Encore 2,5 millions de Québécois peinent à lire des textes compliqués

Depuis 2012, près de 450 000 Québécois ont appris à lire et à comprendre un texte complexe.
Photo: Michaël Monnier Archives Le Devoir Depuis 2012, près de 450 000 Québécois ont appris à lire et à comprendre un texte complexe.

Depuis 2012, près de 450 000 Québécois ont appris à lire et à comprendre un texte complexe, selon une étude de la Fondation pour l’alphabétisation publiée mercredi. Ce progrès demeure « relatif », car le Québec demeure en queue de peloton au pays.

« Le Québec est encore la dixième province. On est toujours dans les derniers », soupire, à la lumière de cette étude, André Huberdeau, président du conseil d’administration de la Fondation.

La proportion de Québécois qui n’atteignent pas le niveau 3 en littératie, autrement dit ceux présentant des difficultés « aiguës » de lecture, serait passée de 53,2 % en 2012 à 46,4 % en 2022. Environ 450 000 Québécois ont donc progressé sur ce point en 10 ans. La moyenne canadienne a été établie en 2012 à 48,5 %.

Il reste tout de même encore 2,5 millions de Québécois entre 16 et 65 ans aux prises avec cette forme d’analphabétisme fonctionnel. Ils forment la cohorte de gens susceptibles de commenter un article en ligne sans avoir lu son contenu, exemplifie l’auteur de l’étude, l’économiste Pierre Langlois. « Ils vont comprendre un certain nombre d’informations dans le texte, évidemment le titre, mais vont décrocher après quelques paragraphes. Ils auront de la difficulté à faire la différence entre information et éditorial. Ils peuvent s’abreuver à des sources d’information erronées. »

Le Québec est encore la dixième province. On est toujours dans les derniers.

 

Le meilleur pays au monde en la matière, le Japon, obtient un score de 28 %. Les deux pays ex aequo en deuxième position, la Finlande et les Pays-Bas, décrochent quant à eux des niveaux d’analphabétisme atteignant 39 %. La moyenne de l’OCDE se chiffre à 48 %.

Plus de diplômés

De plus en plus de Québécois décrochent leur diplôme secondaire, relève l’étude. « Le taux de diplomation » est passé de 75 % pour la cohorte de 2005 à 81,8 % pour la cohorte de 2013. 

Les Québécois de plus de 65 ans n’ont pas été comptabilisés dans cette étude. Une grande partie de ces progrès sont donc attribuables au fait que les plus vieilles générations — moins éduqués — sortent de l’équation au fil des ans.

André Huberdeau voit dans ces gains « relatifs » la preuve que le système d’éducation s’est amélioré au fil des ans. « Le grand bond en avant de la commission Parent [sur l’enseignement] nous fait gagner des points de littératie à travers les années », soutient à son tour M. Langlois.

Une chose est sûre, ces lacunes en lecture pèsent sur la rentabilité des entreprises québécoises.

 

C’est qu’advenant un changement dans une usine, sans la possibilité d’en comprendre les subtilités, « du jour ou lendemain, vous devenez un employé incompétent », résume M. Huberdeau.

Alors que 80 % des garçons québécois décrochent leur diplôme secondaire, 88 % des filles québécoises font de même. Combler ce « trou » entre les sexes permettrait de réaliser « un gain annuel de l’ordre de 165 millions de dollars sur le PIB du Québec », étaye l’étude.

La lutte contre le décrochage chez les hommes constitue ainsi « le chantier important » dans la lutte contre l’analphabétisme, pointe Pierre Langlois.

Pour établir ces statistiques, son étude se base uniquement sur des modélisations, car la pandémie a empêché les chercheurs de conduire leurs sondages sur le terrain. 

 

Les perturbations liées au coronavirus dans le réseau scolaire ont aussi brouillé les résultats. Le décrochage a augmenté ces deux dernières années, bien que le retrait temporaire des examens ministériels ait peut-être pu augmenter le taux de diplomation. Il faudra attendre quelques années avant de mesurer l’effet de la crise sanitaire sur l’éducation des Québécois.

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