Research Media, lors du premier débat électoral en Tunisie en vue des premières élections municipales libres en 2018
Photo: Thierry Brésillon - Barr al Aman Research Media Souad Abdelkerim, actuellement mairesse de Tunis, et Mohamed Haddad, journaliste et dirigeant de Barr al Aman Research Media, lors du premier débat électoral en Tunisie en vue des premières élections municipales libres en 2018

Ce texte fait partie du cahier spécial Solidarité internationale

Issue du Printemps arabe, la démocratie tunisienne est jeune et, par conséquent, fragile, d’autant plus qu’aujourd’hui, elle est sérieusement bousculée par l’actuel président, Kaïs Saïed. Mais c‘est la ferveur de la société civile à la suite du Printemps arabe qui a incité Développement et Paix à s’impliquer en Tunisie.

« La chute de Ben Ali et l’éclosion de cette jeune démocratie nous ont incités à nous impliquer en Tunisie, raconte Sonia Lebesgue, chargée des programmes à Développement et Paix. Et comme nous avions déjà une présence dans le monde arabo-musulman, nos partenaires de cette région ont pu nous aiguiller vers les organismes de la société civile tunisienne avec lesquels nous croyons être en mesure de collaborer. Au départ, nos efforts se sont concentrés sur le soutien des organismes engagés dans le mouvement démocratique, dont les organismes de journalisme. »

Rappelons que Développement et Paix, fondé en 1967 par la Conférence des évêques catholiques du Canada, est le volet développement international de l’Église catholique du Canada. Il est membre de Caritas Canada, et a donc une présence en sol canadien, mais aussi à l’international par ses projets et par son appartenance à Caritas Internationalis et à la Coopération internationale pour le développement et la solidarité (CIDSE).

Développement et Paix se concentre essentiellement sur l’amélioration des conditions de vie des populations les plus pauvres et marginalisées dans les pays où l’organisme est présent et travaille toujours en partenariat avec les acteurs de la société civile. Il a développé deux stratégies d’aide, dont la première est la génération de savoirs locaux. « Ce sont toujours les populations les plus marginalisées qui font les frais des bouleversements majeurs qui affectent les pays, que ceux-ci soient politiques ou économiques, poursuit Sonia Lebesgue. Malheureusement, ces populations ont souvent du mal à comprendre ces grands enjeux, et notre objectif est de les outiller afin qu’elles puissent avoir une voix au chapitre et même d’y aller de propositions qui reflètent leurs besoins. »

La seconde stratégie d’aide est plus économique. « Nous avons comme mission, précise-t-elle, de suggérer et d’appuyer des modèles économiques qui sortent des façons
de faire néolibérales dans le domaine agricole, mais aussi en environnement et en transition énergétique. » C’est la raison pour laquelle Développement et Paix, de concert avec des partenaires tunisiens, est maintenant impliqué dans des projets de sécurité alimentaire.

Un second bouleversement politique

 

En 2021, l’actuel président de la Tunisie, Kaïs Saïed, y est allé d’un coup de force. Alléguant corruption et inefficacité, il a démis de ses fonctions le gouvernement et il a aboli l’Assemblée législative, s’arrogeant du même coup le droit de gouverner par décrets. De plus, il fait approuver par référendum une nouvelle Constitution qui entérine le pouvoir présidentiel, référendum dont seulement le tiers des électeurs ont participé.

Pourquoi un si faible taux de participation ? « D’abord, tous les partis politiques d’opposition ont systématiquement boycotté le référendum », explique Khansa Ben Tarjem, journaliste et cofondatrice du média en ligne Barr al Aman. Son collègue journaliste, Mohamed Haddad, poursuit : « Pour les Tunisiens, changer la Constitution n’a aucun intérêt. Ce qu’ils souhaitent, c’est surtout un changement dans la manière de gouverner, dont principalement la puissance arbitraire que possèdent les forces policières. »

Sans compter que la Tunisie souffre sur le plan économique, avec une inflation élevée et, surtout, un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes, qui avoisine 40 %. « C’est particulièrement affligeant chez les jeunes diplômés, précise Mme Ben Tarjem. Avec un taux de chômage de 30 %, les jeunes diplômés se tournent vers l’Europe et l’on assiste présentement à une importante fuite des cerveaux. »

Est-il toujours possible de critiquer le pouvoir en place ? Les deux journalistes affirment que oui. « Pour le moment du moins, précise M. Haddad, mais il faut être prudent, et je constate l’apparition d’un certain degré d’autocensure. »

Devant ce chambardement politique, quelle position prendra Développement et Paix ? « Sans abandonner nos projets actuels, explique Sonia Lebesgue, il est évident que nous allons augmenter nos efforts en soutien à nos partenaires tunisiens engagés dans le maintien de la démocratie. »

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo