«Il y avait un danger de glissement imminent»

Québec pourrait déclarer l’état d’urgence à Saguenay dès lundi matin, où le risque d’un glissement de terrain a causé l’évacuation de plus de 70 ménages du secteur de La Baie. Une situation inquiétante pour les évacués, qui laisse entrevoir un long séjour loin de leurs résidences.
« Oui, ça va prendre un décret pour l’état d’urgence », a indiqué la ministre québécoise de l’Habitation et de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Andrée Laforest, lors d’une conférence de presse dimanche. L’émission d’un tel décret relève de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui était ce matin « tout à fait d’accord », selon la ministre.
La mairesse Julie Dufour a rappelé que beaucoup de travail reste à faire et qu’en attendant les résultats d’analyse, il est encore « beaucoup trop tôt pour prédire tout ce qui va se passer ».
« Tout peut se produire au moment où on se parle, nous n’avons pas de certitude », a prévenu lors de la conférence de presse le directeur des services de sécurité incendie et coordonnateur des mesures d’urgence de la municipalité, Carol Girard. Il y a «risque de mouvement de sol imminent », selon lui. La Ville prévoit aménager une digue pour stabiliser le sol et ainsi éviter de nouvelles évacuations.
Un « manque de cohésion »
Alex Gagnon, qui habite à deux rues du logement qui s’est effondré lundi, se préparait à aller se coucher lorsqu’un policier a débarqué dans sa maison familiale à 22 h samedi. « Il nous a confirmé qu’il y avait un danger de glissement imminent et qu’on était obligés d’évacuer pour 7 h ce matin », a-t-il résumé en entrevue au Devoir.
« C’était un petit peu la panique. Nous, on est six dans la maison, ma mère est invalide, en plus on a des animaux. On lui a demandé à plusieurs reprises [au policier] de confirmer “c’est-tu vraiment vraiment vrai ?” Puis, c’était vraiment vrai, c’était ça, là. »
La nouvelle a été particulièrement difficile pour ses parents, qui habitent dans la maison depuis 25 ans. « Mon père est quelqu’un de très stoïque dans la vie, mais je vois que ça l’affecte énormément », a remarqué celui qui travaille pour le Carrefour jeunesse-emploi du Saguenay.
La famille craint pour les souvenirs qu’elle n’a pas eu le temps d’empaqueter, d’autant plus qu’une rumeur court dans l’arrondissement que des voleurs profitent de l’abandon des maisons pour aller les piller.
Malgré la rencontre d’information organisée pour les familles évacuées dimanche matin, M. Gagnon déplore un « manque de cohésion » dans les discours et les consignes. Ce qu’il sait par contre pertinemment, c’est qu’il n’est « pas près de retourner » chez lui.
Lors du glissement de terrain lundi, le père d’Alex Gagnon avait questionné les pompiers et les ingénieurs présents sur place, leur demandant si la famille était en danger. « Ils nous avaient dit non, c’est beau, la situation est sous contrôle », raconte Alex, qui dit avoir été « complètement pris de court » face à ce soudain changement de directives.
Le clan Gagnon est maintenant logé à l’Auberge des battures, à La Baie. « On est bien présentement, moi je me sens en sécurité », a confié Alex. Tout est pris en charge par la Croix-Rouge, mais seulement pendant trois jours, « en attendant un décret du gouvernement ».
Trente logements ont été libérés avec l’Office municipal de l’habitation de Saguenay afin d’héberger les sinistrés. Ces foyers temporaires sont situés à La Baie, mais aussi à Saint-Félix et dans l’arrondissement de Chicoutimi. D’autres pourraient s’ajouter à l’avenir, a précisé la mairesse Dufour, comme toutes les possibilités sont étudiées, « du terrain de camping à la résidence pour personnes âgées, à la résidence pour étudiants ».
Puisque les résidences évacuées ne pourront pas être réintégrées de sitôt, Mme Dufour prévoit la nécessité d’« un hébergement à moyen terme ; on parle de semaines et de mois ». « Nous travaillons avec la base militaire, la Croix-Rouge, les propriétaires privés » et le gouvernement du Québec pour gérer la crise, a-t-elle assuré.
Un programme de dédommagement prévoit une indemnisation maximale de 260 000 $ pour les citoyens qui devront dire définitivement adieu à leur maison. Mais dans un contexte de surchauffe du marché immobilier, cette somme risque pour plusieurs d’être bien en deçà de la valeur marchande de leur propriété.
Avec La Presse canadienne