Métro et autobus de la STM - Le «profil racial» est source de problèmes
Arrestations arbitraires, propos racistes et haineux, provocations et autres accusations portées pour simple délit de faciès... les galeries du métro de Montréal seraient loin d'être des lieux paisibles pour les usagers jeunes et de couleur. Les cas d'interpellations discriminatoires y sont même de plus en plus nombreux, a dénoncé hier le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) qui vient d'enclencher sa contre-attaque. Comment? Avec la mise en place d'un groupe de travail dont le mandat sera de cerner le phénomène pour mieux l'enrayer.
«Le problème de profil racial [traduction littérale de "racial profiling"] n'est pas nouveau dans le réseau de la Société de transport de Montréal [STM], a indiqué Fo Niemi, directeur général du CRARR et coprésident du groupe de travail. Mais aujourd'hui, et devant les nombreux cas qui nous sont rapportés, il est désormais plus que temps d'agir.»Dans la ligne de mire: les agents de sécurité du métro qui, selon l'organisme, font visiblement du zèle dans l'application des règlements lorsque confrontés aux jeunes issus des communautés ethniques de Montréal. Et parfois même, plus.
Les 11 membres du groupe de travail, composé de conseillers juridiques, criminologues et autres représentants de la diversité culturelle montréalaise, en ont témoigné d'ailleurs, hier en conférence de presse. «Les arrestations pour des raisons futiles sont monnaie courante», a expliqué l'avocate Yola Pierre-Jerôme. Un jeune étudiant de l'Université de Montréal, accusé injustement d'avoir fumé dans une station de métro de l'ouest de la ville, l'aurait d'ailleurs appris à ses dépens. «Il a été malmené par les agents de sécurité, qui voulaient lui faire "regretter d'être venu au monde" avant de se faire déchirer le travail qu'il devait aller porter à l'université, poursuit-elle. Des gestes comme ceux-là, dans notre société, sont tout simplement inacceptables.» Difficiles aussi à quantifier, reconnaît le CRARR.
Et pour cause. Les constats d'infractions émis par les agents de sécurité de la STM ne tiennent pas compte de l'origine ethnique du contrevenant. Un appel a donc été lancé hier par le groupe de travail à la Société de transport afin que cette dimension soit désormais prise en compte, histoire de mesurer avec exactitude dans les prochains mois l'ampleur du phénomène. «Pour commencer», précise M. Niemi, un ex-président du Comité d'examen des plaintes à l'époque de la STCUM.
Le CRARR a en effet du pain sur la planche. Car après la quantification viendra l'heure de l'action, avec au programme: une vaste campagne de sensibilisation et d'information afin d'expliquer la question du délit de faciès — délit de sale gueule, disent d'autres — autant aux jeunes issus des communautés culturelles qu'à ceux qui leur font vivre cet enfer.
D'ici avril 2003, le groupe souhaite donc mettre en place un réseau d'aide pour les victimes d'interpellations discriminatoires. «Elles en ont besoin, a précisé Jean-Frantz Benjamin, coprésident du groupe de travail. Pour faire face adéquatement à la justice, mais aussi pour composer avec les dommages psychologiques importants qui résultent d'un tel traitement.» Il compte également développer un programme de formation spécifique à l'intention des agents de sécurité du métro.
Car la formation pourrait bien être la source du problème, comme l'affirment le CRARR à voix haute et la Société de transport de Montréal à demi-mots. «Tous nos agents ont un DEC en technique policière ou un premier cycle universitaire et reçoivent une formation spécifique de trois semaines pour intervenir dans un réseau de transport en commun, a expliqué hier Serge Dupont, directeur du service de surveillance à la STM, non sans avouer que ce problème de harcèlement n'était pas encore arrivé à ses oreilles. Toutefois, notre formation axée sur la diversité ethnique n'a pas été donnée depuis six ou sept ans. Il serait peut-être temps de la remettre à l'ordre du jour...»