«Il y aura des sanctions» pour la destruction du Domaine-de-l’Estérel, promet Québec

Québec s’affaire à « monter un dossier » au sujet de la démolition récente du Domaine-de-l’Estérel, et la ministre de la Culture, Nathalie Roy, s’engage à ce que la mise à terre de ce joyau de l’architecture moderne du Québec ne reste pas sans conséquences.
« Nous montons un dossier qui sera transféré au DPCP, au Directeur des poursuites criminelles et pénales, et nous allons appliquer la loi », a lancé la ministre Roy au Salon bleu mercredi. Mais « je ne vais pas m’ingérer dans le judiciaire », a précisé l’élue, tout en promettant néanmoins qu’« il y aura des sanctions ».
« Absolument ! » a-t-elle ensuite lancé dans les couloirs du parlement lorsqu’un journaliste lui a demandé si elle souhaitait des pénalités. « Nous espérons que la loi soit appliquée. Ce sera un juge qui tranchera et qui [imposera] les sanctions en conséquence. Mais on va appliquer la loi », a-t-elle aussi affirmé.
L’élue avait auparavant été pressée de questions de la part de la députée libérale Christine St-Pierre. « La loi permet [à la ministre] d’aller devant la Cour supérieure pour demander une ordonnance pour que ça soit rebâti. Elle doit le faire, c’est son devoir de le faire, c’est elle qui doit protéger le patrimoine culturel québécois », a lancé la porte-parole de l’opposition officielle en matière de culture lors de la période des questions.
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Mme St-Pierre faisait référence à la Loi sur le patrimoine culturel. Celle-ci prévoit que la ministre peut se tourner vers la Cour supérieure pour « faire exécuter » les travaux requis afin qu’un bien soit conforme aux conditions que la ministre « aurait pu imposer si une demande d’autorisation lui avait été faite conformément à [la] loi, pour remettre en état les biens ou pour démolir une construction ».
De l’avis de Mme Roy, cette disposition législative ne lui permet pas d’exiger la remise en état du Domaine-de-l’Estérel. « Le droit à la reconstruction n’existe pas », a-t-elle insisté. La loi prévoit en revanche des « sanctions majeures » dépassant le million de dollars pour « les personnes qui contreviennent [à la loi] et qui s’attaquent à un bâtiment classé, comme c’était le cas avec l’Estérel », a souligné la ministre.
Des travaux sans surveillance
Le Domaine-de-l’Estérel a été détruit le 13 mai dernier malgré son statut patrimonial. De style Art déco, l’ensemble avait été érigé par milliardaire belge Louis Empain entre 1936 et 1937. Son propriétaire souhaitait en démolir la partie arrière et avait obtenu l’approbation du ministère de la Culture et des Communications pour le faire. Or, tout le bâtiment est finalement tombé sous le pic des démolisseurs, dans le cadre de travaux dont le manque de supervision a été dénoncé par des architectes et un groupe de défense du patrimoine.
« Malheureusement, a déploré Christine St-Pierre, le ministère de la Culture n’avait pas cru bon de dépêcher des inspecteurs pour surveiller les travaux. On parle d’un acte délibéré. » La députée libérale a exigé de la ministre qu’elle pose « des gestes concrets » dans ce dossier, non sans la taxer d’être « la championne des démolitions au Québec ».
La ministre Roy a dit avoir été informée de la démolition du Domaine-de-l’Estérel « par texto ». « Mon sang a fait trois tours, c’est absolument scandaleux, c’est révoltant. Ça va à l’encontre de la Loi sur le patrimoine culturel », a-t-elle lancé. Elle a ajouté que la destruction du bâtiment contrevenait en outre à « des règlements municipaux », et ce, « parce que c’est une démolition sauvage, illégale, sans permis de la municipalité, sans l’autorisation de la ministre ».
Dans les mois qui ont précédé la démolition du bâtiment, le promoteur immobilier qui possédait le Domaine-de-l’Estérel, Olymbec, a acquis les terrains du Club de golf Estérel pour la somme de 4,7 millions de dollars, ainsi que d’autres terrains du secteur. Dans ce secteur de villégiature parsemé de résidences huppées, de tels espaces sont convoités depuis des années par plusieurs groupes immobiliers qui souhaitent y concrétiser leurs projets.
Avec Alexandre Robillard