Mieux loger les différents ménages

Leïla Jolin-Dahel
Collaboration spéciale
Pendant la pandémie, nombreux sont les jeunes ménages qui se sont lancés dans l’achat d’une propriété, contrairement aux personnes âgées, qui ont dû mettre sur pause leurs projets de vendre ou de s’établir en résidence.
Shutterstock Pendant la pandémie, nombreux sont les jeunes ménages qui se sont lancés dans l’achat d’une propriété, contrairement aux personnes âgées, qui ont dû mettre sur pause leurs projets de vendre ou de s’établir en résidence.

Ce texte fait partie du cahier spécial Habitation

Vieillissement de la population, diminution de la taille des familles, hausse de l’immigration, besoins de mobilité… La nécessité d’adapter l’offre de logements à l’évolution des ménages d’ici 2041 fait partie des préoccupations de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Tour d’horizon.

« Autant, avant, on avait un ménage moyen qui était plutôt homogène, on se retrouve aujourd’hui avec vraiment beaucoup de diversité », constate Sébastien Lord, professeur agrégé à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’UdeM et directeur de l’Observatoire Ivanoé Cambridge du développement urbain et immobilier.

Selon le Portrait de l’habitation dans le Grand Montréal publié en mai dernier par la CMM, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) prévoit une augmentation du nombre des ménages d’environ 243 000 d’ici 2041 (pour un total de 1 968 000 ménages), et 65 % de cette croissance se verra chez les 75 ans et plus. La pandémie a compliqué leur plan de vendre leur maison pour s’établir en résidence pour personnes âgées, explique M. Lord. « Alors que les plus jeunes ont accéléré leur projet [d’acheter une propriété], chez les personnes âgées, on a mis les projets sur pause », a-t-il indiqué.

Il observe également une tendance vers des logements plus petits en zone urbaine, à cause des prix plus élevés. « Pour une famille, ça devient compliqué de trouver un logement à un prix raisonnable en ville », dit-il.

Mais ces ménages trouveront leur compte dans les prochaines années, avec les aînés qui seront plus nombreux à se départir de leur résidence unifamiliale dans les banlieues, croit de son côté Philippe Rivet, chef d’équipe à la CMM et responsable de l’Observatoire Grand Montréal. « Ça va avoir pour effet de libérer progressivement des maisons individuelles sur le marché de la revente », prédit-il.

Encore beaucoup à faire

Selon Sébastien Lord, il y a « beaucoup à faire » en matière de logements. « Il n’y a pas beaucoup de diversité », dit-il. Si l’offre d’habitation doit tenir compte des besoins particuliers en matière de mobilité, les solutions doivent être pensées en fonction du Grand Montréal, estime le professeur. Il donne comme exemple un ménage où un membre occuperait un emploi à Longueuil, tandis qu’un autre travaillerait plus loin encore. « Il faut se donner les moyens de faire des règlements en cohérence avec les milieux de vie des personnes, dit-il. Ça ne passe pas juste par le logement lui-même, mais aussi par l’environnement dans lequel on insère les logements. »

D’où l’importance de varier les modes d’occupation et de réfléchir à des formules mixtes, en mêlant notamment les générations, mais aussi les résidences et les commerces, ajoute le professeur. La densification urbaine doit également préconiser la création et la revitalisation de quartiers complets, croit M. Lord. « En banlieue, on construit aujourd’hui des complexes résidentiels ou des quartiers à très forte densité, mais très loin de tous les services. On n’améliore pas l’image ni la perception de la densité si on a tous les désavantages sans les avantages », souligne-t-il.

Philippe Rivet, quant à lui, estime que la construction de logements sociaux et communautaires reste la priorité. « Presque 200 000 ménages locataires à faible revenu ont de la difficulté à se loger », rappelle-t-il.

Innover à l’avenir

Il faudra « être original » et se pencher sur d’autres solutions actuellement sous-exploitées, estime M. Rivest. Selon lui, la densification urbaine passe par la création de règlements encadrant les immeubles d’habitation accessoires, comme les minimaisons dans les cours arrière.

« Au cours des prochaines années, il va falloir vraiment miser sur une réglementation qui permet aux propriétaires d’une maison individuelle d’ajouter une habitation au fond de leur cour ou collée à un bâtiment pour faire du multigénérationnel. Il n’y a pas encore beaucoup de municipalités qui l’autorisent », observe-t-il.

M. Lord abonde en ce sens. « Ce sont des options qu’on connaît depuis des années, mais qui peinent à s’imposer. Même si ce n’est pas un grand pourcentage de personnes qui est intéressé par ces options, celles-ci ne sont souvent pas disponibles », révèle-t-il.

Les deux experts croient également que les municipalités et les gouvernements devraient offrir des incitatifs aux propriétaires et aux promoteurs pour favoriser la création de ce type de logements. « Il faut se demander ce qu’on peut donner au marché pour qu’il produise quelque chose qu’il n’arrive pas à faire naturellement. À savoir de grands logements, des logements qui peuvent être occupés par plus d’une génération, ou deux logements indépendants dans un même bâtiment », affirme M. Lord.

De son côté, la CMM désire obtenir des cibles précises concernant la construction de logements sociaux et communautaires pour tout le Grand Montréal, notamment pour accueillir le nombre croissant d’immigrants. « Avoir une offre suffisante de logements locatifs de qualité et abordables, c’est essentiel pour la bonne intégration de ces nouvelles populations. Ces ménages ont souvent des ressources financières limitées. Ça confirme toute l’importance encore d’accélérer la construction de logements sociaux et communautaires dans la région. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

65 % C’est la proportionde la croissance des ménages qui se verra chez les 75 ans et plus d’ici 2041.

« Il faut se donner les moyens de faire des règlements en cohérence avec les milieux de vie des personnes. Ça ne passe pas juste par le logement lui-même, mais aussi par l’environnement dans lequel on insère les logements. »

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