La frustration perdure au sujet de la crise des passeports

Même si la file d’attente avait fondu devant le bureau des passeports du Complexe Guy-Favreau vendredi, l’exaspération était toujours présente parmi les citoyens qui espéraient encore pouvoir partir en voyage dans les prochains jours.
Jonathan et Suzanne prévoyaient de prendre l’avion lundi pour l’Europe avec leurs deux filles. Incapables d’obtenir le renouvellement du passeport de leur fille, ils se questionnaient vendredi sur la stratégie à adopter. Renoncer au voyage ou tenter jusqu’à la dernière minute d’obtenir le précieux document ?
« On a une grosse décision à prendre dans les prochains jours », a commenté Jonathan, qui s’était rendu au bureau du Complexe Guy-Favreau afin de comprendre comment le système fonctionnait. « On est un peu résignés », a indiqué sa conjointe, bien qu’ils ne soient pas encore prêts à jeter l’éponge.
Exceptionnellement, les fonctionnaires étaient en poste le 24 juin, jour férié, et le seront toute la fin de semaine afin de traiter d’urgence les demandes de passeport. Les bureaux ne seront cependant pas ouverts au grand public, et seules les personnes ayant rendez-vous pourront y accéder.
Face à la situation chaotique des derniers jours, le gouvernement fédéral a annoncé l’implantation d’un système de rendez-vous en priorisant les départs imminents.
Bruno El-Khoury n’a pas réussi à obtenir un rendez-vous, et les seuls disponibles en ligne étaient fixés à la mi-août. Il a dû annuler son voyage à Paris prévu pour le 22 juin, faute d’avoir pu obtenir son passeport. De passage au bureau des passeports du Complexe Guy-Favreau vendredi, il continuait d’espérer de pouvoir s’envoler au plus tard dimanche afin de participer à une formation à Paris lundi. Il a même envisagé de se rendre dans une autre province pour obtenir son passeport, mais y a finalement renoncé, jugeant que le succès n’était pas garanti.
« La ministre Gould a fait des excuses. Mais ce n’est pas en s’excusant qu’elle va régler la situation », a indiqué l’expert en management, qui a déploré la confusion dans les communications faites aux citoyens. « Quand il y a une telle crise, il faut que tout le monde ait le même message. »
Baisse prévue à la mi-août
Une autre voyageuse, en larmes, désespérait d’obtenir le passeport pour son enfant à temps pour le voyage de sa famille en Tunisie prévu lundi. Annuler le voyage la forcerait à devoir racheter des billets d’avion à un prix beaucoup plus élevé. « C’est stressant. Tellement que je ne suis pas capable de faire mes valises, a-t-elle dit. Mais je vais revenir demain, après-demain et lundi si nécessaire. »
Jeudi, la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, avait qualifié la situation à Montréal de « totalement inacceptable ». Elle avait alors annoncé que certains passeports seraient imprimés à Gatineau, où la capacité de traitement est plus grande, avant d’être acheminés à Montréal. Elle avait aussi fait valoir que 85 % des demandes déposées concernaient de nouveaux passeports, notamment pour des enfants, ce qui nécessite davantage de vérifications.
Vendredi, son cabinet a précisé que 500 rendez-vous avaient été pris durant la longue fin de semaine dans les trois bureaux de la région montréalaise.
Selon Yvon Barrière, vice-président exécutif de l’Alliance de la fonction publique du Canada au Québec (AFPC-Québec), la crise, qu’il attribue à une mauvaise planification, pourrait mettre du temps à se résorber. « Il devrait y avoir une baisse des demandes à la mi-août », croit-il.
Il relate que pendant la pandémie, les voyages étant interdits, les demandes pour des passeports avaient diminué. Les employés du Service des passeports qui ont pris leur retraite ou qui ont été mobilisés dans d’autres services n’ont pas été remplacés, ce qui fait en sorte qu’à l’heure actuelle, il manquerait environ 30 % d’employés, dit-il. Selon lui, Ottawa aurait dû anticiper la reprise des voyages et la vague de demandes de passeport. « Depuis quelques semaines, c’est vraiment de l’improvisation. »
En entrevue à Radio-Canada jeudi, la ministre Gould a précisé que le gouvernement ne serait pas en mesure de dédommager les voyageurs pour l’annulation des voyages et les pertes encourues.