Une tempête qui laisse de grandes cicatrices

Des employés d'Hydro-Québec travaillant à pied d'œuvre pour réparer une ligne tombée à Sainte-Anne-des-Plaines
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Des employés d'Hydro-Québec travaillant à pied d'œuvre pour réparer une ligne tombée à Sainte-Anne-des-Plaines

La tempête qui a tout balayé sur son passage entre Windsor et Québec samedi soir a fait au moins dix morts, neuf en Ontario et un au Québec. Cet orage de type rare a ravagé des centaines de résidences et privé des centaines de milliers de foyers d’électricité.

André Lanctôt entassait, lundi, les débris éparpillés sur son terrain et rafistolait son toit arraché par la tempête de samedi dernier. De sa demeure de Sainte-Anne-des-Plaines, au nord de Montréal, il explique comment il a vu s’approcher la tempête dans le champ devant chez lui.

« Ça a commencé, il faisait noir, mais pas tant que ça. […] Puis, j’ai vu une espèce de nuage opaque brun, au ras du sol, de la couleur de la terre, qui était  rempli justement de terre. Ça s’en venait vite. D’un coup, tous mes meubles de patio ont été soulevés et sont partis au vent en même temps. Je capotais. »

Sa fille, partie quelques minutes plus tôt de chez lui, l’appelle alors, paniquée. La voiture devant elle vient de se renverser, et les poteaux électriques s’effondrent un à un aux alentours.

Tous finalement sains et saufs, ils s’en sortent avec une grande peur et un été de rénovation devant eux. « On est habitués aux coups de vent, on est dans la plaine. Mais je n’ai jamais vu ça aussi fort. Le son que ça faisait. C’était épeurant. »

La tempête a laissé des cicatrices bien visibles dans le voisinage. Non loin, le silo de béton de Pierre Chaumont a été soufflé sur le toit de sa grange, qui a ainsi été partiellement détruite. « Ma grange s’est levée et s’est déplacée de deux pieds, ajoute-t-il au Devoir. Il n’en fallait pas beaucoup pour qu’elle parte carrément au vent. Ça fait 100 ans qu’elle est là. » Des blocs de béton projetés aux alentours témoignent de la force du vent.

Des rafales entre 100 et 130 km/h ont été enregistrées à plusieurs endroits samedi en fin d’après-midi au Québec sur la trajectoire de la ligne d’orages.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le silo de béton de Pierre Chaumont a été soufflé sur le toit de sa grange, ce qui l’a en partie détruite.

Des milliers d’arbres ont été arrachés ou abîmés tout au long de son parcours. Dans Lanaudière, deux écoles ont été endommagées par les intempéries. Des arbres centenaires y ont été déracinés, et plusieurs demeures ont été gravement endommagées par les branches.

Dans la ville de Québec, une partie de la toiture d’un immeuble de 72 appartements a été emportée par le vent dans le quartier Vanier. En Outaouais, le clocher de l’église Saint-Fidèle à Fassett, construite en 1918, s’est effondré.

Le raccordement en cours

 

Au plus fort de la tempête, samedi soir, plus de 550 000 foyers ont été plongés dans le noir au Québec.

En conférence de presse lundi matin, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a affirmé que 227 000 clients d’Hydro-Québec étaient toujours privés de courant selon le plus récent bilan dont il disposait. Plus de 60 % des clients de la société d’État qui ont perdu l’électricité au cours de la fin de semaine avaient donc de nouveau accès au courant. Vers 23h45, lundi, ce nombre était passé à un peu plus de 142 000.

La majorité d’entre eux se trouvaient en Outaouais, dans les Laurentides et dans Lanaudière.

Photo: Olivier Zuida Le Devoir L'église Saint-Fidèle de Fassett, en Outaouais, dont le clocher s'est effondré sous la force des vents

Aux côtés du ministre, le vice-président aux opérations et à la maintenance chez Hydro-Québec n’a pas caché que cette tempête n’a rien à voir avec ce à quoi on est habitués, même durant les épisodes de verglas. « On est habitués de voir des branches, des morceaux d’arbre, mais là, ce sont vraiment des troncs, des 50, 60 centimètres. […] On parle de vents, de rafales, qui ont tourné autour de 150, 160 km/h. Avec ces grands vents, l’infrastructure ne tient pas. »

Environ 80 % des clients privés d’électricité devraient être de nouveau raccordés au réseau d’ici la fin de la journée de lundi, a estimé le ministre. Il a précisé que les équipes d’Hydro-Québec entraient maintenant dans une phase de travaux plus importants « en bout de ligne », ce qui fait en sorte qu’il est plus long de rebrancher ces derniers clients au réseau.

« Ça a frappé très large, 100 kilomètres de large sur 300 kilomètres de long », a constaté le ministre. « Il y a 1500 interventions à faire. »

Hydro-Québec rappelle qu’il est important de ne pas s’approcher des fils électriques tombés au sol et qu’il est préférable de laisser ses équipes travailler.

Les experts assimilent cette tempête à un phénomène de « Derecho » qui signifie « droit devant » en espagnol. Assez courant dans le Midwest américain et au sud de l’Ontario, cette ligne orageuse particulièrement violente ne frappe le Québec qu’une fois tous les dix ans, en moyenne.

« Le dernier Derecho a frappé le Québec dans la nuit du 4 au 5 juillet 1999 , précise Antoine Petit, météorologue pour Environnement Canada. C’est sa violence et surtout sa vitesse de déplacement qui le distinguent d’une ligne de grains, d’une ligne d’orages. »

« Difficile », selon lui, de tracer un lien entre cet événement météo extrême et le réchauffement climatique, tant les occurrences sont rares.

Les données radar permettent par ailleurs de croire de façon « assez certaine » qu’une tornade s’est abattue près de Rawdon, dans Lanaudière, « juste avant que le Derecho n’arrive », ajoute M. Petit. Des équipes étaient présentes sur place, lundi, pour vérifier cette affirmation.

Le sud de l’Ontario ravagé

L’Ontario a été tout autant frappé, sinon plus, que le Québec par la tempête. Hydro One rapporte que le nombre de clients sans électricité en Ontario est tombé un peu en dessous de 200 000, lundi matin, après avoir rétabli le courant à plus de 380 000 clients.

Hydro Ottawa a déclaré de son côté qu’environ 110 000 personnes sont toujours sans électricité. « Le niveau de dommages causés à notre réseau de distribution dépasse tout simplement l’entendement », a déclaré Hydro Ottawa sur Twitter lundi. « Nous gérons cela du point de vue de l’ensemble de la ville étant donné qu’aucune zone de la ville n’est épargnée d’une manière ou d’une autre. »

Les dégâts considérables ont incité les villes ontariennes d’Uxbridge, au nord de Toronto, et de Clarence-Rockland, à l’est d’Ottawa, à déclarer l’état d’urgence.

La majorité des décès rapportés concernent des personnes tuées par la chute d’arbres. Une personne est aussi décédée samedi lorsque le bateau dans lequel elle se trouvait a chaviré sur la rivière des Outaouais près de Masson-Angers, au Québec.

La Presse canadienne



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