Intervention policière à Québec pour avoir été seins nus au parc

Éloÿse Paquet Poisson entendait passer dimanche dernier comme la plupart des gens qui étaient en congé : sous le soleil, à se reposer et faire une activité qui lui plaît — dans son cas, c’est le macramé. Elle a choisi de donner suite à cette envie au jardin Jean-Paul-L’Allier dans l’arrondissement Saint-Roch à Québec avec ses deux rats, Phili et Pouki. Sauf que son après-midi ne s’est pas avéré aussi calme qu’anticipé.
À l’instar de ses comparses de parcs masculins, la femme de 21 ans était sans chandail. Une réalité qui a choqué un citoyen qui a déposé une plainte auprès de la police, a pu confirmer David Poitras, sergent aux communications du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ). En réponse à cette demande, deux policiers seraient arrivés sur les lieux. Après une dizaine de minutes d’observation au loin, l’un des deux est venu lui demander de se rhabiller, ce à quoi Éloÿse a refusé d’obtempérer, connaissant pleinement ses droits.
Au Québec comme au Canada, il est légal pour une femme comme pour un homme de ne pas se vêtir le haut du corps dans un endroit public tel un parc, tant que cela n’a rien de sexuel et qu’il est justifiable de le faire. Dimanche dernier, la météo permettait donc pleinement de s’aérer le dessous des seins, avec 26 °C.
À partir de ce moment du récit, les versions diffèrent. Selon la police, un homme s’est interposé, avant de se mettre « à crier et à être agressif envers les policiers ». C’est à ce moment, et afin de le calmer, que du renfort est arrivé. Au total, quatre policiers se trouvaient au parc.
Dans la version d’Éloÿse que l’on peut retrouver en ligne sur son Facebook personnel, ce sont plutôt cinq policiers dans le cadre d’une seconde intervention qui l’auraient encerclée afin de lui demander les raisons derrière son refus, ce à quoi la barista a répondu connaître ses droits. À cette réponse, l’un d’eux aurait été surpris et aurait dit : « Comment ça se fait que tu connaisses ces règlements-là toi ? », trouvant surprenant qu’elle soit au courant. Il aurait par la suite ajouté qu’ « en tout cas, on n’a pas le droit de te donner d’amende, c’est vrai. Techniquement, c’est légal. »
Au bout du téléphone, Éloÿse met l’accent sur le mot « techniquement » alors qu’elle me raconte son histoire. « C’est comme s’il avait envie de m’en donner une. Mais c’est la réalité, c’est la loi, c’est légal », se justifie-t-elle. « Pourquoi était-il surpris que je connaisse la loi ? », demande-t-elle.
Puis c’est à ce moment, preuve vidéo à l’appui, qu’un homme s’est levé et a demandé aux policiers : « Allez-vous m’arrêter moi ? ». Cela aurait enflammé certaines passions au parc, puisque des citoyens se sont alors mis à scander « Le pouvoir aux femmes ! » et « Fuck the police ». Les policiers seraient alors repartis, sans donner d’amende à quiconque.
Apeurée
Selon David Poitras, l’entièreté de l’intervention auprès de la jeune femme s’est bien passée et tous ont été « très courtois ». Le sentiment perçu par Éloÿse n’est pas exactement le même, alors qu’elle dit s’être sentie intimidée par les hommes qui n’avaient pourtant rien à lui reprocher.
« Pourquoi envoyer cinq hommes ? Ça aurait été le minimum d’amener une intervenante », indique celle qui ne se sentait pas en sécurité. « Je me suis vraiment sentie attaquée personnellement dans mon dimanche après-midi tranquille. Je me sentais stressée, j’étais anxieuse et j’avais peur », explique Éloÿse Paquet Poisson qui a vu ces événements comme une attaque sexiste.
L’adrénaline et la volonté de montrer le bien-fondé de sa position lui ont permis de tenir debout et de ne pas se rhabiller, explique celle qui se promène seins nus depuis déjà un an, au parc et à la piscine, lorsque la chaleur pèse.
Et c’est avant tout la volonté d’informer amis et famille qui a poussé la diplômée en bioécologie à publier son récit sur Facebook. Ça, et la fierté de s’être tenue debout face à une injustice sexiste. Il n’était pas question de rabaisser le SPVQ, bien que certaines phrases de son statut aient cet effet.
Celui-ci est rapidement devenu viral, avec plus de 2600 j’aime, 400 commentaires et près de 900 partages. Dans les commentaires, on lit du soutien et de l’amour, mais aussi de la haine et de la violence sexiste une fois le statut plus populaire. Éloÿse Paquet Poisson, qui a indiqué ne pas s’être attendue à tant de partages, mentionne qu’elle fait fi des commentaires blessants.
« Tout ce que je voulais [accomplir avec mon statut], c’était dénoncer la situation, informer les gens sur leurs droits et ouvrir un dialogue sur le sujet », explique la passionnée de macramé qui souhaite que ses seins ne soient un jour plus hypersexualisés.