Les tout-petits pénalisés par la crise du logement

La hausse du coût de la vie et la rareté des logements forcent les familles à faire des choix déchirants qui ont un impact sur le développement de leurs enfants, rapporte l’Observatoire des tout-petits. Une forte proportion de parents québécois disent limiter leurs activités avec leurs enfants et doivent même réduire leurs dépenses pour la nourriture et les vêtements pour arriver à payer leur loyer.
Près de 8 parents sur 10 (79 %) affirment que la hausse des coûts liée à l’inflation a été un élément stressant pour eux dans la dernière année, indique un sondage commandé par l’Observatoire des tout-petits.
Et 4 familles sur 10 (36 %) craignent de ne pas pouvoir boucler les fins de mois et payer leurs factures. Cette proportion grimpe à 57 % chez les familles locataires, révèle le coup de sonde mené par la firme Léger.
Les parents locataires sont les plus durement touchés par l’augmentation du coût de la vie. Trois familles locataires sur cinq affirment avoir dû modifier leurs habitudes de vie à cause de la hausse du coût de la vie. Dans les foyers monoparentaux, cette proportion passe à 75 %.
Ces facteurs de stress nuisent à la capacité des parents de superviser le développement de leurs enfants, explique Félix-David Soucis, président de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.
« Si le parent n’est pas capable d’avoir du plaisir avec son enfant, il ne sera pas capable de créer un lien, et c’est ce lien qui favorise un bon développement. Le stress, et le stress financier, c’est ce que ça donne », résume-t-il.
L’indisponibilité des parents a également des effets sérieux sur le comportement de l’enfant, rapporte le psychoéducateur. Sur le plan émotionnel, l’apprentissage de bonnes pratiques sociales n’en est que plus complexe.
« La pandémie a fragilisé les familles »
Aujourd’hui, les trois quarts des parents locataires considèrent que trouver une habitation à prix raisonnable comporte plus d’obstacles qu’avant la pandémie, selon le sondage de l’Observatoire.
Au-delà de la difficulté à trouver un logement abordable, la question de l’espace est un autre obstacle avec lequel doivent composer les familles lorsque vient le temps de trouver un logement convenable. Ainsi, plus de 40 % des parents affirment que l’accès à un logis d’une taille suffisante est devenu un problème encore plus notable depuis la COVID-19. Le manque de pièces est le problème le plus souvent cité.
Une critique qui ne relève pas d’un simple caprice, surtout pour un enfant, avance M. Soucis. « Il faut voir le logement comme un outil pour le développement. Quand on n’a pas accès à suffisamment d’espace, cela peut provoquer de l’impulsivité. Avoir un environnement pour se calmer, même pour le parent, c’est très important. »
Manque de logements communautaires
La directrice générale de l’organisme montréalais Bâtir son quartier sonne elle aussi l’alarme : son organisme n’arrive plus à répondre aux demandes des familles qui cherchent un logement communautaire. « On a présentement une liste d’attente de 11 000 noms, c’est énorme ! » lance-t-elle au bout du fil. « Ce n’est que la pointe de l’iceberg, ajoute-t-elle. Ce n’est pas tout le monde qui vient s’inscrire sur une liste. Nos besoins sont beaucoup plus grands. »
Faute de financement, les projets de construction et de rénovation de logements se font de plus en plus rares, affirme-t-elle. À titre d’exemple, elle évoque le programme AccèsLogis qui, selon elle, « fonctionne avec les budgets de 2009 ».
Elle n’est d’ailleurs pas seule à constater un manque de soutien de la part du gouvernement.
Dimitri Roussopoulos, président de la Communauté Saint-Urbain, un projet pour transformer l’Hôtel-Dieu en logements communautaires, dénonce des promesses tombées dans l’oubli. Avec des plans architecturaux en main et des sources de financement déjà établies, il s’étonne de ne pas avoir reçu le feu vert administratif.
« Avant les dernières élections, tous les partis politiques, y compris la CAQ, s’étaient engagés à collaborer avec nous pour réaliser ce projet s’ils étaient élus. Mais depuis, silence total… »
Il espère relancer l’idée dès les prochaines élections provinciales et organisera à cet effet une assemblée publique en septembre. « Face à l’urgence de la situation, c’est difficile de comprendre ce mur gouvernemental inflexible qui ne répond pas aux besoins de façon constructive et efficace. »