«Son but, c’est de me détruire»

« Il ne me laisse jamais tranquille. Ça n’arrête jamais. Son but, c’est de me détruire », dit Laura* en évoquant la violence psychologique qu’elle dit subir depuis cinq ans de la part de son ex-mari.
Le 3 novembre 2017, Laura vit un épisode de violence conjugale qui mène le père de ses enfants à plaider coupable à une accusation de menace de mort.
Cinq jours plus tard, elle dépose une demande de divorce à la Cour supérieure. Une procédure qui l’entraîne dans une spirale de harcèlement.
Au fil des mois, Laura reçoit cinq mises en demeure rédigées par son ex-mari, qui l’accuse notamment de fraude et d’avoir comploté pour obtenir un faux diagnostic de choc post-traumatique. Des photos de la résidence de Laura prises de jour comme de nuit, des captures d’écran des réseaux sociaux de Laura et des photos d’une de ses ex-fréquentations sont reproduites dans les mises en demeure. Plusieurs personnes de son entourage, dont son médecin, son patron et son avocate, reçoivent aussi des mises en demeure.
« Je suis brûlée. Il veut tout le temps maintenir mon niveau d’anxiété élevé », s’indigne Laura, qui dit souffrir de crises d’angoisse.
Plaideur quérulent
Pour la demande de divorce, l’homme se représente seul au tribunal. Là aussi les procédures se multiplient, au point où le juge Pierre Labelle, de la Cour supérieure, déclare l’ex-mari plaideur quérulent. Dans son jugement rendu en août 2018, le magistrat écrit que « les demandes du défendeur ont toutes été rejetées car frivoles, sans fondement, inutiles et informes visant à discréditer l’autorité du Tribunal et à épuiser [Laura] ».
L’homme est condamné à payer 12 500 $ à Laura « pour compenser les honoraires extrajudiciaires additionnels occasionnés par ce comportement fautif ». Une somme que Laura n’a jamais reçue, indique son avocate, Me Annick Gagnon-Doucet. « Son ex-mari n’a jamais non plus versé volontairement de pension alimentaire », dit-elle.
Le juge Labelle note à cet égard que l’homme a abandonné plusieurs emplois pour ne pas payer de pension alimentaire. « Il a même riposté à une ordonnance de paiement d’une pension alimentaire en quittant son emploi dans les heures suivant cette ordonnance », écrit-il.
Pendant ce temps, les frais d’avocat de Laura continuent de gonfler. À ce jour, celle-ci a déboursé plus de 75 000 $ en honoraires. « Je me retrouve dans une situation financière précaire pendant que lui [qui se représente seul] continue la pression avec les procédures judiciaires », dénonce-t-elle.
Une aberration du système de justice, estime-t-elle. Tout comme le fait que c’est son ex-mari — qui a plaidé coupable à une accusation de menace de mort à son endroit — qui l’a interrogée en Cour supérieure et à la Chambre de la jeunesse pour les procédures de divorce et pour la garde des enfants.
Plusieurs victimes
Au bout du rouleau, Laura a porté plainte en 2020 contre son ex-mari pour harcèlement. Le 31 mai 2022, le juge Claude Lachapelle, de la Cour du Québec, a déclaré ce dernier coupable d’avoir harcelé Laura du 16 au 28 juillet 2020, notamment en lui envoyant des textos sans passer par le cahier de communication mis en place par la DPJ. Dans son jugement, le magistrat indique que l’homme a aussi communiqué avec Laura en utilisant un numéro inconnu (après que le sien eut été bloqué). L’utilisation du surnom qu’il donnait à son ex-conjointe l’a trahi.
Un modus operandi qu’il a utilisé avec au moins une autre femme. Le 26 mai 2022, le juge Gianni Cuffaro, de la Cour municipale de Montréal, a déclaré le même homme coupable de harcèlement envers une autre ex-conjointe pour la période s’étirant du 31 octobre 2019 au 1er septembre 2020.
Dans son jugement, le magistrat note que la dame a dû bloquer une cinquantaine de numéros de téléphone et de comptes de messagerie que son ex-conjoint utilisait pour tenter d’entrer en communication avec elle. « Il s’agit d’un individu qui va ignorer tous les signes de détresse psychologique de la victime dans l’unique but de répondre à ses propres besoins », mentionne le juge Cuffaro.
*Un prénom fictif est utilisé pour protéger l’identité de la femme qui témoigne.
Avec la collaboration d'Améli Pineda
Si vous êtes victime de violence conjugale, vous pouvez appeler la ligne d’urgence de SOS violence conjugale au 1 800 363-9010.
Si vous êtes victime de violence sexuelle, vous pouvez contacter un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) près de chez vous. Cliquez ici pour en voir la liste ou appelez la ligne Info-aide violence sexuelle au 1 888 933-9007.