Quand doit s’arrêter la hausse des taux d’intérêt?

Après des hausses en mars, avril et juin derniers, les économistes prédisent que la Banque du Canada fera monter le taux directeur de 0,75% mercredi, pour atteindre 2,5%.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Après des hausses en mars, avril et juin derniers, les économistes prédisent que la Banque du Canada fera monter le taux directeur de 0,75% mercredi, pour atteindre 2,5%.

Après des hausses en mars, avril et juin derniers, les économistes prédisent que la Banque du Canada fera monter le taux directeur de 0,75 % mercredi, pour atteindre 2,25 %. Jusqu’où faudra-t-il aller pour combattre l’inflation ? Les avis divergent.

Certains économistes encouragent l’institution à poursuivre cette progression au-dessus de 3 %. C’est le cas de Steve Ambler, professeur de sciences économiques à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, qui prône une augmentation jusqu’à 3 % en septembre, puis jusqu’à 3,5 % en janvier 2023. Un de ses collègues du Conseil de politique monétaire de l’Institut C.D. Howe, Edward A. Carmichael, conseille même de se rendre à 4 % en juillet 2023.

« Les biens coûtent plus cher, donc il y a un pouvoir d’achat réduit pour les Canadiens. Et la valeur réelle de leurs placements est en train de s’éroder avec le temps », rappelle M. Ambler, justifiant l’importance d’agir contre l’inflation, qui a atteint 7,7 % en mai.

L’économiste explique que la hausse du taux directeur, qui guide les taux d’intérêt des institutions financières, a pour but de faire diminuer les prix en restreignant la demande pour divers produits. Les consommateurs y repenseront à deux fois avant de faire un emprunt ou un achat.

« Des ménages qui ont des hypothèques à taux variables devront faire face à des paiements d’intérêt plus élevés », rappelle M. Ambler.

Hendrix Vachon, économiste principal du Mouvement Desjardins, s’attend à une autre hausse de 0,25 % en septembre. « En octobre, on pense que la Banque du Canada va avoir assez d’arguments pour prendre une pause. On espère que ça serait assez pour que l’inflation amorce une tendance baissière », indique M. Vachon.

Ce dernier admet toutefois que le scénario pourrait changer et que la banque centrale pourrait continuer ses hausses de taux si l’inflation ne baisse pas assez rapidement.

Pas que des bienfaits

 

De son côté, le professeur d’économie à l’Université Laurentienne Louis-Philippe Rochon ne croit pas que la hausse du taux directeur aura les effets escomptés.

« Ça ne réglera rien. La hausse des taux peut avoir un impact sur l’inflation seulement si l’inflation est créée par une demande excédentaire. Or, ce n’est pas le cas », avance-t-il.

Il souligne que l’inflation actuelle est plus le résultat de variables internationales, comme les problèmes dans la chaîne d’approvisionnement, la guerre en Ukraine et le prix du pétrole.

En parallèle, la hausse des taux va « peser lourd sur les ménages qui sont endettés », déplore-t-il.

Un autre mot est aussi sur toutes les lèvres : la récession. La Banque Royale, notamment, a prédit une récession de courte durée en 2023. Ainsi, le ralentissement économique induit par la baisse de consommation pourrait engendrer un recul du produit intérieur brut (PIB) et une augmentation du chômage.

Économiste senior au Centre canadien de politiques alternatives, David Macdonald a remarqué que la hausse du taux directeur de la Banque du Canada n’a jamais réussi, dans son histoire, à faire diminuer l’inflation autant que l’institution le souhaite aujourd’hui.

« La promesse de la Banque du Canada est qu’elle peut augmenter les taux d’intérêt juste assez pour réduire l’inflation, sans aller trop loin et causer une récession. Elle espère trouver cet équilibre », explique M. Macdonald.

Or, les trois fois où l’inflation a diminué de 5,7 %, ce qui serait nécessaire aujourd’hui pour atteindre la cible de 2 % de la Banque du Canada, soit dans les années 1970, 1980 et 1990, le phénomène a été accompagné de récessions et de grandes pertes d’emplois.

« Est-il possible qu’elle réussisse cette fois-ci ? Oui. Mais si un pilote me disait qu’il avait tenté un atterrissage trois fois en 60 ans et ne l’avait jamais réussi, je ne voudrais pas être à bord de son avion », illustre-t-il.

M. Macdonald croit que le taux directeur devrait être arrêté à 2,5 % et que des mesures plus ciblées devraient être mises en place par les gouvernements pour limiter l’augmentation fulgurante de certains biens. Parmi celles-ci, il propose de réviser les règles d’obtention de prêts hypothécaires pour rendre l’investissement immobilier en série moins profitable, d’exercer un contrôle des loyers et de donner les moyens au Bureau de la concurrence du Canada d’enquêter sur la fixation des prix par les grandes entreprises, dont plusieurs ont vu leur profit augmenter depuis le début de la pandémie.



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