Trois nouvelles poursuites pour agressions sexuelles déposées contre Gilbert Rozon

Gilbert Rozon au palais de justice de Montréal en mai 2019
Jacques Nadeau Archives Le Devoir Gilbert Rozon au palais de justice de Montréal en mai 2019

Cinq ans après l’éclatement du mouvement #MoiAussi, trois autres femmes ont déposé vendredi des poursuites civiles contre Gilbert Rozon, dont son ancienne belle-soeur. L’ex-magnat de l’humour est désormais ciblé par neuf poursuites qui totalisent près de 14 millions de dollars.

Les nouveaux événements allégués se seraient produits alors que ces trois femmes travaillaient avec le fondateur de Juste pour rire et se seraient échelonnés sur les trois dernières décennies. Gilbert Rozon a indiqué au Devoir qu’il ne souhaitait pas commenter ces nouvelles procédures.

Parmi les femmes qui le visent, Martine Roy, soeur de Danielle Roy, l’ex-épouse de M. Rozon, soutient avoir été agressée à deux reprises par son ancien beau-frère dans les années 1990. Elle lui réclame 1,35 million de dollars.

Elle raconte qu’en 1993, elle avait été engagée pour être la chauffeuse et accompagnatrice de l’artiste Charles Trenet lors d’un passage au Québec. Après un spectacle au théâtre Capitole de Québec, Gilbert Rozon se serait présenté à la chambre d’hôtel de sa belle-soeur. Croyant qu’il souhaitait parler de l’artiste, elle mentionne l’avoir laissé entrer.

« Elle s’assoit à côté de son beau-frère sur le lit pour discuter. Soudainement et sans lui demander son consentement, [Gilbert Rozon] met ses mains sur [elle], lui prend le bras, tente de l’embrasser sur la bouche. [Elle] résiste, réussit à le repousser, se lève et lui demande de partir, ce qu’il fait », peut-on lire dans la requête déposée au palais de justice de Montréal. Puisqu’il avait consommé de l’alcool, elle a cru que c’était « une erreur de parcours » et que cela ne se reproduirait pas, est-il aussi écrit.

Mme Roy témoigne d’une deuxième agression survenue quelques mois plus tard où elle aurait été « brutalement violée ». Elle avait alors été engagée comme directrice adjointe du Musée Juste pour rire. Son beau-frère l’aurait invitée à discuter dans une loge lors d’une exposition. « Il verrouille la porte derrière lui […] À partir de ce moment, tout se passe très vite. [Gilbert Rozon] se retourne vers elle et, sans se soucier de son envie ou de son consentement, connaissant de surcroît son homosexualité, il la retourne pour qu’elle soit dos à lui. [Il] baisse alors les culottes de [Mme Roy]. Elle retourne sa tête et voit son pénis. Elle fige complètement », est-il mentionné.

Après ce « viol brutal » allégué, elle indique s’être rendue dans une clinique pour faire des tests de dépistage puisque Gilbert Rozon ne se serait pas protégé.

Vigilance et piège

 

Marylena Sicari a été aide-comptable pour Les Films Rozon et Les Productions Rozon de 1988 à 2004, et accuse de son côté Gilbert Rozon de l’avoir harcelée et agressée sexuellement à « d’innombrables reprises ». Elle lui réclame 1,25 million de dollars.

Elle dit avoir dû changer son numéro de téléphone devant son insistance à sortir avec elle et affirme s’être confiée à Lucie Rozon,une des soeurs de M. Rozon, pour lui demander d’intervenir. Mme Sicari soutient que M. Rozon a par la suite commencé à se frotter à elle dès qu’il la croisait au bureau. Elle allègue qu’il glissait sa main sur ses fesses et affirme avoir cessé de prendre l’ascenseur par crainte de se retrouver seule avec lui.

La troisième femme à poursuivre M. Rozon a travaillé comme adjointe pour le festival qui s’est tenu à l’été 1987. À l’automne, M. Rozon aurait invité Guylaine Courcelles pour discuter, apprendre à mieux la connaître et voir s’il aurait un autre poste à lui offrir.

14 millions

Il s’agit du total, arrondi, des neuf poursuites qui visent désormais le fondateur de Juste pour rire.

Elle raconte avoir accepté, même si elle était mal à l’aise que cette rencontre ait lieu en dehors des heures de travail, mais elle était intéressée par une discussion sur son avenir. Mme Courcelles croyait aller au restaurant, mais Gilbert Rozon aurait selon elle prétexté devoir s’arrêter chez lui en raison d’un problème électrique. Il lui aurait mentionné qu’il devait allumer les foyers pour chauffer la maison. L’épouse de M. Rozon était en voyage à ce moment-là, peut-on lire dans la requête.

Une fois à destination, il lui aurait dit qu’ils n’avaient pas besoin d’aller ailleurs puisqu’ils étaient déjà sur place. Il lui aurait mentionné pouvoir aller la reconduire à la fin de la discussion. À la fin de la soirée, M. Rozon lui aurait dit qu’il était trop tard pour aller la reconduire et qu’il avait trop bu. Plutôt que de lui offrir d’appeler un taxi, il fait valoir qu’elle sera bien dans l’une des chambres d’invités et qu’il la ramènera au bureau le lendemain, soutient Mme Courcelles. Elle se serait alors couchée et Gilbert Rozon serait revenu dans la chambre d’invités vêtu uniquement d’une serviette à la taille et se serait couché dans le lit, à côté d’elle.

Mme Courcelles soutient s’être débattue et s’être mise dos à lui. « [Gilbert Rozon] se colle sur elle, se masturbe dans son dos et éjacule. La demanderesse est en état de choc et elle ressent un dégoût profond. Le défendeur s’endort dans le lit à côté d’[elle] », peut-on lire.

Le lendemain, il serait allé la reconduire au bureau « comme si ce qui s’était passé la veille était anodin ».

Visé par neuf poursuites

 

Ces trois femmes étaient membres des Courageuses, ce regroupement d’une vingtaine de femmes affirmant avoir été agressées par M. Rozon entre 1982 et 2016 qui ont tenté d’intenter une poursuite collective contre lui. La Cour suprême a rejeté en novembre 2020 leur requête d’appel.

Avec ces nouvelles poursuites, ce sont maintenant neuf femmes qui poursuivent individuellement au civil M. Rozon. Les poursuites totalisent désormais un peu plus de 13,5 millions de dollars.

Gilbert Rozon a, de son côté, nié avoir agressé sexuellement les six autres femmes ayant déposé des poursuites dans les derniers mois, soit la comédienne Patricia Tulasne, la réalisatrice Lyne Charlebois, l’artiste Danie Frenette, Annick Charette, Anne-Marie Charette, ainsi que Sophie Moreau.

Il poursuit à son tour pour un total de 450 000 $ Patricia Tulasne, Lyne Charlebois et Danie Frenette. Il a également intenté en octobre 2020 une poursuite en diffamation de 450 000 $ contre les animatrices Julie Snyder et Pénélope McQuade, qui sont toutes deux revenues, à l’émission La semaine des 4 Julie, sur ce qu’elles ont vécu.

Le fondateur de Juste pour rire a été acquitté en décembre 2020 au terme de son procès criminel pour le viol allégué d’Annick Charette. Le procès se penchait sur des événements survenus 40 ans plus tôt à Saint-Sauveur, dans les Laurentides.



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