Plaidoirie de la défense - Stéphane Gagné a impliqué Maurice Boucher pour écourter son séjour en prison

Jeune drogué. Trafiquant. Voleur. Tueur. Menteur. Stéphane Gagné n'entretient même pas le respect élémentaire de la vie humaine, alors comment peut-il adhérer à une valeur morale aussi abstraite que celle de la recherche de la vérité?

La question, lancée au jury par Jacques Larochelle, illustre bien la stratégie qu'a déployée l'avocat hier dans sa plaidoirie finale au procès pour double meurtre de son client, Maurice Boucher. Me Larochelle a rappelé les nombreuses contradictions et les mensonges de Stéphane Gagné afin de semer dans l'esprit du jury un doute sur la culpabilité de l'accusé. Il a prêté à Gagné "une duplicité extraordinaire et une capacité de mentir hors du commun".

Le délateur a passé ses 15 ans de carrière criminelle à berner son entourage - y compris sa femme - dans une simple poursuite sans scrupules de ses propres intérêts, a plaidé Me Larochelle. Coincé par les policiers pour l'assassinat de deux gardiens de prison, en décembre 1997, Gagné a compris qu'il devait impliquer les plus hauts gradés des Hells Angels dans les pires crimes possibles s'il voulait obtenir un contrat de délateur et une éventuelle réduction de peine.

Dans son analyse de la preuve balistique, Me Larochelle conclut même que Gagné a menti au sujet de son implication dans le meurtre de Pierre Rondeau. Gagné a dit qu'il n'avait pas tiré sur Rondeau alors que les trajectoires de tir suggèrent le contraire. Le ministère public a retiré l'accusation de meurtre dans cette affaire lorsque Gagné est passé aux aveux. Condamné seulement pour le meurtre de Diane Lavigne, il pourra demander son élargissement après 15 ans de prison, soit dix ans plus tôt que la normale.

Me Larochelle a invité le jury à la plus grande prudence dans l'appréciation du témoignage de Gagné. Selon la version du délateur, Boucher a ordonné l'exécution de deux gardiens de prison pour s'assurer de la fidélité de ses hommes de main et déstabiliser l'appareil judiciaire. En comparant la première déclaration de Gagné aux policiers, le 6 décembre, et ses aveux subséquents, Me Larochelle en arrive à la conclusion que Gagné a "élaboré progressivement" cette thèse épousée par la Couronne. "C'est dans son intérêt de le dire, que ce soit vrai ou faux", a dit Me Larochelle.

Dans sa première déclaration aux policiers, après une nuit sans sommeil, Gagné a simplement mentionné que Boucher était content après le premier meurtre. Il n'a pas impliqué le président des Nomads. Au fil des interrogatoires, le délateur a fini par avouer que Boucher l'avait félicité après les assassinats et lui avait confié le mobile des crimes: contrer la délation aux sein des Hells Angels. Pourquoi? Parce que Gagné s'est rendu compte, lors de ses échanges avec les enquêteurs, qu'il avait de meilleures chances d'obtenir un contrat de délateur s'il impliquait Boucher, a dit Me Larochelle.

Selon Me Larochelle, les "indices d'une fabrication" abondent lorsque Gagné traite du rôle de Boucher comme le commanditaire des attentats et celui de Paul Fontaine comme exécutant du deuxième meurtre. Son récit ne tient pas debout, a-t-il dit.

À voir en vidéo