«Les appels se multiplient» après les allégations visant le cardinal Marc Ouellet

Le nom de Marc Ouellet, maintenant âgé de 78 ans, a déjà été évoqué pour devenir pape.
Filippo Monteforte Agence France-Presse Le nom de Marc Ouellet, maintenant âgé de 78 ans, a déjà été évoqué pour devenir pape.

Les allégations d’agression sexuelle concernant le cardinal québécois Marc Ouellet pourraient inciter de nombreuses victimes à briser le silence concernant les agressions qu’elles ont subies de la part de membres du clergé au cours des dernières décennies, entrevoient plusieurs acteurs du milieu.

« Les appels se multiplient », confie au Devoir l’ombudsman de l’archidiocèse de Montréal, Marie Christine Kirouack. En entrevue mercredi, elle a indiqué avoir reçu au moins quatre « plaintes formelles » de femmes qui ont décidé de dénoncer les agressions sexuelles dont elles affirment avoir été victimes de la part de membres du clergé catholique à Montréal, après avoir pris connaissance des « accusations importantes » rendues publiques mardi concernant le cardinal Marc Ouellet.

« J’ai des femmes qui ont communiqué avec moi pour dire : “Elle a eu le courage, je vais le faire aussi” », explique Me Kirouack, qui constate ainsi que les allégations pesant contre M. Ouellet, qui ne fait face à aucune accusation criminelle, ont eu « un effet domino ».

« Tous les diocèses vont y passer »

Le Devoir a tenté de joindre les principaux diocèses répartis aux quatre coins du Québec pour savoir si ceux-ci ont constaté une augmentation des plaintes depuis mardi, mais seuls ceux de Sherbrooke et de Gatineau ont répondu à notre demande, en indiquant n’avoir reçu aucune plainte pendant cette période.

L’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, invite pour sa part « toute personne qui le souhaite à communiquer avec l’ombudsman » de son organisation. « Trop de gens ont vécu longtemps dans le silence des événements qui ont bouleversé leur vie », écrit-il dans une déclaration envoyée au Devoir.

Dans le cadre d’une action collective contre le diocèse de Québec déposée mardi au palais de justice de Québec, une jeune femme désignée par la lettre « F » témoigne avoir été agressée sexuellement en 2008 par le cardinal Marc Ouellet. Ce dernier avait été pressenti en 2013 pour succéder au pape Benoît XVI. Au moment des faits allégués, la victime avait 23 ans.

« Si quelqu’un a été capable de dénoncer le cardinal Ouellet, pourquoi moi je ne serais pas capable de dénoncer le curé de ma paroisse ? » lance l’avocat Alain Arsenault, qui représente les victimes présumées dans cette action collective. Selon lui, le nombre de victimes présumées devrait augmenter dans les prochaines semaines.

« Plus on va parler, plus on va donner des exemples et plus ça va convaincre les victimes de sortir du placard », estime également la porte-parole de l’Association des jeunes victimes de l’Église, Suzanne Tremblay. « On vient d’ouvrir la boîte de Pandore, et ça va continuer dans les prochains mois », entrevoit-elle.

À terme, « je pense que tous les diocèses vont y passer », lance quant à lui le porte-parole des victimes d’agressions sexuelles de prêtres, Roger Lessard, qui espère aussi qu’au-delà des excuses, l’Église indemnisera financièrement les victimes, « et rapidement ».

Au moins 22 victimes

 

L’ombudsman Marie Christine Kirouack, qui a été embauchée par l’archidiocèse de Montréal en mai 2021 pour enquêter sur des allégations d’abus concernant des membres du clergé, a d’ailleurs publié mercredi son quatrième rapport depuis son arrivée en poste. Celui-ci dresse un état des lieux en date du 31 juillet 2022.

L’ombudsman y indique avoir acheminé à un comité consultatif 11 plaintes concernant autant de membres du clergé. Ces plaintes impliquent « au moins 22 victimes » qui auraient toutes subi des agressions sexuelles. Quatre d’entre elles étaient mineures au moment des faits allégués. Près de la moitié des événements allégués sont d’ailleurs survenus dans les années 1990.

« Maintenant et sous réserve des orphelins de Duplessis, les faits qui sont rapportés sont plus contemporains », constate ainsi Me Kirouak.

Dans tous les cas, les agresseurs présumés sont des membres du clergé « qui étaient en poste ou qui avaient encore des facultés » au moment du dépôt de la plainte à l’ombudsman, indique cette dernière au Devoir. Les victimes qui dénoncent se composent d’ailleurs de plus en plus d’adultes, constate-t-elle.



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