Tribunal pénal international - Première reddition d'un haut responsable serbe
Belgrade - Dragoljub Ojdanic, commandant suprême des armées yougoslaves à l'époque de la guerre du Kosovo et inculpé en même temps que Slobodan Milosevic, s'est rendu au Tribunal pénal international de La Haye tôt hier matin. Sous les acclamations de plusieurs personnes et devant les journalistes, il a souhaité "bonne chance au peuple serbe" avant de s'embarquer sur un vol commercial en compagnie de son épouse et de son avocat.
La veille au soir, Ojdanic avait reçu les télévisions locales chez lui. Les larmes aux yeux, il avait expliqué n'avoir rien à se reprocher et partir à La Haye la conscience tranquille "pour prouver mon innocence". À ses petits-fils assis sur ses genoux, il a dit souhaiter "qu'ils ne deviennent jamais soldats".L'ex-général Ojdanic est le premier inculpé serbe par le TPI à se rendre volontairement. Il bénéficie ainsi de la nouvelle loi de coopération adoptée récemment par la Serbie. Le texte garantit à ceux qui se constituent prisonniers que l'État entreprendra les démarches nécessaires pour que les criminels supposés restent en liberté jusqu'à leur jugement. Cinq autres Serbes recherchés par le tribunal ont fait savoir qu'ils acceptaient de se rendre et devraient prendre la route des Pays-Bas dès lundi. Parmi eux, deux politiciens d'envergure: Nikola Sainovic, ex-premier ministre de Milosevic, inculpé pour la guerre du Kosovo, et Milan Martic, chef de l'éphémère "État" séparatiste des Serbes de Croatie (1991-95), accusé d'avoir lancé des missiles sur des cibles civiles à Zagreb. Les trois autres candidats à la reddition sont deux anciens militaires et un gardien du "camp de concentration" bosniaque d'Omarska.
Ces six hommes ont en fait répondu à un appel à la reddition diffusé dans la presse par le gouvernement yougoslave. Les journaux avaient publié une liste de 23 noms, communiquée par le TPI, en tête de laquelle figuraient les tristement célèbres Ratko Mladic et Radovan Karadzic, leaders militaire et politique des Serbes de Bosnie pendant la guerre. Les 17 inculpés qui ont refusé de se rendre "vont être arrêtés et extradés" s'ils se trouvent sur le territoire yougoslave, a fait savoir le ministre de la Justice.
Il reste que le gouvernement américain, qui conditionne une aide financière à la Yougoslavie à sa pleine coopération avec le TPI, ne donnera son feu vert "qu'à l'arrestation de tous les suspects". Cette attitude sans nuance augmente encore la pression sur le pouvoir serbe, déjà accusé par son peuple "de se vendre à l'étranger".
Karadzic nargue la communauté internationale
"Chaque Serbe est Radovan", clament des affiches apparues il y a peu dans les grandes villes de la Yougoslavie. Même si, à Novi Sad, les partis progressistes ont vite recouvert ce slogan par un autre, "Tous les Serbes ne sont pas des criminels", l'ancien leader des Serbes de Bosnie continue de jouir d'un prestige certain en Serbie. On trouve toujours à Belgrade des t-shirts et affiches à l'effigie de ce "héros serbe".
Mercredi, un hebdomadaire yougoslave a publié une lettre de Radovan Karadzic dans laquelle il explique qu'il "ne se rendra jamais malgré la pression sur ses amis et sa famille". Rien de nouveau dans cette diatribe tournée contre la communauté internationale et contre un TPI prétendument illégal.
Mais Karadzic vient de se payer le luxe de publier lundi une pièce de théâtre inspirée par sa cavale, déjà vieille de sept ans. La comédie met en scène, en même temps qu'elle les ridiculise, les représentants internationaux pour la Bosnie, "incapables de l'attraper", et la classe politique yougoslave, "qui grappille son pouvoir avec l'aide de l'étranger".
"Radovan Karadzic a aussi écrit deux romans pendant son exil", fait savoir le président belgradois du très nationaliste Comité pour la vérité sur Radovan Karadzic. "Nous allons bientôt les faire publier."