Loi antiterroriste - Un nouvel outil policier

Ottawa - Les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrestation au Canada ne pourront plus prendre l'avion sans craindre d'être attendues à destination par un comité d'accueil policier. Avec sa nouvelle loi antiterroriste déposée hier, le gouvernement fédéral a en effet conféré le droit à la GRC et au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de vérifier les listes de passagers afin, entre autres, de mettre le grappin sur ceux qu'ils recherchent.

Le projet de loi C-55 est la nouvelle mouture de l'autre, le C-42, qui a été retiré la semaine dernière. Si le gouvernement y a fait ses devoirs en restreignant la portée de certaines dispositions qui avaient inquiété la population, Ottawa en a profité pour y ajouter quelques éléments nouveaux.

Ainsi, la GRC ou le SCRS pourront demander aux compagnies aériennes ou à tout agent de réservation la liste des passagers de vols choisis afin de vérifier si des suspects s'y retrouvent. Sont visés:

- les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt pour des crimes passibles d'une peine de prison de cinq ans ou plus (meurtre, enlèvement, mais aussi méfait);

- les immigrants potentiels faisant l'objet d'un renvoi parce qu'ils posent une menace à la sécurité nationale;

- les personnes contre qui pèsent des citations à comparaître ou des ordonnances de la Cour;

- toute personne qui, de manière générale, constitue une menace pour la sécurité des transports ou pourrait être d'intérêt dans le cadre d'une enquête du SCRS sur le terrorisme.

De hauts fonctionnaires ont indiqué que toutes les listes de passagers ne seraient pas vérifiées, compte tenu du très grand nombre de vols. Mais les vérifications pourraient aider la GRC à déterminer sur quels vols elle placerait des agents armés incognito. Si les informations recueillies ne concernent pas la sécurité nationale, elles devront être détruites dans les sept jours suivants.

"La plupart des l'informations seront détruites, un très petit nombre de renseignements seront conservés", a assuré le Solliciteur général, Lawrence MacAulay.

"Nous avons écouté!"

Le projet de loi C-55 est par ailleurs plus clair à propos des fameuses "zones de sécurité militaire" tant controversées que l'ancien projet de loi permettait de créer. Appelées désormais "zones militaires d'accès contrôlé", elles ne pourront être créées que pour protéger de l'équipement militaire.

Le C-42 prévoyait la création de zones entourant "les biens, lieux ou objets que les Forces canadiennes ont reçu instruction de protéger".

De même, et c'est nouveau, la loi dicte les seules circonstances dans lesquelles une telle zone peut être créée, soit si elle est "raisonnablement nécessaire" pour assurer la sécurité des équipements à isoler ou des personnes se trouvant dans leur voisinage immédiat.

Pas question, donc, de faire atterrir un hélicoptère militaire au milieu de Kananaskis (Alberta) où ce tiendra le sommet du G8 cet été pour pouvoir décréter toute la ville zone militaire, ce qui relèverait carrément de la "mauvaise foi", ont fait valoir de hauts fonctionnaires.

"Cela ne peut pas être utilisé pour protéger des conférences internationales ou pour empêcher des manifestants de poursuivre leurs activités, a insisté le ministre de la Défense Art Eggleton. Cela ne pourrait pas être utilisé dans le cas de Kananaskis. Cela pourrait seulement être utilisé pour protéger du matériel militaire. [...] Nous avons écouté ce que plusieurs avaient à dire sur C-42."

Discrétion ministérielle

Enfin, des balises plus sévères sont prévues si un ministre veut décréter des mesures d'urgence sans consulter ses collègues du cabinet. Dans l'ancien projet de loi, ces ordonnances pouvaient être en vigueur jusqu'à 90 jours avant que le cabinet n'ait à se prononcer, ce qui avait été perçu comme une trop grande latitude laissée à un seul ministre.

Ce délai est ramené à 45 jours. De plus, le ministre devra en déposer une copie auprès du Parlement dans les 15 jours de séances suivant son adoption et elle devra être publiée dans la Gazette du Canada au plus tard 23 jours après son émission.

Enfin, autre ajout par rapport à C-42, les plaisantins s'amusant à envoyer de la poudre blanche par la poste ou à faire de fausses alertes à la bombe seront punis encore plus sévèrement que prévu. On instaure une proportionnalité de la peine aux dommages causés par le crime. Ainsi, la peine pourrait aller de cinq ans de prison à l'emprisonnement à vie si la mauvaise blague tourne au cauchemar et cause la mort.

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