La planification du transport en commun doit changer de trajectoire, selon le ministère des Transports

« Un style de gestion brusque et une opacité organisationnelle » qui posent « de véritables obstacles » pour le progrès du transport en commun dans la région de Montréal. C’est le dur constat que pose le ministère des Transports envers l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans un rapport déposé mercredi à l’Assemblée nationale. La jeune organisation assure en retour qu’elle donnera un coup de volant pour se remettre dans le droit chemin.
L’ARTM a été créée en 2017 pour « planifier, organiser et financer » le transport collectif dans la région de Montréal. Or, depuis sa mise en service, les sociétés qui opèrent le transport en commun observent « un manque de transparence », « une perte de proximité et de suivi effectué avec les municipalités » et « une collaboration parfois difficile » avec « l’Autorité ».
Ce constat émerge de consultations avec les directions des services de transports concernés, des maires de Laval, Longueuil, Montréal, Repentigny et Varennes, de même qu’auprès de 82 municipalités entourant l’île de Montréal.
Surtout, l’ARTM outrepasse son mandat et a commencé à opérer lui-même certains services, relève le rapport.
Les navettes fluviales en un bel exemple, fait remarquer Michel Veilleux, directeur général du Réseau de transport de Longueuil (RTL). « Je ne comprends pas pourquoi l’ARTM est venu se mêler de ça. On pourrait dire que c’est un projet pilote, mais l’humain étant ce qu’il est, on a tendance à aller chercher des compétences et à les garder ensuite », indique-t-il en entretien au Devoir.
Ne doutant pas de la « bonne foi » des administrateurs, il est tout de même d’avis que les sociétés de transports doivent « opérer » les autobus, les trains et les traversiers, tandis que l’organisme planificateur doit se contenter de planifier.
« On a vu tout de suite le poids que [l’ARTM] a pu prendre dans le dossier du REM, illustre M. Veilleux. Il était absent de la planification, mais lorsque le gouvernement l’a mandaté, il y a eu vraiment une remise en question. Sur les grands enjeux de transports en commun, ils ont une dominance vraiment importante. »
« Cependant, de nombreux intervenants sont aussi venus à la défense de l’ARTM en ce qui a trait au flou concernant son rôle vis-à-vis du ministère des Transports et de CDPQ Infra », souligne par ailleurs le rapport.
Le ministre des Transports, François Bonnardel, a insisté sur ce point, lorsqu’invité par Le Devoir à commenter le rapport. « Je m’attends à ce que des changements soient apportés dans les façons de faire. […] Il faut un recentrage de l’ARTM sur son rôle de planification stratégique. »
« Ceci dit, l’ARTM est une jeune organisation nécessaire pour la planification stratégique du transport en commun. Nous ne remettons pas en cause l’existence de l’organisation », a-t-il précisé.
Une redondance qui ne mène nulle part
Les sociétés de transports en commun ont également dénoncé « un processus de reddition de comptes jugé lourd ». Elles doivent non seulement passer par le mécanisme de contrôle de leur conseil d’administration, mais également auprès de celui de l’ARTM.
Le rapport conclut donc que « [le] leadership [de l’ARTM] semble plutôt mener vers une démobilisation et un désengagement ».
Dans une déclaration écrite au Devoir, Benoît Gendron, le directeur général de l’ARTM, assure avoir « livré la marchandise » et qu’il entend collaborer avec Québec « pour la suite des choses ».
« Rallier les acteurs de la mobilité du monde municipal, les élus, les organismes publics de transport en commun, la Communauté métropolitaine de Montréal, la CDPQ-Infra, le ministère des Transports, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation et la société civile est un défi de tous les jours, indique-t-il. Nous prenons acte des recommandations du rapport et agirons en conséquence. Il sera également nécessaire d’assurer une compréhension commune des rôles et responsabilités de chacun. »
Les « astres alignées » pour un changement de cap
Un nouveau président entrera en poste sur le conseil d’administration de l’ARTM d’ici quelques jours. Patrick Savard entrera en poste le 31 mai prochain après avoir passé 8 ans comme directeur général de la ville de Longueuil.
« Il y a comme un alignement des astres pour que le dépôt du rapport et l’arrivée du nouveau président puissent donner un nouvel élan à l’Autorité », espère Michel Veilleux du RTL.
Même espoir pour le directeur de la Société de Transport de Laval (STL), Guy Picard. « La STL est confiante que le nouveau président du conseil d’administration de l’ARTM, Monsieur Patrick Savard, va prendre acte des recommandations du rapport du ministre et mettra en place les mesures nécessaires pour assurer le succès de la nouvelle gouvernance en transport collectif. Nous l’assurons de notre pleine et entière collaboration pour opérer ce recentrage du mandat de l’ARTM », a-t-il partagé dans un communiqué.