Profilage racial à Repentigny: un enseignant noir a gain de cause face au SPVR

François Ducas, un enseignant noir qui avait été interpellé par deux policières du Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) alors qu’il conduisait sa BMW, a eu grain de cause devant le Tribunal des droits de la personne. La Ville de Repentigny et les deux femmes sont condamnées à lui verser la somme de 8000 $.
« Le profilage racial dont monsieur Ducas a été victime a porté atteinte à la sauvegarde de sa dignité et lui a causé un stress dont il porte toujours les marques, a souligné la juge Doris Thibault dans sa décision rendue le 20 juillet. Le Tribunal considère qu’une somme de 8000 $ compense adéquatement les préjudices subis. »
François Ducas, dont l’histoire avait été médiatisée, avait porté plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), qui a ensuite porté la cause devant le Tribunal des droits de la personne.
Le 8 décembre 2017, alors qu’il circule avec sa voiture pour rejoindre un élève effectuant un stage à Repentigny, il croise une voiture de police. Celle-ci fait demi-tour et le suit sur une distance de quelques kilomètres, avant que les policières n’activent les gyrophares. L’enseignant refuse alors de s’identifier, estimant être victime de profilage, ce qui mène à son arrestation, son menottage, une fouille et la remise de deux constats d’infraction.
« Le Tribunal est convaincu que les policières n’auraient pas fait demi-tour pour l’intercepter de façon aléatoire s’il avait été blanc, écrit la juge. Cette décision ne peut s’expliquer que par des stéréotypes, des biais inconscients. »
Joint par Le Devoir, François Ducas a réagi en affirmant que « les murailles du château se sont fissurées ». « Pour la première fois, Repentigny a été reconnue coupable de profilage racial devant le Tribunal », lance-t-il. Mais il estime que beaucoup de travail reste à faire pour que les choses changent réellement. « Il n’y a pas assez de conséquences pour les policiers, pense-t-il. Et quand on parle de biais inconscient, c’est comme si on disait que ce n’était pas de leur faute. J’ai de la misère avec ça. » Peu convaincu qu’il y aura des changements de fond, il a vendu sa maison à Repentigny et déménage à Montréal. « Je veux oublier Repentigny », laisse-t-il tomber.
Repentigny ne fera pas appel
La Ville de Repentigny n’a pas souhaité accorder d’entrevue. Dans une déclaration transmise au Devoir, celle-ci indique que « la Ville ne portera pas en appel ce jugement et continuera de concentrer ses efforts sur son plan d’action ».
« Depuis ce temps, la Ville et le SPVR ont investi le temps et les ressources nécessaires pour faire les choses adéquatement, afin de concrétiser des changements durables qui feront en sorte que l’ensemble de nos pratiques et de nos façons de faire soient exemptes de toutes formes de racisme et de discrimination en considération des droits de la personne et des principes énoncés dans la Charte », écrit la Ville.
Le jugement souligne notamment que « la mise en application par le SPVR de nombreuses mesures visant à adapter des pratiques policières exemptes de discrimination, le sérieux des mesures déployées auprès des recrues en ce qui concerne les biais inconscients, le profilage et la discrimination démontrent une remise en question en profondeur des pratiques policières et des mesures prises pour contrer le profilage racial ».
Dans un communiqué, la CDPDJ estime de son côté que cette décision est « une victoire importante dans la lutte contre le profilage racial et contre la stigmatisation des communautés noires ». « Intercepter systématiquement des personnes noires au volant sans aucun motif est malheureusement un phénomène qui continue à sévir et qui doit être éradiqué. Nous continuons à travailler étroitement avec toutes les parties prenantes pour changer les pratiques policières en profondeur », a déclaré la vice-présidente, Myrlande Pierre.