Le quart des médecins de famille retraités ne sont pas remplacés

Malgré les imposantes listes d’attente pour l’obtention d’un médecin de famille, le ministère de la Santé du Québec s’est donné pour directive de ne remplacer que 75 % de ceux qui prennent leur retraite.
C’est ce qu’a révélé mardi un haut fonctionnaire du ministère, Martin Forgues, dans le cadre d’un procès en Cour supérieure.
Le ministère a pris cette décision, a-t-il dit, en suivant la recommandation de ses actuaires.
« Les actuaires nous demandent de tenir compte de 75 % des départs à la retraite », a déclaré le directeur général adjoint aux services de première ligne. « Si on avait un nombre plus élevé de médecins, on remplacerait 100 %. »
Le haut fonctionnaire témoignait dans le cadre de l’action judiciaire intentée par un médecin de Montréal, le Dr Mark Roper, contre le système utilisé par le gouvernement pour répartir les médecins de famille sur le territoire, les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM).
Selon le Dr Roper, la méthode de calcul des PREM génère des injustices et défavorise Montréal. Dans le secteur Faubourgs, Plateau-Mont-Royal et Saint-Louis-du-Parc, par exemple, les PREM de 2022 évaluaient qu’il y avait 21 médecins en trop, alors que le taux d’inscription de 61 % des patients « est le pire de la province », peut-on lire dans sa requête en injonction.
Nécessité pour les régions
Dans son témoignage, M. Forgues a quant à lui soutenu que l’abandon des PREM serait une catastrophe pour les régions. « On n’aurait plus de médecins en région », a-t-il dit, en soulignant que le modèle « vise à protéger les régions » parce que les médecins souhaitent tous travailler à Québec et Montréal.
Le haut fonctionnaire a en outre laissé entendre qu’il ne fallait pas donner trop d’importance à l’arrivée de nouveaux médecins de famille, parce que ces derniers prenaient en charge peu de patients en début de carrière.
Plus d’un million de Québécois figurent sur la liste d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF), selon des données du 31 mai.
Selon la Dre Amélie Desjardins-Tessier, qui assistait au procès, la cible de 75 % du gouvernement est d’autant plus faible que les médecins qui prennent leur retraite sont réputés avoir plus de patients que la moyenne. « Les plus vieux médecins qui prennent leur retraite, ils ont 4000 patients et plus, ça en prend quatre pour les remplacer », a fait valoir la cheffe de la table locale du Département régional de médecine générale de Montréal pour le secteur de Côte-des-Neiges–Métro–Parc-Extension.
Transfert vers le 450
Les PREM au Québec sont déterminés par le Comité de gestion des effectifs médicaux en médecine générale, qui est composé de représentants du ministère de la Santé et de la Fédération des médecins omnipraticiens.
Le ministre a toutefois le pouvoir d’ajuster les PREM de façon unilatérale par la suite. Ce qu’a fait cette année le ministre de la Santé, Christian Dubé, en transférant le tiers des postes de médecins de famille destinés à Montréal dans le 450, une décision qui avait suscité un tollé.
Le procès intenté par le Dr Roper doit se poursuivre mercredi avec les plaidoiries de son avocat, Julius Grey, et de l’avocate représentant le procureur général, Amélie Bellerose. La Cour est présidée par la juge Dominique Poulin.
Ce procès survient alors que le gouvernement a mis sur la touche son objectif d’attribuer un médecin de famille à au moins 85 % des Québécois. Le ministre Dubé souhaite plutôt garantir que les patients soient pris en charge par des groupes de médecine familiale (GMF).