Montréal devrait imposer une certification à plus de propriétaires, selon une commission

Le règlement de la Ville pour lutter contre l’insalubrité pourrait s’étendre aux immeubles de six logements et plus.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Le règlement de la Ville pour lutter contre l’insalubrité pourrait s’étendre aux immeubles de six logements et plus.

Le registre des loyers et la certification que veut instaurer la Ville de Montréal pour contrer l’insalubrité des logements devraient s’appliquer à davantage d’immeubles et inclure ceux comportant six logements et plus, estime la commission qui s’est penchée sur le projet de règlement de la Ville.

Dans son rapport adopté jeudi soir, la Commission sur le développement économique et urbain et l’habitation recommande aussi que le registre des loyers soit mis à jour tous les ans, et non tous les cinq ans.

Le projet de certification « propriétaire responsable », dévoilé par la Ville en février dernier, vise à serrer la vis aux propriétaires négligents et à lutter contre les problèmes d’insalubrité qui affectent plusieurs immeubles locatifs. Pour obtenir leur certification, les propriétaires devront prouver que leurs logements sont salubres ou sécuritaires. Le projet est assorti d’un registre des loyers, qui obligera les propriétaires à déclarer le montant de leurs loyers de manière à freiner la flambée des prix.

La commission, présidée par la conseillère d’arrondissement dans Verdun, Kaïla A. Munro, a adopté jeudi soir 21 recommandations. D’emblée, la commission approuve l’implantation de la certification « propriétaire responsable » et du registre de loyers, mais propose certaines modifications.

Ainsi, le registre des loyers et la certification « propriétaire responsable » devraient s’appliquer aux immeubles de six logements et plus et non se limiter à ceux de huit logements et plus, croit la commission. Et le nombre d’inspecteurs devrait être « significativement » augmenté afin de réduire les délais de réponse aux plaintes qui seront acheminées à la Ville.

La commission est aussi d’avis que le registre des loyers devrait être mis à jour tous les ans, ce qui aiderait les locataires à faire valoir leurs droits devant le Tribunal administratif du logement (TAL), avance-t-elle. La Ville devra cependant se doter de ressources technologiques et humaines nécessaires pour valider les données soumises par les propriétaires, prévient cependant la commission.

Ultimement, ce registre devrait pouvoir recueillir les données de tous les immeubles locatifs, peu importe le nombre de logements qu’ils comportent, croit la commission. Montréal devrait aussi tenter de convaincre le gouvernement du Québec d’implanter un registre des loyers à l’échelle de la province.

Parmi les autres recommandations, la commission presse la Ville d’augmenter les montants accordés aux propriétaires pour leurs travaux d’entretien et de mise à niveau de leur bâtiment et de renforcer les mesures d’accompagnement aux locataires qui doivent être relogés en raison de l’insalubrité ou du mauvais état de leur logement et faire pression.

Exclure les immeubles récents

 

Bien qu’Ensemble Montréal soit favorable à l’implantation d’une certification « propriétaire responsable » et à la mise en place du registre montréalais des loyers, le parti d’opposition formule quelques réserves sur certains aspects du projet. Membre de la commission, Julien Hénault-Ratelle, conseiller de ville dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, juge notamment que la Ville devrait prioriser les immeubles à inspecter et exclure ceux dont la construction est récente. « En ce moment, dans le règlement, tous les bâtiments, incluant ceux de moins de dix ans, doivent être inspectés. Pour nous, ce n’est pas nécessaire. L’Association des inspecteurs en bâtiment a d’ailleurs fait connaître ses préoccupations à ce sujet », dit l’élu.

M. Hénault-Ratelle croit aussi que la ville-centre devra augmenter de façon importante le financement des arrondissements pour qu’ils puissent mener à bien les inspections requises. « On le sait, il y a un manque criant d’inspecteurs à la Ville de Montréal pour faire respecter la réglementation déjà en place sur le plan de l’insalubrité », dit-il.

Pour leur part, les associations de propriétaires demeurent sur leurs positions. La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) continue de s’opposer « vigoureusement » au registre des loyers compte tenu des coûts élevés du projet et de sa lourdeur bureaucratique. « Aucune étude ne tend à démontrer que les loyers sont plus bas dans une ville qui a mis en place un registre des loyers […], que les logements sont en meilleur état et que les conditions de salubrité sont supérieures. On laisse miroiter qu’un registre des loyers va tout régler », soutient Marc-André Plante, directeur des Affaires publiques de la CORPIQ. « À notre avis, les ressources devraient être consacrées à développer du logement social, abordable et à toute nature qui contribue à rééquilibrer le marché. »

La CORPIQ estime aussi que la certification « propriétaire responsable » devrait prioriser les immeubles les plus anciens pour éviter d’avoir à consacrer des ressources importantes pour des bâtiments récents et en bon état.

« Ça donne froid dans le dos », soutient de son côté Martin A. Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ). « C’est une source d’irritation importante pour les propriétaires. »

Pour l’APQ, le registre des loyers est « une fausse solution » qui impose des contraintes additionnelles aux propriétaires dans un contexte de contrôle des loyers déjà trop sévère. « On veut stimuler la croissance de notre parc immobilier, mais dans les faits, on vient démolir l’intérêt des propriétaires de rénover et de construire [des logements] », dit-il.

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