La religion dans une société postpandémique
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Religions et rites funéraires
Des chercheurs de l’Irlande du Nord, du Canada, de l’Allemagne et de la Pologne s’associent pour mener un projet de recherche qui étudiera et comparera l’évolution du rôle des religions dans nos sociétés après deux ans de pandémie. À l’Université de Montréal, c’est la professeure Solange Lefebvre, de l’Institut d’études religieuses, qui se penchera sur l’analyse de quatre religions, deux majoritaires et deux minoritaires, au pays.
« Le sujet, c’est la résilience et la religion, et nos questions sont celles-ci : comment les religions se sont-elles adaptées à la pandémie ? En ont-elles souffert ? Quels ont été les rapports entre religion, science, vaccination et santé ? » dit Solange Lefebvre.
Le projet de recherche « L’évolution du rôle de la religion dans les sociétés sortant de la pandémie de COVID-19 » est dirigé par l’Université Queen’s de Belfast, en Irlande du Nord. L’équipe va analyser plusieurs facteurs, notamment concernant les manières dont ont été abordées plusieurs questions, comme celles de santé, de maladie et de science. « Il s’agit notamment d’examiner comment les relations entre la religion et l’État ont été transformées », précise la professeure.
Car la pratique religieuse a aussi dû s’adapter à l’ère de la COVID. Les lieux de culte ont dû fermer et les croyants se sont retrouvés en ligne, pour la plupart. Mais cela a aussi permis de rappeler que, bien qu’ils soient moins visibles dans certaines sociétés, il y a toujours des pratiquants. « Au Québec, on a découvert qu’il y avait encore des pratiquants, après des décennies où le dialogue avait été assez négatif, disant que les églises étaient vides. En réalité, c’est plus nuancé », explique Solange Lefebvre.
Différentes phases de recherche
Pour recueillir les données nécessaires qui seront étudiées dans le cadre de cette recherche, l’équipe utilisera diverses méthodes, notamment des sondages, des entretiens et des analyses de matériel médiatique et de contenus produits par les organisations religieuses elles-mêmes.
Deux sondages en ligne vont ainsi être menés auprès de fidèles et de leaders religieux et communautaires dans les quatre pays, ainsi que 320 entretiens en profondeur, soit 80 dans chaque pays. « On mènera des entretiens avec des membres des religions de toutes les classes sociales, pour tenir compte de ceux vivant dans des régions plus éloignées des grands centres. L’objectif est de savoir si certaines personnes vulnérables se sont senties abandonnées, parce que laissées à elles-mêmes sans ressources », explique la chercheuse.
L’équipe analysera également les contenus médiatiques produits par les groupes religieux, leur permettant de voir, à l’aide de mots-clés, comment ont été vécus la pandémie, les nouvelles scientifiques et le rapport à la maladie et à la mort, notamment. « Les rituels de deuil religieux ont été mis à mal durant la pandémie au Canada, avec les fermetures des lieux de culte et l’impossibilité de se réunir », rappelle Mme Lefebvre.
La place du religieux dans la sphère publique
Les chercheurs pourront ensuite étudier ce qui a été fait dans les grands médias généralistes à propos des lieux de culte et de la religion. La chercheuse souligne avoir été frappée par un article paru dans The Globe and Mail parlant positivement d’un prêtre et de la spiritualité en pleine pandémie. « Cela contrastait avec les fois où l’on parlait des groupes religieux comme étant des foyers de contamination », dit-elle.
Cela leur permettra d’étudier également comment s’est exprimé le religieux dans la sphère publique, comment celui-ci a été perçu et comment ont été gérés les lieux de culte. Au Québec, les canaux de communication entre les organisations, les représentants religieux et le gouvernement provincial n’existaient plus et il a fallu les rebâtir, explique la titulaire de la Chaire en gestion de la diversité culturelle et religieuse de l’UdeM. « On mettait [les lieux de culte] au début dans la rubrique des fermetures de bars », dit-elle.
Certains représentants religieux sont arrivés avec des idées novatrices, permettant d’entrer en contact avec certaines communautés durant la pandémie, comme une clinique de vaccination sans rendez-vous ouverte à la mosquée Assuna Annabawiyah en mai 2021.
Plusieurs religions étudiées
Parmi les religions étudiées dans les quatre pays, il y a « plusieurs dénominations chrétiennes, catholicisme, protestantisme, mais on va aussi inclure l’Église évangélique, et tenir compte des musulmans et des juifs », indique Solange Lefebvre.
En Pologne, l’Église catholique est majoritaire, mais l’étude va prendre en compte une minorité, celle des témoins de Jéhovah. « En Allemagne, ils vont tenir compte de la philosophie Steiner », souligne Mme Lefebvre.
Le Canada comptant beaucoup de groupes religieux, la chercheuse a choisi de se concentrer sur le catholicisme et le protestantisme comme religions majoritaires, et sur deux groupes minoritaires, les juifs et les musulmans.
Le saut vers le mode virtuel
Une chose est sûre, avant même d’avoir commencé la recherche, Solange Lefebvre sait d’ores et déjà que le passage au mode virtuel pour la majorité des religions a joué un grand rôle durant la pandémie. Il y a toutefois des nuances à apporter, que seule une analyse pourra fournir aux chercheurs. « Cela a pu avoir des effets positifs en matière d’audience, car plus de personnes ont été jointes par ce passage en ligne, mais ça n’a pas atteint tout le monde », souligne-t-elle.
Quant aux formats utilisés, elle relève que cela varie d’un endroit à un autre. « Dans beaucoup de cas, on est revenu au format traditionnel, c’était très statistique, mais dans d’autres cas, cela a été un peu comme des francs-tireurs. Les gens se sont tellement bien débrouillés que maintenant on a gardé la formule hybride, le virtuel et le présentiel », dit-elle.
Toutes ces enquêtes vont durer trois ans, et les résultats vont être constatés au fur et à mesure que la recherche avance. C’est la chercheuse qui sera chargée de mettre sur pied ce colloque, en 2024. Pour cette recherche, Solange Lefebvre a reçu une subvention de la Plateforme transatlantique.
Elle a également reçu deux autres subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour se pencher sur les municipalités québécoises, les religions et la laïcité. Ce projet durera jusqu’en 2027 et s’intéressera davantage aux défis et problèmes qui se posent entre la gestion municipale et la diversité religieuse au Québec. Finalement, « il s’agit de sortir la religion de son invisibilité. Ces groupes religieux existent, les croyants et pratiquants également », rappelle la chercheuse.
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