Plaidoyer pour l'inclusion des proches dans les soins aux personnes suicidaires

Photo: Darwin Doleyres Au fil des ans, des artistes ont laissé leur trace sur les murs de Montréal dans le cadre de Mural. Pour le 10e anniversaire du festival, «Le Devoir» présente une édition tapissée d’art urbain. Sur cette photo, la murale de l’artiste Escif, au coin de la rue Saint-Dominique et de la rue Barré.

Le frère de Mélanie Gélinas s’est donné la mort alors qu’il était hospitalisé en psychiatrie en 2018. Elle lance un cri du cœur pour une meilleure inclusion des familles dans le traitement des personnes suicidaires, dans la foulée de son passage cette semaine aux audiences publiques du coroner sur la thématique du suicide.

« Les gens suicidaires ne s’aiment plus, mais il y a des gens qui les aiment encore, et il faut les mettre en contact avec eux », insiste Mélanie Gélinas, dans une entrevue accordée au Devoir. La femme de 46 ans a pu participer mardi à la portion des recommandations et représentations de l’enquête publique sur le suicide, même si le volet factuel — qui s’est terminé en octobre dernier — ne portait pas sur la mort de son frère. Il faut inclure « les grandes sœurs » dans le traitement des personnes suicidaires, et ce, malgré les enjeux de confidentialité qui surviennent lorsqu’un patient refuse que l’on contacte sa famille, estime-t-elle.

« J’aurais aimé faire partie de la solution, parce que j’avais des choses à dire », fait valoir Mélanie Gélinas. Mais ça n’a pas été le cas. Son frère, Jean-Sébastien Gélinas, s’est suicidé en juillet 2018 dans sa chambre de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal. Au cours des six mois précédant sa mort, l’homme de 40 ans avait été hospitalisé à cinq reprises, la dernière fois pour une tentative de suicide.

Mardi, des membres de familles endeuillées ont pris la parole devant la coroner Me Julie-Kim Godin pour proposer des pistes de solution afin d’éviter d’autres drames. L’enquête publique sur la thématique du suicide devrait se poursuivre jusqu’au 10 juin, au palais de justice de Trois-Rivières.

Selon Mme Gélinas, les hôpitaux psychiatriques doivent aussi traiter les patients suicidaires avec dignité, en s’intéressant à leur vie « avant leur crise ». Son frère, qui avait « mille projets », aimait la photographie et les chiens, raconte-t-elle. « Mais c’est comme si tout ce qu’il était comme individu sensible, on n’en a pas tenu compte dans le cadre de son traitement », déplore-t-elle.

Ne pas « répéter l’histoire »

Mme Gélinas souhaite aussi que les hôpitaux psychiatriques « lisent mieux » les dossiers médicaux antérieurs des patients, afin de repérer « les récurrences et de s’en servir ». Lorsque son frère a été hospitalisé pour la première fois à 19 ans, il était angoissé par rapport aux études et avait peur de l’échec, raconte-t-elle. En 2017, quelques mois avant sa mort, Jean-Sébastien Gélinas avait échoué à l’examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, soulève-t-elle.

Prendre en compte les antécédents familiaux est aussi essentiel, poursuit Mme Gélinas. « L’historique du patient et de sa famille peut aider à comprendre un désordre et sauver des vies », souligne-t-elle.

Les familles endeuillées devraient aussi pouvoir valider et corriger au besoin les informations inscrites dans le rapport du coroner, selon Mélanie Gélinas. Cela permettrait aux proches de faire leur deuil « avec la conviction que l’histoire ne se répétera pas sans fin », a fait valoir Mme Gélinas.

Une inclusion à faire

Il y a encore beaucoup de travail à faire pour mieux faire participer les familles dans la prévention du suicide au Québec, selon Jessica Rassy, infirmière et professeure agrégée à l’École des sciences infirmières de l’Université de Sherbrooke. Il faut faire en sorte d’inclure les proches dans les soins aux personnes suicidaires,« peu importe le milieu et le contexte », souligne-t-elle en entrevue.

Les défis liés à la confidentialité ne devraient pas freiner les efforts pour inclure les familles dans les soinsdes personnes suicidaires, soulève Mme Rassy. « Au contraire, il faut se rappeler que la famille et les proches contribuent de façon significative au filet de sécurité qui garde ces personnes en vie, poursuit-elle. D’où l’importance de leur offrir davantage d’aide et d’accompagnement. »

Au sujet de la possibilité d’assouplir les règles de confidentialité pour mieux prévenir le suicide, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a dit vouloir attendre les conclusions de la coroner avant de se prononcer.

L’enquête publique sur la thématique du suicide est présentement dans sa dernière ligne droite. En septembre 2019, l’enquête avait été ordonnée par la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary, à la suite des décès de Mikhaël Ryan, Joceline Lamothe, Suzie Aubé, Jean-François Lussier, Marc Boudreau et Dave Murray.

Avec Isabelle Porter et La Presse canadienne

 

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