Des militantes contre l’exploitation sexuelle ont perturbé les festivités du Grand Prix

Lunettes 3D et pop-corn à la main comme au cinéma, les militantes se sont assises au coin des rues Crescent et Sainte-Catherine.
Adil Boukind Le Devoir Lunettes 3D et pop-corn à la main comme au cinéma, les militantes se sont assises au coin des rues Crescent et Sainte-Catherine.

Des militantes contre l’exploitation sexuelle ont perturbé les festivités du Grand Prix samedi, scandant « acheter du sexe n’est pas un sport, acheter du sexe est un crime » devant des passants interloqués.

Des scènes du film cru et dérangeant Noémie dit oui, qui fait descendre dans les enfers de la prostitution, étaient diffusées sur grand écran.

Le long métrage raconte l’histoire d’une adolescente de 15 ans qui, après avoir fugué de son centre jeunesse, finit par accepter de se prostituer lors du week-end du Grand Prix. Une décision qu’elle finira par regretter amèrement.

« Malheureusement c’est une histoire qui est assez fréquente, déplore la réalisatrice, Geneviève Albert. C’est-à-dire que plusieurs filles font leur entrée dans la prostitution pendant le Grand Prix parce qu’il y a tellement de demande en services sexuels qu’il y a beaucoup d’offre à combler », développe celle qui a organisé l’action avec la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle.

« Comme le Grand Prix fait rien pour sensibiliser sa clientèle à la prostitution, bien moi, j’ai décidé qu’on allait s’inviter puis qu’on allait venir dans cette artère qui est au coeur des festivités », ajoute-t-elle.

Attention, « ce n’est pas tout le monde qui est client, ce ne sont pas tous les hommes, mais c’est sûr qu’il y en a parmi nous en ce moment », lâche Geneviève Albert. « Donc l’idée, c’était d’aller à leur rencontre ».

« Faire la part des choses »

« Moi je ne vais pas acheter des filles. Je marche, je regarde les voitures et je rentre chez moi », commente rapidement Djamal Abide, qui se dit « sensible à la cause parce qu’[il a] deux filles. »

Matthew, lui, s’est longuement arrêté pour observer la scène. « Je suis content que [ce genre d’action militante] ait lieu pour sensibiliser les gens et faire réfléchir à deux fois sur cet événement ».

« Ça me fait immensément plaisir que mon film soit le déclencheur de discussions autour de la prostitution, puis peut-être même de prises de conscience. C’était un peu ça l’idée », a réagi Mme Albert.

L’enseignant de Colombie-Britannique n’arrive toutefois pas à trancher pour dire s’il faudrait annuler l’événement. Selon lui, ce sont les organisateurs du Grand Prix et le gouvernement qui devraient sensibiliser les spectateurs. Les pilotes, qui sont « les idoles de tellement de monde » auraient également leur rôle à jouer.

Anis s’est lui aussi arrêté pour regarder la vingtaine d’activistes, parmi lesquels étaient présents les acteurs principaux du film. « Je suis fan de voiture, mais pas de tout ce qu’il se passe [au Grand Prix]. On peut faire la part des choses », répond-il lorsqu’on lui demande si l’enjeu teinte sa passion pour l’événement.

« Changer de lentille »

Si la réalisatrice n’a rien « contre les courses de voitures en tant que telles », la survivante militante Valérie Pelletier estime, quant à elle, que la culture de l’événement sportif « est fortement associée à une marchandisation du corps des femmes. Ça fait pas longtemps que le Grand Prix s’est engagé à arrêter de prendre des pitounes pour faire la présentation des chars. »

Mme Pelletier en a surtout marre que les gens se disent que la prostitution « peut être un choix comme un autre. Il faut arrêter de parler des femmes, il faut parler du droit des hommes de nous acheter. Les gens vont te dire que t’es “putophobe” ou que tu dis aux femmes quoi faire avec leurs corps, mais il n’est pas là le vrai débat. […] Moi je l’ai été la supposée pute heureuse et consentante puis, regarde, je suis scrap pareil. ».

Celle qui était dans l’industrie du sexe il y a vingt ans estime qu’il y a encore « un gros travail à faire. » Cela se confirme lorsqu’on entend les paroles de certains passants, soupirant un « bon, bon, bon » ou chantant joyeusement « olé, olé, olé, olé » devant les militantes.

« On est conscientes que c’est un combat de longue haleine », résume Valérie Pelletier. Il aura suffi de s’éloigner à quelques rues pour voir un homme, visiblement dans la cinquantaine et fièrement coiffé d’une casquette du Grand Prix, interpeller en anglais une jeune inconnue. « Hé, jolie fille, viens par ici. »

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