Logements sociaux cherchent financement

La construction de dizaines de logements sociaux est menacée à Montréal faute de financement, et la Ville demande à Québec de mettre plus d’argent sur la table pour qu’ils puissent voir le jour.
Dans Parc-Extension, les travaux pour convertir une usine de peinture Bétonel en une trentaine de logements sociaux abordables devaient débuter plus tard cette année ou au début de l’année prochaine, explique au Devoir Emanuel Guay, chercheur associé au Comité d’action de Parc-Extension (CAPE), le comité logement du quartier, et qui collabore au projet.
« C’était très avancé, des dépenses avaient déjà été engagées dans ce projet », dit-il. Des architectes avaient été embauchés, et on comptait sur du financement public qui, finalement, pourrait ne pas se concrétiser.
Selon nos informations, des représentants du Service de l’habitation de Montréal ont fait une présentation la semaine dernière, et le projet, comme plusieurs autres, s’est vu attribuer un code de couleur rouge, qui signifie que le financement n’est pas attaché, faute d’argent.
Les deux tiers des logements étaient destinés à des familles, et le dernier projet de logement social à Parc-Extension remonte à 2015, souligne la coordonnatrice du CAPE, Amy Darwish.
« Il y a un besoin énorme dans le quartier. Beaucoup de locataires font face à des évictions et à des hausses de loyer abusives. C’est un projet qui a été accueilli avec énormément d’espoir », dit-elle. Elle estime que la faute revient à Québec, qui n’a pas versé assez d’argent. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre ou que ce soit annulé. C’est maintenant que les locataires de Parc-Extension ont besoin de logement social », ajoute-t-elle.
Plus d’argent réclamé
Dans un courriel envoyé au Devoir, Alicia Dufour, l’attachée de presse du cabinet de la mairesse de Montréal et du comité exécutif, précise que ce sont près de 3000 logements sociaux qui sont en développement dans les programmes AccèsLogis Québec et AccèsLogis Montréal. Les subventions pour le programme AccèsLogis Montréal proviennent de la Société d’habitation du Québec et de la Communauté métropolitaine de Montréal.
« Avec nos partenaires communautaires, nous travaillons d’arrache-pied sur les montages financiers et sur les sources de financement complémentaires qui permettraient de faire avancer les projets », écrit Alicia Dufour. « Alors que certains projets devraient bientôt pouvoir se réaliser, d’autres ne pourront avancer que si le gouvernement du Québec les finance à la hauteur de leurs besoins budgétaires », souligne-t-elle.
Elle insiste sur le fait que « la Ville n’a pas abandonné les projets en question ». « La volonté de voir ces projets sortir de terre est toujours bien présente, mais le financement du gouvernement du Québec est essentiel pour qu’ils se réalisent », dit-elle.
Elle ajoute que des sommes déjà allouées à Montréal pour débloquer les projets « ne peuvent être pleinement utilisées en raison de règles administratives de Québec ». « Nous sommes en discussion depuis déjà de nombreux mois afin que des assouplissements soient finalement appliqués par le gouvernement », dit-elle.
Québec a octroyé 30 millions de dollars à Montréal dans son dernier budget, sur un montant de 247 millions de dollars, qui doit permettre la livraison de 3500 logements sociaux et abordables au Québec par l’intermédiaire du programme AccèsLogis.
Avant de recevoir cette somme d’argent, la Ville avait évalué le manque à gagner à 265 millions de dollars pour les projets en cours de développement. Invité à réagir, le cabinet du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec (MAMH) soutient de son côté que « les 30 millions de dollars accordés à Montréal répondaient aux demandes de celle-ci ».
Montréal n’a pas été en mesure de préciser au Devoir combien de logements sociaux ont présentement besoin de financement.
Côte-des-Neiges
Dans Côte-des-Neiges, le comité logement affirme de son côté que deux projets totalisant plus de 150 logements ne sont plus considérés comme « prioritaires » par la Ville. « Nous sommes un arrondissement avec beaucoup de besoins », souligne Darby MacDonald, organisatrice communautaire de Projet Genèse.
Pour elle, ce n’est pas uniquement le gouvernement du Québec qui doit assumer la responsabilité du dossier. « C’est aussi un problème au niveau de Montréal, parce que la Ville a ciblé un quartier déjà marginalisé pour supprimer des projets, et c’est épouvantable », lance-t-elle.
Les logements sont destinés aux personnes sur les listes d’attente pour accéder à une habitation à loyer modique et aux personnes à faible revenu à risque de devenir itinérantes, précise-t-elle.
Elle voit mal comment il serait possible de les financer autrement. « C’est vraiment difficile parce qu’il y a beaucoup de restrictions sur la provenance du financement. Nos mains sont liées. L’argent doit venir de fonds publics, mais il n’y a plus d’argent disponible », dit-elle.
L’attachée de presse de la ministre du MAMH, Bénédicte Trottier Lavoie, affirme de son côté que, depuis l’Entente Réflexe Montréal, « ce sont 500 millions de dollars que le gouvernement du Québec a versés à la Ville pour l’habitation, et cette dernière peut utiliser ces sommes comme elle le souhaite à l’intérieur de ses programmes ».
On souligne que Québec a investi des « sommes colossales » en habitation et que le gouvernement a l’intention de « continuer à investir pour construire, partout au Québec, des logements sociaux et abordables ».
Des « centaines de nouveaux logements abordables » seront annoncés dans les prochaines semaines dans le cadre du Programme habitation abordable Québec, qui a été mis sur pied en février dernier. La construction de certains d’entre eux débutera cet été.