Des policiers d’Ottawa avaient de bons mots pour le Convoi de la liberté

Le chef par intérim de la police d’Ottawa, Steve Bell, a dit lundi que le convoi était «extrêmement légal» et «extrêmement respectueux de la loi» avant son arrivée à Ottawa.
Photo: Scott Olson Getty Images via AFP Le chef par intérim de la police d’Ottawa, Steve Bell, a dit lundi que le convoi était «extrêmement légal» et «extrêmement respectueux de la loi» avant son arrivée à Ottawa.

« Pro-police », « très collaboratif » et « extrêmement respectueux de la loi » : certains policiers ont décrit le Convoi de la liberté en termes élogieux avant — et même après — son installation à Ottawa, qui a conduit à l’invocation des mesures d’urgence, montrent des documents.

En rédigeant son rapport sur le mouvement qui s’approchait de sa ville, un agent de la police d’Ottawa a décidé de citer le commentateur canadien-anglais Rex Murphy sur « l’hypocrisie des politiciens » en guise de preuve que l’on pouvait s’attendre à « de grandes foules » en soutien au Convoi de la liberté.

« L’événement est moins une “manifestation professionnelle” […], mais plutôt un véritable événement populaire spontané [organic grassroots event] », écrit le 25 janvier le sergent Chris Kiez, entre une comparaison avec le mouvement des Gilets jaunes en France et une allusion au statut socioéconomique « entièrement de classe moyenne » des manifestants attendus. Son rapport a été rendu public mardi par la Commission sur l’état d’urgence.

L’inspecteur ottavien Russell Lucas a repris cette description du convoi pour son plan opérationnel qui détaille la décision controversée de laisser s’installer les camions directement devant le parlement. Il avait rassuré ses collègues au préalable lors d’une réunion, le 27 janvier : « les principaux camionneurs organisateurs sont coopératifs et sont pour la plupart pro-police », peut-on lire dans un compte rendu.

Pendant que la commission Rouleau consacre cette semaine à l’écoute des points de vue de policiers municipaux d’Ottawa et provinciaux de l’Ontario, des milliers de pages de documents déposés permettent aussi de retracer l’attitude changeante de la police envers le Convoi de la liberté. La manifestation motorisée d’opposition aux mesures sanitaires s’est transformée en occupation des rues de la capitale durant trois semaines l’hiver dernier.

D’abord légal

Le chef par intérim de la police d’Ottawa, Steve Bell, a dit lundi que le convoi était « extrêmement légal » et « extrêmement respectueux de la loi » avant son arrivée à Ottawa. Le même témoin a justifié l’hésitation à faire appliquer la loi par ses agents par la crainte de violence des manifestants une fois ceux-ci installés dans la capitale.

« La foule a évolué, […] les gens qui participaient au convoi ont changé », a expliqué son collègue Russell Lucas lors de sa comparution mardi.

Ce dernier a qualifié de « désinformation » toute allusion à des sympathies policières envers les manifestants. Selon lui, les témoignages en ce sens sont pris « hors contexte » et désignent des situations où des agents tentaient de désamorcer des situations tendues. « Si vous êtes amical avec [les manifestants], avez une conversation, prenez une photo avec eux, alors les gens deviennent plus relax. Ça prévient l’affrontement, et c’est ce qu’on apprend à nos agents », a-t-il indiqué.

Or, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux qui montrent des propos sympathiques de policiers envers la cause du Convoi de la liberté ont été interprétées par les manifestants comme une preuve de la légalité de leurs actions, a révélé une enquête du Devoir.

 

Au moins deux policiers d’Ottawa sont allés jusqu’à contribuer financièrement au convoi, a indiqué le chef par intérim aux avocats de la commission Rouleau. Son prédécesseur, Peter Sloly, considérait pourtant l’occupation illégale dès ses débuts.

Une chance à la négociation

Un responsable de l’équipe provinciale de liaison de la Police provinciale de l’Ontario (PPO), Marcel Beaudin, a également témoigné mardi. Il est d’avis que les autorités ont raté une occasion de négocier avec les manifestants, évoquant un plan jamais réalisé de rencontre entre un responsable du gouvernement fédéral et des leaders du convoi.

Un rapport de renseignement de la PPO produit le 13 février semble indiquer que toute négociation était devenue futile à cette date. « Les organisateurs des blocages […] sont convaincus que si le gouvernement ne les a pas joints pour négocier, c’est parce qu’un déploiement policier contre eux est imminent. »

À l’issue de l’opération policière des 18 et 19 février, au moins 533 accusations criminelles ont été déposées, dont une dizaine pour crimes violents, a calculé Patrick Morris, responsable du renseignement sur le convoi au sein de la PPO. Selon lui, ces chiffres prouvent le bon comportement des manifestants.

« Le faible nombre de crimes violents est étonnant », a dit M. Morris mercredi dernier au juge Rouleau, avant de dresser un parallèle entre les manifestants du convoi et les musulmans faussement suspectés de radicalisme après le 11 septembre 2001.

À voir en vidéo