Boycott de la supervision des stages et internats en psychologie

Plus de 21 000 personnes sont en attente d’obtenir un service en santé mentale au Québec, selon les données en ligne du gouvernement.
Photo: iStock Plus de 21 000 personnes sont en attente d’obtenir un service en santé mentale au Québec, selon les données en ligne du gouvernement.

La Coalition des psychologues du réseau public québécois (CPRPQ) tente un ultime recours pour faire entendre ses revendications. Le regroupement prévient Québec que, si rien ne bouge, des centaines de psychologues et de neuropsychologues ne superviseront pas les stages et les internats des étudiants au doctorat en psychologie à la rentrée scolaire 2023-2024.

« Faute de mise en place de solutions immédiates pour augmenter le nombre de psychologues dans le réseau public, nous n’aurons malheureusement pas la capacité de former la relève en psychologie », écrit la CPRPQ dans une lettre publiée dans Le Devoir et signée par plus de 960 psychologues et neuropsychologues.

Le regroupement signale que « la plupart des psychologues vivent une surcharge de travail et doivent trouver des moyens » pour continuer à offrir « des services de qualité à la population ». « Pour y arriver, la majorité des psychologues de la province se verront dans l’incapacité d’offrir des stages à partir de septembre 2023 », précise-t-on dans la lettre.

La présidente de la CPRPQ, Karine Gauthier, réclame du prochain gouvernement qu’il s’attaque au problème du manque de psychologues dans le réseau public et qu’il considère ce « dossier [comme] prioritaire ». « Ça fait trois ans et demi qu’on parle au cabinet du ministre Lionel Carmant, dit-elle. Les problèmes ne se sont pas du tout réglés, au contraire. »

La CPRPQ veut que Québec permette aux psychologues du réseau public de créer leur propre syndicat, afin que celui-ci négocie le rattrapage salarial « nécessaire » et assure l’autonomie professionnelle de ses membres. Une proposition balayée du revers de la main par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, en juin dernier.

Selon la Coalition, la mise sur pied d’un syndicat est pourtant « la solution » pour attirer des psychologues dans le secteur public et empêcher l’exode vers le privé.

Annie Rousseau, psychologue dans un hôpital pédiatrique, a signé la lettre de la Coalition. « Quand je vais prendre ma retraite dans cinq ans, il va se passer quoi ? dit-elle au bout du fil. Ça m’inquiète. Si je m’en vais du réseau, je ne suis pas sûre que je vais avoir beaucoup de relève. »

Annie Rousseau a pris un congé différé dernièrement, car elle se questionnait sur sa pratique dans le réseau public. « Je viens de revenir et les gens autour de moi sont fatigués, plus déprimés, affirme-t-elle. On a une pression de performance sur les listes d’attente. »

Plus de 21 000 personnes sont en attente d’obtenir un service en santé mentale au Québec, selon les données en ligne du gouvernement.

Situation à « prendre au sérieux »

La présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Christine Grou, juge qu’il faut « considérer la situation avec sérieux ». « Ça va diminuer l’accès aux services psychologiques et on a déjà un accès limité actuellement, dit-elle. Si on n’a pas de superviseurs pour les internes, on n’a pas de formation de la relève. C’est urgent que des actions soient prises. »

La Fédération interuniversitaire des doctorant.e.s en psychologie (FIDEP) appuie les revendications et moyens de pression de la Coalition, malgré les conséquences pour ses membres. Sa présidente, Alexandra Remon, souhaite que le gouvernement réagisse « assez rapidement » pour éviter que les doctorants n’aient « une année de plus encore à attendre avant d’être psychologues ».

Dans la plupart des universités québécoises, les doctorants en psychologie doivent réaliser des stages dans le réseau public, explique-t-elle. « Lors de la dernière année d’internat à l’Université Laval, on a 35 heures à faire par semaine pendant un an dans le réseau public », cite-t-elle comme exemple. Ces futurs psychologues offrent des services à la population. « Le fait de ne pas avoir d’internat en 2023-2024 va avoir un impact », pense Alexandra Remon.

Christine Grou croit que cela pourrait nuire au recrutement dans le réseau. « Si on veut attirer les doctorants [au public], il faut que ça commence par la supervision, dit-elle. S’il n’y a pas d’internat, ça va être bien difficile de les garder. »

À voir en vidéo