Jean-François Lisée condamne une publicité montrant une femme voilée

Jean-François Lisée croit fermement que HEC devrait retirer la publicité et en diffuser une autre avec «une femme qui ressemble à une Algérienne non voilée».
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne Jean-François Lisée croit fermement que HEC devrait retirer la publicité et en diffuser une autre avec «une femme qui ressemble à une Algérienne non voilée».

Une publicité de HEC Montréal présentant une femme qui porte un hidjab a suscité l’ire de l’ancien chef du Parti québécois Jean-François Lisée, qui a fermement condamné l’initiative sur Twitter. La position de l’ex-politicien n’est toutefois pas partagée par deux avocates de formation, toutes deux de confession musulmane, consultées par Le Devoir.

La publicité numérique diffusée par l’institution fait la promotion d’un programme international qui permet d’amorcer un baccalauréat à Alger et de le conclure à Montréal tout en obtenant deux diplômes. Le court texte est surmonté de la photo d’une jeune femme souriante qui arbore un hidjab.

Dans une publication Twitter partagée à plusieurs dizaines de reprises, l’ancien politicien et désormais chroniqueur au Devoir Jean-François Lisée dénonce en des termes virulents la publicité. « HEC Montréal a choisi un signe religieux misogyne (signifiant modestie et soumission de la femme) pour recruter des étudiantes d’Algérie, dénonce-t-il. Avis aux jeunes Algériennes qui tentent de résister à la pression des imams et des intégristes : HEC Montréal n’est pas votre allié. »

« Je n’ai aucune objection à ce que des étudiants universitaires portent des signes de conviction, qu’ils soient religieux, politiques, sociaux ou écologiques », explique-t-il en entrevue téléphonique. « Ce qui est inacceptable, c’est qu’une institution publique par définition laïque, pro-scientifique et engagée dans un travail d’égalité entre les hommes et les femmes choisisse de normaliser un signe religieux misogyne dans une publicité », ajoute-t-il.

Symbole d’émancipation ?

Détentrice d’une maîtrise en droit international de l’Université du Québec à Montréal et autrice de l’essai Les malentendues, qui aborde les rapports entre féminisme et religion, Dania Suleman ne voit pas le hidjab du même oeil.

« À ce stade-ci, tellement de femmes [qui le portent] ont pu démontrer leur autonomie et le fait que ça peut être un symbole féministe. Pour certaines, ça a même été un médium vers leur émancipation personnelle », note-t-elle. Celle qui est désormais établie à New York rappelle que « n’importe quoi » peut devenir un symbole d’émancipation. « Certaines femmes portent le hidjab par choix, et ça leur permet de se sentir beaucoup plus libres. »

Les raisons de porter un hidjab varient et ne doivent pas être toutes mises dans le même panier, insiste-t-elle. « C’est volontaire [de la part de M. Lisée] de ne pas vouloir légitimer la parole des femmes qui portent le hidjab comme symbole d’émancipation féministe, ajoute-t-elle. Et c’est désolant, parce que ça continue à aliéner les femmes qui portent le voile. »

Elle considère que l’attitude de M. Lisée, un homme qui ne donne qu’« une seule signification au voile », est « complètement patriarcale et infantilisante, comme s’il se met en position d’autorité par rapport aux femmes musulmanes ».

M. Lisée affirme de son côté qu’il est féministe et que sa position l’est tout autant : « À chaque fois qu’une institution publique normalise le port du hidjab, ce qu’elle est en train de dire, c’est : “Une bonne musulmane, c’est ça, et si vous ne le portez pas, vous êtes une mauvaise musulmane.” »

Hidjab et diversité

 

Titulaire d’une maîtrise en droit de l’Université McGill et cofondatrice de l’agence d’impact social UENA, Shahad Salman ne s’étonne pas de l’opinion de M. Lisée par rapport à ce qu’elle considère comme un progrès sociétal. « Je vois son opinion comme un peu classique. Tant qu’on aura des innovations, on va avoir ce type de réactions », estime celle qui travaille notamment avec des organisations souhaitant rendre leur gouvernance plus inclusive.

Elle voit d’ailleurs la publicité de HEC d’un très bon oeil. « Aujourd’hui, en 2022, il y a de plus en plus d’institutions et d’entreprises privées qui font face à une pénurie de main-d’oeuvre et qui vont s’assurer d’aller diversifier et ratisser plus large dans leur bassin de candidatures. »

Miser sur la diversité ne se fait pas uniquement dans une optique économique, mentionne-t-elle. « On comprend que se connecter à une diversité de personnes, c’est bon pour l’institution et pour les personnes qui la composent. ».

Pour sa part, Jean-François Lisée croit fermement que HEC devrait retirer la publicité et en diffuser une autre avec « une femme qui ressemble à une Algérienne non voilée ». « Je pense que ce précédent est important, parce que dans le reste du Canada, c’est maintenant la norme ; la normalisation du hidjab comme symbole de la diversité », déplore-t-il.

HEC Montréal a décliné notre demande d’entrevue, mais sa conseillère principale en relation avec les médias, Émilie Novales, nous a fait parvenir une déclaration écrite. Celle-ci confirme que la femme dans la publicité est une « étudiante au parcours international » et que l’institution accueille « un nombre croissant d’étudiants internationaux » chaque année.

« Les futurs leaders en gestion que nous formons sont à même d’incarner l’idéal des valeurs de bienveillance, de tolérance et d’ouverture qui nous sont chères, et ce, partout dans le monde, écrit Mme Novales. Nous tenons à ce que tous les membres de notre communauté étudiante puissent être mis en valeur sur nos plateformes, reflétant toute notre diversité. »

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